La veille de la fête nationale, des membres du collectif artistique Richtung 22 avaient essayé de tracer à la craie une version alternative de l’hymne national. Ils furent interrompus dans leurs efforts par l’intervention des forces de l’ordre, suite à quoi ils eurent droit à un procès.
Le collectif est à présent de retour dans ce qu’il appelle, avec l’ironie qu’il faut, le „terrorisme à la craie“. En effet, la cour de justice ne leur reproche plus à présent d’avoir endommagé – quoi au juste? –, mais d’avoir „balancé des ordures“. Comme quoi, ce qui est matière à visée éducative dans une salle de classe devient ustensile producteur d’ordures ailleurs. Les philosophes pragmatiques jubileront: c’est bien le contexte qui détermine la définition d’un objet. Un sacré progrès juridique – dans le ridicule. Dans leur dernier communiqué, les membres de Richtung 22 exigent, grossissant volontairement les traits de l’accusation, qu’on juge de façon exemplaire les délits crayeux de nos jeunes délinquants – et qu’on admette ainsi le potentiel destructeur de l’art.
Car il est vrai que l’accusation ordurière ne va pas assez loin dans le ridicule – et que qualifier une pratique artistique au final inoffensive d’ordurière est assez maladroit, quoi qu’on en pense esthétiquement. Mais que les artistes de Richtung 22 – à qui on conseillerait aussi d’investir leur énergie provocatrice, aussi rafraîchissante qu’elle soit, à produire des œuvres plus substantifiques – soient rassurés: dans l’univers de l’écrivain Antoine Volodine, univers où le capitalisme a totalement remporté la mise, la plupart des personnages, loques humaines ambulantes, sont tellement appauvris qu’ils ne savent plus que créer une „littérature des poubelles“.
Et cette dernière devient, dans son monde romanesque, l’ultime moyen de lutte.
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