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Nos enseignants

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Une fois de plus, les enseignants se trouvent cloués au pilori.
Une fois de plus, la politicaille se moque d’eux – les humilie et les offense en alimentant les légendes populistes de paresse, de vacances démesurées, de traitements disproportionnés par rapport aux heures réellement prestées et autres incongruités.

Il est difficile d’expliquer à des ignares qu’une heure d’enseignement requiert des fois plusieurs heures de préparation – cela n’est pas apparent et pourtant cela est une réalité que la plupart des fonctionnaires n’ont pas à affronter.

Il en est ainsi des heures consacrées à la correction des devoirs de classe. Il faut une réflexion approfondie pour procéder à une évaluation correcte.
Cela encore ne va pas de soi et requiert des heures de travail en dehors de l’enceinte scolaire.

Jetons un regard en arrière et interrogeons-nous sur le sens profond de l’éducation.
J’étais élève à l’Athénée grand-ducal, section latine jusqu’en 1958, cours supérieurs compris.
C’était la plus importante étape de ma vie. J’avais des professeurs d’une qualité exceptionnelle.
Citons-en quelques noms:
Prussen, Biermann, Engel, Bourg, Léopold Hoffmann et tant d’autres, avaient ce don d’éveiller en nous curiosité et passion.
Ils prodiguaient avec chaleur et générosité un enseignement qui se fixait à tout jamais dans la substantifique moelle de chacun de nous.

Tous, nous en gardons un souvenir ému, inaltérable. Ils nous enseignaient les langues, l’orthographe, la grammaire.
Ils nous faisaient aimer philosophie et littérature; ils nous léguaient le savoir latin, rendant présente et combien vivante l’Antiquité gréco-romaine; ils nous ouvraient les grandes pages de l’Histoire universelle tout en nous inoculant le sens critique nous permettant de juger faits et idées en toute indépendance et liberté intellectuelle.

Nous quittâmes cet établissement merveilleux avec des connaissances pratiquement encyclopédiques. „On était formé à percevoir pour agir de façon non seulement adaptée pour toujours, mais adaptable en permanence.“
Ce sont eux qui nous ont façonnés, forgé nos cerveaux et caractères – nous ont donné tout pour affronter la vie.

L’enseignant porte la charge redoutable, mais essentielle, de former les générations futures.
L’avenir d’un pays lui est confié. Il ne peut se permettre d’être nul ou simplement médiocre. Il doit être à la hauteur de sa tâche. L’évolution de la société est à ce prix.
La plupart des enseignants ont embrassé ce métier difficile par conviction, avec enthousiasme comme l’avaient fait nos professeurs des années 50.
Ce choix ne va pas sans passion.
Il est un fait affligeant que, depuis des décennies, l’enseignant doit subir une politique chaotique de l’éducation nationale. Il est laissé dans un „Abseits“ blessant.

Les réformes qui se suivent à une cadence souvent effrénée sont pratiquement toujours marquées au coin de l’incompétence.
Incompétence ou ressentiment?

On ne peut se défaire de l’opinion que la politique de certains ministres était mue par des ressentiments personnels, voire de la haine à l’encontre du corps enseignant – expériences douloureuses vécues dans un passé lointain? Ou échecs de la progéniture qu’il s’agit de venger?
Tout cela fait ce cocktail curieux qui pourrait aider à mieux saisir les causes profondes de décisions irresponsables.
Quoi qu’il en soit, ces réformes ont contribué à la saharisation intellectuelle du pays.
L’ensablement a atteint un niveau révoltant.

Prenons quelques exemples qui, pour le profane que je suis, ont marqué négativement l’enseignement.
La politicaille a réussi l’exploit d’abolir des examens qui, dans la vie de tout élève, avaient un impact capital.
L’élève passait, moyennant des épreuves des fois très dures, d’une étape à une autre de sa jeunesse. D’écolier, il devenait élève. C’étaient, à dire vrai, des cérémonies d’initiation.
Les politiques ont oublié que l’homme porte en lui la molécule cérémonielle.
Désormais, l’évolution scolaire se fait sans transition. La structure humaine ne s’y retrouve pas.
On aboutit ainsi à une banalisation inquiétante des études.

Cette banalisation fut ensuite accentuée par le système de la compensation qui favorise la paresse intellectuelle et creuse le vide.

Finalement, en abolissant le latin comme discipline obligatoire pour certaines carrières académiques (avocat – le droit reste toujours essentiellement romain quelle que soit l’invasion du yankeeisme financier dans ce domaine – professeur de français – comment peut-on enseigner cette langue sans en connaître les bases qui sont romaines?).

En le faisant, souvent pro domo, on a détruit le pont reliant notre époque à celle d’avant le point 0.
Difficile de saisir alors que l’essentiel a été conçu des siècles avant notre ère.
Notre société ne saurait prospérer sans un système d’éducation nationale cohérent, logique, efficace et stable.
Ceux qui ont choisi la lourde tâche d’enseignant méritent notre soutien et notre sympathie.
Il est grand temps de les écouter quand il s’agit de réformer une fois de plus les pages d’une réforme avortée.

Gaston Vogel