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A la recherche du temps de lire

A la recherche du temps de lire

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Cette chronique s’adresse à des gens qui ont l’habitude de lire beaucoup. Quand il ont atteint un certain âge, ils partagent le même problème en regardant leur bibliothèque: impossible de les parcourir tous, ces livres achetés ça et là, à l’occasion, puis rangés „provisoirement“ à tel et tel rayon. Frustrant, navrant, angoissant même. Chaque ouvrage non lu gardera ses petits et grands secrets, je passe peut-être à côté de quelque chose d’essentiel; si je n’avais jamais été face à face avec Sartre et Camus, ma vie serait autre, et si je rate mon rendez-vous avec cent mille autres, de toutes les langues, qui ont traversé les temps et les générations ou qui quièrent l’attention aujourd’hui, je ne serai pas celui que je pourrais être.

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Il faut se rendre à l’évidence que la vie est trop brève pour tout embrasser. Mais dans nos régions de la planète, elle offre à chacun la possibilité de faire librement des choix intéressants, à condition de se donner le temps nécessaire et de savoir se concentrer.

Autour de nous rôdent les voleurs de temps dont le plus dangereux, l’écran, omniprésent au travail, à la maison, en vacances, jusque dans l’intimité d’une poche ou d’un sac, mine aussi la capacité de concentration. C’est ainsi, mesuré et prouvé par des enquêtes scientifiques. Combien de fois n’entend-on pas la complainte du genre „je ne parviens plus à lire dix pages d’affilée, naguère mon rythme c’était cinq ou six bouquins par mois“?

Si vous faites cet autodiagnostic, sachez simplement que des études récentes craignent une „lente extinction du cerveau de la lecture approfondie si l’on n’apprend pas à se détourner du web“. Sans entrer dans les détails: la lecture sur écran est une incitation permanente à happer des textes et des images aussi nombreux que possible, donc forcéments courts, quelques secondes suffisent généralement pour absorber le principal d’un message, mais les secondes s’additionnent en minutes et les minutes en heures …

On a calculé que vous lirez l’Antigone de Sophocle (traduite) en une demi-heure. Il vous faudra 3 h 30 pour Le meilleur des Mondes de Huxley, 8 h 30 pour Madame Bovary de Flaubert, 2 h 30 pour Gatsby le Magnifique de Fitzgerald, 32 heures pour Guerre et Paix de Tolstoï, 60 heures pour tout le Potter de Rowling; la bible, vous la finirez en 44 heures. – J’ai fait le test: il me faut 2 minutes pour une page de Gide dans la Pléiade, et je n’ai pas osé calculer ce que cela donne pour la collection complète.

Il en faut, des heures

Non, le livre imprimé ne mourra pas de sitôt, il reste un merveilleux et très probablement le meilleur instrument pour s’instruire et se détendre. C’est parce qu’il peut tant nous donner que nous devons lui offrir ce qu’il mérite: une large plage de temps et beaucoup, beaucoup de concentration.

Alvin Sold
asold@tageblatt.lu