L’insupportable ordre moral

Plus près de chez nous, chez nos voisins français, le printemps d’il y a un an était, lui aussi, porteur d’espoir pour des millions de citoyens fragilisés par la crise. François Hollande devait en être l’incarnation. Un an plus tard, la déception est criante.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

Les usines ferment à tour de bras, le chômage monte en flèche, les Français sont inquiets. Et le bout du tunnel n’est pas en vue. Mais dans la rue, c’est autre chose qui motive l’opposition de droite. Depuis quelques mois, tous ses canons se sont pointés sur une réforme sociétale pourtant voulue, si l’on en croit les sondages, par une majorité de citoyens, à savoir le mariage pour tous.

Sur le chômage et la disette des Français, la droite ne s’exprime guère. Et pour cause. Ultralibérale à n’en pouvoir plus, c’est elle qui a démantelé la donne sociale. Comme partout donc en Europe, elle continue de prôner l’austérité, alors que les meilleurs économistes savent que celle-ci tue la croissance et ne permet donc pas de surmonter la crise.

Non, cette France-là qui souffre socialement n’intéresse pas la droite. Son cheval de bataille c’est le mariage pour tous. Comme sous Mitterrand, quand elle mobilisa pour les écoles confessionnelles, elle appelle aujourd’hui à descendre dans la rue, à faire de ce mois de mai un remake réactionnaire de Mai 68. Avec comme axes principaux l’homophobie, l’intolérance et le retour de l’emprise religieuse sur la société.

Honni soit …

On n’a qu’à écouter ses différents porte-paroles s’égosiller qu’avec le mariage homo, la France court à sa perte morale. Que de permettre l’adoption revient à assassiner des enfants. Que Dieu a créé l’homme et la femme en tant que seul couple légitime.

L’intolérance est à son comble. Personne, dans le mariage pour tous, ne force personne à rien. Le rejeter revient donc à rejeter l’autre. Celui qui aspire à vivre autrement. Il s’agit là d’une constante des réactionnaires de tout poil. Tout ce qui est différent est honni. L’orientation sexuelle, la religion, la nationalité. C’est donc tout naturellement que la droite qui, il y a peu encore, se voulait classique, flirte avec l’extrême droite pour qui tout cela est, depuis belle lurette, le fonds de commerce le plus porteur.

Les voilà donc côte à côte dans les manifs, les leaders de l’UMP, les ténors du Front national, les fondamentalistes religieux, les homophobes et les xénophobes. Tout ce laid peuple de l’intolérance qui, par les temps de confusion qui courent, entend embrigader sous son drapeau les couches populaires fragilisées par la crise.

Comme dans les Printemps arabes, ce qu’ils ont à offrir n’est pas ce que demandent les citoyens frappés de précarité. Ce n’est pas contre le chômage et la perte de pouvoir d’achat qu’ils mobilisent, mais pour le retour à un ordre moral plus étroit.

Malheureusement, en ne s’attaquant elle non plus à la misère sociale, la gauche qui règne pourtant toute seule puisqu’elle est majoritaire à l’Assemblée nationale, au Sénat, dans les régions, les cantons et les communes, nourrit chaque jour la déception des citoyens au lieu d’alimenter leur espoir par une justice sociale pourtant promise.

Cela ouvre un boulevard inespéré à la radicalisation du discours droitier qui aujourd’hui tient le haut du pavé en France. Et n’augure rien de bon pour les temps à venir.