Il y a quelques jours, une amie me contacta pour me dire qu’il y a avait eu exactement zéro recension de sa dernière pièce de théâtre. L’amie en question étant l’une des autrices les plus connues et les plus en vue du Luxembourg, la raison ne peut donc en être un manque de notoriété. L’une des explications possibles découle d’une triste réalité: le journalisme culturel se trouve sur le déclin.
Pris dans une phase assez difficile depuis maintenant des années – l’on se rappelle les plans sociaux chez certaines maisons d’édition, les titres qui ont cessé de paraître, d’autres qui ne paraissent plus que sous forme digitale –, le journalisme souffre de la baisse des ventes de l’imprimé et éprouve des difficultés à trouver des annonceurs.
C’est dans un tel contexte que des maisons doivent prendre des décisions – et considèrent peut-être, allant de pair avec une certaine logique gouvernementale, que la culture n’est pas de première nécessité, et qu’on peut donc s’en passer, raison pour laquelle les rédactions culturelles de maints titres s’en trouvent décimées, qui doivent recourir à de soporifiques textes d’agence, des articles de pigistes ou dont les employés doivent se décider à ne plus dormir beaucoup.
Or, au-delà du fait que la culture est un des seuls divertissements qui nous reste à une époque de crise qui dure et perdure et dont on commence à désespérer d’en jamais voir le bout du tunnel, au-delà encore du fait que les pages culturelles des journaux sont parmi les seules à ne pas s’adonner à cette propension au sujet unique – il serait intéressant de recenser le nombre de pages consacrées au coronavirus depuis son apparition ou de calculer le pourcentage des pages d’un journal qui sont dédiées à cette véritable star médiatique – et permettent donc de respirer un peu, entre deux mauvaises nouvelles liées à la pandémie, les chroniques, interviews, recensions permettent aux artistes luxembourgeois, pour qui il est de moins en moins évident de survivre, de bénéficier d’une certaine visibilité et, de façon plus pertinente encore, puisqu’un journaliste n’est pas là pour faire de la pub pour des artistes, de voir leur travail évalué par des personnes compétentes.
Parlant d’évaluation, il semble par ailleurs que le milieu culturel n’ait toujours pas compris qu’une recension se doive d’être honnête, et donc critique, et l’on continue à railler ceux et celles qui font preuve d’un tel esprit critique et qu’on bombarde diversement de courriels, quand ils ou elles ne se font pas insulter sur les réseaux sociaux via des insultes plus ou moins cachées – ainsi, le mec derrière The Hatari Papers n’a-t-il de cesse de s’acharner sur le Tageblatt depuis que l’un de ses journalistes, votre serviteur en question, avait descendu en flèche notre Superjhemp national il y a plus de trois ans de cela (il y en a qui sont rancuniers à mort). Accepter qu’on soit critiqué, accepter qu’on ne dise pas que du bien de vos productions fait partie du jeu – cela est même indispensable pour la professionnalisation du secteur. Ces jours, le ministère de la Culture est en train de réaliser une enquête sur le journalisme culturel. On attend les résultats avec impatience – quoiqu’on craigne de les déjà connaître un peu.
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