Il aura fallu une bien longue semaine avant que le premier ministre, seul et unique supérieur des services secrets, ne parle. Et ce qu’il a dit, hier, est soit grave soit complètement ridicule.
" class="infobox_img" />Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu
Devrait-on faire une note synthétique de son propos,
on la résumerait ainsi: Il savait tout, mais n’a rien fait.
Chacun aurait pu comprendre qu’un premier ministre, chef de l’eurogroupe, par les temps qui courent, ait eu d’autres priorités que son „Spitzeldienst“. Ce qui aurait expliqué que ce service, à l’abandon, agisse de son propre gré, selon ses fantasmes. Si, comme il l’a fait hier après-midi, le ministre de tutelle dit avoir été au courant, alors le pays est face à une vraie affaire.
Qui sont ces personnes qui se permettent de mettre sur écoute le Grand-Duc, chef de l’Etat? Quel est le directeur d’un service qui enregistre les propos de son propre supérieur hiérarchique, en l’occurrence Juncker, qui est l’homme qui éprouve le besoin de constituer 300.000 fiches, qui tutoie le premier ministre et dit partager les „mêmes valeurs“ que lui?
Qui est Mille? Qui l’a mis en place? Qui l’a laissé faire?
Qui plus est …
Pourquoi des fuites savamment orchestrées et dans une périodicité qui n’a rien du hasard? Qui choisit tel ou tel autre média pour organiser les fuites, façon de mieux manipuler l’opinion publique et d’instrumentaliser des journalistes? Dans quel but surtout?
Et puisque du CSV au LSAP en passant par le DP, les Verts et les ADR tout un chacun était de mèche, comment croire une commission d’enquête parlementaire?
La justice seule pourra désormais sévir, du moins si nous voulons préserver quelques restes de notre Etat de droit.
Point n’est besoin de remonter au Moyen-Âge pour expliquer ce qui s’est passé. Tout remonte à la guerre froide, quand l’Ouest espionnait l’Est et vice et versa. Le Luxembourg était dans la zone d’influence américaine, partenaire indéfectible au sein de l’OTAN, base et aéroport aussi militaire. Rappelons, en passant, que les Awacs sont toujours immatriculés au Luxembourg.
Entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le lien était direct; les services rendus étaient, eux, une évidence. Pierre Werner était d’une loyauté occidentale sans faille. Après lui, Jacques Santer le fut. Des nébuleuses tel Opus Dei d’un côté, Stay Behind et Gladio de l’autre, trouvaient un bon accueil et pouvaient opérer en sous-main. Dans les rangs de l’armée, ainsi que de la gendarmerie-police, des hommes de main furent vite trouvés.
Alors quand certains ont estimé, ailleurs, qu’ici aussi il fallait créer un climat d’insécurité, d’aucuns imaginèrent que quelques bombes feraient l’affaire tant qu’on n’attenterait pas à la vie des civils.
L’affaire „Bommeleeër“ était née. Et quand l’imagination du café de commerce crut avoir vu un prince à travers la buée alcoolisée, tout un chacun put s’en donner à coeur joie.
Et puisqu’il y eut un prince, pourquoi pas un Grand-Duc? Tant qu’à faire!
Ne faut-il pas détourner l’attention du public, de l’actualité chaude (Cargolux, KBL, BIL, Mittal, budget, pensions …), des vrais coupables qui courent toujours?
Evidemment. La guerre froide est finie. L’OTAN se prépare à nouveau, comme il y a dix ans, à duper les populations européennes en voulant les impliquer dans une guerre, non plus contre l’Irak, mais contre la Syrie. Pendant ce temps, normalement contraints de s’interroger sérieusement sur certains agissement de ministres dans des dossiers économiques qui sont tout sauf nets, on détourne l’attention en prolongeant l’affaire „Bommeleeër“ en une affaire pire encore, celle des services secrets qui écoutent, espionnent, fantasment, surveillent, contrôlent. Sans rendre des comptes, sans que l’on connaisse le cadre exact dans lequel ils opèrent.
C’est grave. Très grave. Et tellement ridicule …
Un directeur des services secrets, subalterne d’un chef de gouvernement qu’il, oui, répétons-le, tutoie, peut-il impunément laisser supposer que le chef de l’Etat serait susceptible de haute trahison?
C’est monstrueux et c’est délirant.
Le comble est qu’il n’a jamais eu de compte à rendre devant un juge. Pourquoi?
Parce que si ce qu’il a laissé entendre était vrai, il aurait dû dénoncer ce fait gravissime dans l’intérêt de son pays.
Il ne l’a pas fait.
La justice a de belles heures devant elle.
Reste à voir si elle saura se montrer aussi sévère, aussi intransigeante, aussi indépendante et aussi perspicace que quand elle condamne l’automobiliste choppé dans un contrôle routier …
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