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Le grand retour

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L’information a, certes, fait quelques titres, sans pour autant entraîner de discussion d’ampleur. Pourtant, elle est loin d’être anodine, puisqu’à partir de janvier 2013, terme de son mandat européen, Jean-Claude Juncker fera son grand retour dans la politique nationale avant de viser sa réélection en juin 2014.

L’absence

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

Il convient dès lors de s’interroger. Que nous a apporté le parcours européen de Jean-Claude Juncker?

Première réponse: du prestige, bien-sûr, une présence de tout instant sur la scène européenne, la preuve qu’un pays de 500.000 habitants peut, par l’excellence de ses dignitaires, briller et être utile.

Seconde réponse: du désordre au niveau local pendant des années et la perception de non-gouvernement (à ne pas confondre avec la non-gouvernance), surtout à une période cruciale de la crise économique et sociétale.

Un homme sous pression 24 heures sur 24, obligé d’éteindre tantôt un incendie tantôt des feux de brindilles, missionné pour sauver la monnaie commune, prévenir le pire en Grèce, en Espagne, en Italie, contraint de trouver jour après jour le juste équilibre entre les Merkel, Sarkozy (désormais Hollande), Barroso, Van Rompuy, est un homme qui doit nécessairement investir toute sa concentration, son énergie, son intelligence, son temps, sa force morale et physique et devient – qu’il veuille ou non l’admettre – un absent de ses propres terres.

On notera d’ailleurs qu’il aura fallu des mois jusqu’à ce que le président de l’Eurogroupe redevienne premier ministre pour retrouver la presse ici, il y a huit jours, pour lui parler du Luxembourg et de dossiers luxembourgo-luxembourgeois. Tout un symbole.

Le prix de l’absence

L’homme politique que ses pairs européens ont désigné pour présider l’Eurogroupe et qu’ils ont dès lors considéré comme capable de sauver l’Europe, qu’eût-il pu faire s’il avait pu se consacrer pleinement à son pays?

– Faire mille et un arbitrages sensés;

– écouter, sous-peser, prendre le pouls des forces vives;

– observer la société en devenir;

– comprendre les inquiétudes des syndicats, juger du bien-fondé comme du moins bien-fondé des patrons, sauver le modèle tripartite;

– analyser le comment et le pourquoi de la montée des populismes;

– saisir les clivages qui s’expriment à l’école et dans la rue?

L’absence a un prix, peut-être d’abord pour celui dont les pensées furent ailleurs, fût-ce pour un but noble et pour une cause qui valait l’enjeu.

L’avenir

En Jean-Claude Juncker de retour s’exprimeront les forces et les faiblesses du CSV. Son parti sera-t-il encore capable de suivre celui qui lui a tant apporté? Le premier ministre aura-t-il les soutiens inconditionnels pour lui permettre d’engager le Luxembourg vers un autre cap, d’affronter avec des concepts clairs et une stratégie indiscutable les défis du XXIe siècle?

A-t-il les réserves, la patience, l’humilité pour ébaucher l’indispensable grand projet pour un Luxembourg nouveau? Trouvera-t-il en lui la volonté, l’énergie, le souffle, voire la passion?

Où et comment se ressourcera-t-il, après une quasi décennie de vie folle, sous haute pression?

Où et comment se ressourcera-t-il pour se réinventer afin d’inventer un pays autre?

A l’heure actuelle, l’inquiétude grandit dans la société. Trop de valeurs de référence se sont effondrées, trop d’instabilité nationale et internationale fait peur, la société s’est redessinée du tout au tout et les Luxembourgeois s’interrogent sur l’identité culturelle, économique, sociétale de cet autre pays qu’ils ont quelquefois du mal à cerner.

Alors qu’on apprend que la contribution financière luxembourgeoise au mécanisme de sauvetage mis en
place par l’UE est la plus élevée (l’Allemagne arrive à la 4e place), on peut ajouter que politiquement, cette contribution se résume à l’énergie pleine et entière de M. Juncker.

Qu’on nous permette donc de raisonner comme ces financiers que la caste politique admire tant: quelle sera la „shareholder value“ que le Grand-Duché percevra le jour du grand retour de son premier ministre?