Soyons humbles

Vue l’évolution actuelle au Proche- et Moyen-Orient, on peut douter de l’aboutissement rapide d’un processus que nous disons appeler de tous nos vœux, alors que dans nos contrées, nous voulons constamment le modèle politique que nous rêvons d’imposer aux autres.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

Si la présence qatari dans le capital de quelques anciens fleurons luxembourgeois pose problème, c’est pour des raisons autres. L’émirat, très riche et fort bon stratège, sait anticiper. Il prépare donc sa reconversion économique, contrairement à nous. Et pour ce faire, il s’achète d’abord les meilleures têtes, la meilleure expertise, les meilleurs conseillers. Où?

Sur la place de Londres, évidemment, la plus belle ennemie de la place luxembourgeoise. Et, quand il faut être discret, on fait le détour par New York, sachant que l’axe Londres-New York est parfaitement au point. On l’aura constaté déjà par le passé, dans le dossier ArcelorMittal.

Les Sachs Boys sont partout, à tous les niveaux …

La naïveté locale est, de ce point de vue, rare, surprenante, effrayante. Clochemerle, aujourd’hui comme hier, à quelques exceptions près. Car rappelons au passage que dans l’affaire Cargolux, certains se sont bien remplis les poches.

Par le petit bout de la lorgnette

Quand il est question, ces jours-ci, de repreneurs chez la société nationale de fret, l’argument le plus insolite demeure celui de la „démocratie“. La Chine n’étant qu’une „démocratie émergente“, la Russie ne peut être qu’une „démocratie imparfaite“.

Ignorions-nous que cette grande puissance qu’est la Chine a grandi depuis 20 ans? Ignorions-nous ses dimensions, sa géographie, sa démographie? Mais aussi son histoire et son influence à venir?

Serions-nous incapables de comprendre que la Russie, oui, celle de Poutine, est européenne, donc des nôtres et qu’elle hésite actuellement entre deux choix stratégiques de la plus haute importance: s’ancrer dans le continent européen ou s’allier à la Chine, donc à l’Asie?

L’Europe et le Luxembourg ont-ils vieilli au point de ne plus reconnaître les grands enjeux du moment?

Eût-elle, l’Europe, la capacité de rebondir aisément qu’on comprendrait sa fainéantise intellectuelle? Eût-il, le Luxembourg, une vision qu’on tenterait d’explorer? En vérité, il n’en est rien. Pourtant, si pointilleux à l’encontre d’autrui, le Luxembourg serait bien inspiré de se regarder dans son miroir.

Démocratie? Où est-elle donc, cette démocratie qui vit avec une population étrangère de 50% qu’elle laisse à la périphérie? On s’arrange bien entre soi en se donnant l’alibi de quelques ouvertures bidons ou réelles comme le droit de vote aux municipales ou l’élargissement de la loi sur la nationalité. On calme les autres en leur promettant de l’argent, c.-à-d. les apôtres de la moraline. „Musulmans, tenez-vous à carreau, et par la grâce de la non-séparation de l’Etat et de l’Eglise, vous aurez vos chapelles, vos plages d’endoctrinement.“

En attendant, on se refile les postes, on se partage les conseils et administrations, de père talentueux en fils raté …

Démocratie!

Au parlement, quelques „bonnes femmes“ se laissent instrumentaliser au nom de la pseudo-égalité des sexes. Le vote de la loi rétrograde sur l’avortement en est la plus flagrante des illustrations. Plus de 90% d’hommes qui décident de ce qu’il y a de plus intime pour une femme. Oh, démocratie, quand tu nous nargues!

Dès lors, et à défaut d’engager une profonde réflexion sur la démocratie luxembourgeoise, redevenons humbles et envoyons au crématoire nos préjugés et nos jugements sur l’insuffisance démocratique des autres en général et de ces vieilles nations que sont la Russie et la Chine.