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L’image: force et danger

L’image: force et danger
(Tageblatt)

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Il s’appelait Aylan et a rendu son dernier souffle à l’âge de trois ans, la tête enfouie dans le sable d’une plage de Bodrum, station balnéaire turque où, d’habitude, d’autres gamins de son âge s’amusent, jouent au ballon ou apprennent à nager.

Sa mort, révoltante, a ému à juste titre la terre entière. Au point d’occulter qu’un autre petit garçon, d’à peine deux ans et plus, son frère Galip, a péri à son tour suite au chavirage de leur embarcation, tout comme sa maman.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

L’image est source d’information, tout autant que le mot écrit ou prononcé. Elle a la force de marquer davantage, puisqu’elle fait directement appel à l’émotionnel qui est en chacun de nous. Elle devient, de ce fait, danger dès lors que l’émotion n’est pas immédiatement canalisée par la raison. Il est heureux, bien entendu, que les peuples aient enfin réagi devant cette horreur qu’est la guerre syrienne. Tout comme il est navrant d’assister à l’hypocrisie des classes politiques ici et là qui font semblant de découvrir l’horreur dont elles sont les co-responsables.

La situation politique syrienne était transparente. Au dictateur Hafez al-Assad a succédé le fils bien intentionné à ses débuts, mais laissé livré aux mains du clan des anciens par l’Europe et les Etats-Unis qui l’ont courtisé avant de le rejeter. Pour ce faire, ils ont financé une nébuleuse. Daech en est le résultat, c’est-à-dire une bande de fanatiques, d’idéologues, de terroristes devenue une menace planétaire.

La guerre syrienne, destructrice d’hommes et de patrimoine, perdure depuis trois ans. Le flot d’exilés était prévisible et l’afflux de réfugiés auquel nul ne sait dignement faire face pouvait être anticipé. A supposer que les services diplomatiques, services secrets, officines diverses, stratèges et autres servent à quelque chose. Aylan (et Galip) est (sont) la conséquence de la mauvaise foi politique internationale plus encore que des exactions de Daech et du régime d’Assad. Fallait-il la noyade d’un enfant pour que politiques et opinions publiques se réveillent? Alors montrons les images de 5 millions d’enfants qui, bon an mal an, meurent de faim dans le monde. En d’autres termes: 1 enfant meurt de faim toutes les 6 secondes … Qu’attendent les Vingt-Huit pour se réunir en sommet? Où sont les comités d’accueil? Que font les collecteurs d’argent, de nourriture, de jouets? Où sont les intellectuels, les professionnels des manifestations sur le web? 5 millions de petits cœurs qui s’arrêtent de battre! Sans que cela n’énerve, ne fasse hurler de rage?

Jadis, les puissances occidentales ont tracé à leur convenance des frontières qui condamnaient le Moyen-Orient à la guerre, la haine, la révolte ethnique et religieuse. Aujourd’hui, ils échangent les pouvoirs en place au gré de leurs intérêts économiques et stratégiques sans plus de clairvoyance. De même qu’ils ont livré l’Afrique, terre éminemment riche et belle, à la misère et la corruption.

Les populations, abruties par le flot d’une information brute „just in time“, suivent jusqu’abreuvées en permanence des „statements“, „points de presse“, „tweets“, nourriture intellectuelle pour pauvres d’esprit, oubliant ainsi allégrement les insuffisances de leurs élus, voire leur état de dépendance de lobbies économico-financiers internationaux.
Aylan est mort à trois ans comme meurent toutes les six secondes Léon, Aïcha, Mohamed, Adila, Batuuli, Aneesa. Tous victimes d’une société occidentale qui n’a plus d’éthique.