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Printemps qui pleure, printemps qui rit

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Vu d’Europe, d’Occident, le Printemps arabe, cette révolution qui a donné tant d’espoir aux peuples du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient, semble finalement partir dans deux directions différentes. Ou trois.

Il y a la Tunisie et l’Egypte qui, engagées dans le jeu démocratique, ont hissé au pouvoir un islamisme plus ou moins éclairé. En Libye, en revanche, le même jeu démocratique a profité à ceux qu’ici nous appelons des libéraux et annoncerait donc un revers pour les islamistes. En Syrie, enfin, c’est la tragédie qui est en passe de s’installer pour de bon, avec sa guerre civile de plus en plus ouverte et son lot de victimes qu’on ne compte plus.

Pouvait-il en être autrement? La révolte, pour ne pas dire révolution, était partie, on le sait, sur deux rails. D’un côté une situation sociale et un appauvrissement intenables, de l’autre des régimes autoritaires et corrompus faisant la loi comme bon leur semblait. Si les Occidentaux, Etats-Unis et Union européenne en tête, les toléraient et les soutenaient, c’était parce que, stratégiquement parlant, ils étaient des relais de leur politique dans la région ainsi que des garants de leur manne économique.

Les peuples en ont voulu autrement. La détresse les a poussés dans la rue, et une fois la machine du soulèvement enclenchée, les régimes pouvaient soit organiser le bain de sang, soit s’écrouler. En Tunisie, en Egypte et en Libye, ils se sont écroulés. Oh, ils ont certes été tentés de semer la mort, mais le vent révolutionnaire a été plus fort qu’eux. En Syrie, c’est pour la boucherie qu’ont opté les dirigeants.

On peut dire sans se tromper que là où les despotes ont été détrônés, la liberté, qui est si difficile à arracher, et surtout à conserver, a, pour le moment, su garder le dessus. La poussée révolutionnaire a remis à l’ordre du jour des processus démocratiques, et ce sont les rapports de forces entre les divers courants politiques qui ont imposé les résultats.

Qui aura le dernier mot?

En Tunisie et en Egypte, ces rapports de force ont joué en faveur de l’islamisme. Ceci pour la simple raison que, réprimés ou pas par les anciens tyrans, les partis religieux ont su, dans la clandestinité ou, parfois, ouvertement, organiser la vie sociale dans leurs pays et gagner ainsi sympathie et confiance. C’est le cas des Frères musulmans en Egypte, ça l’est aussi pour Ennahda en Tunisie. Depuis des dizaines d’années, ils ont tissé à travers tout le réseau social leurs liens, et au moment de la chute des despotes, ils étaient les seuls à être vraiment structurés.

Bien entendu, les courants plus libéraux n’ont pas encore dit leur dernier mot et des islamistes bien plus radicaux qu’Ennahda ou les Frères musulmans se tiennent aux aguets. Mais il faudra bien, désormais, se faire à l’idée que les tyrans d’antan, les Ben Ali et Moubarak, dans une optique occidentale, étaient un rempart solide contre l’islamisation et que, ces verrous tombés, le jeu démocratique favorise, comme partout, les formations politiques qui savent le mieux tirer leur épingle du jeu.

En Tunisie et en Egypte, ce sont les islamistes (que nous voulons croire modérés). En Libye, en revanche, là où la mouvance d’un islamisme social venant en aide aux populations n’a pas pu s’enraciner tant la botte de Kadhafi était écrasante, les élections semblent profiter à ceux qui, dans le processus révolutionnaire, ont lorgné vers l’Occident et qui, aujourd’hui, sont représentés par Mahmoud Jibril, l’ancien premier ministre du Conseil national de transition.

Là non plus le dernier mot n’est certes pas encore dit, mais le résultat du scrutin montre que l’émanation locale des Frères musulmans, le Parti de la justice et de la construction, a été largement marginalisée, y compris dans son bastion sécessionniste de Benghazi.

En Syrie, cependant, se déroule un jeu de massacre autrement cruel. Et la communauté internationale, contrairement à ce qui s’est passé en Libye, est paralysée par des enjeux géostratégiques qui, anachroniquement, font penser au vieux temps de la guerre froide. C’est là que la Russie a décidé de jouer sa dernière carte pour peser, ne serait-ce qu’un tantinet, dans la région. Et les puissances occidentales, ne sachant vers où s’orientera le scénario de la chute de Bachar el-Assad, s’empressent d’attendre et ne font pas de zèle pour faire bouger les lignes.