Egalités

„Il y a de plus en plus d’argent et de moins en moins de partage, et dans mon pays, la situation est atroce.“ Le propos fut tenu par la plus européenne des chanteuses de jazz américaines Dee Dee Bridgewater – ce lundi soir à Luxembourg dans une Philharmonie comble et debout. On ne sait pas si bien dire, surtout devant un parterre où l’on pouvait détecter de-ci et de-là des acteurs du monde financier, si sérieux, rigoureux et quelquefois psychorigides quand il est question de sous,
de gros sous …

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

Oui, au Népal, un porteur de trek gagne 1.200 roupies par 25 jours, soit l’équivalent de 12 euros. Et quand advient l’avalanche qui le tuera sous le coup, on ne parlera pas de lui dans les médias, mais du pauvre chercheur d’aventures nanti qui aura péri, carte Visa en poche. A croire que même devant la mort il y aurait inégalité … Pas vraiment, heureusement, puisque l’issue aura été fatale dans un cas comme dans l’autre.

Argent à ras les caisses et les comptes bancaires, argent blanc ou noir, propre ou illégal: la nature ne distingue pas. Les tsunamis, tremblements de terre ou autres catastrophes nous racontent seulement l’histoire des fissures des plaques terrestres, et celles-ci ne distinguent ni les nationalités, ni les religions, ni les couleurs de la peau. Pas plus que les contenus des portefeuilles, et c’est une justice élémentaire. La seule probablement puisque par ailleurs, l’égalité est un vain mot, un peu ridicule quand on s’intéresse à la réalité. Que ce soit dans le domaine de la médecine, de l’instruction, de l’éducation, dès que l’on sort des clichés convenus, on s’aperçoit que l’égalité est un vernis passe-partout pour gens politiquement corrects. On peut même s’en servir pour commercer, se faire élire, être médiatisé. Quelle est donc l’égalité face au chômage des jeunes, alors que l’on licencie pour améliorer la rentabilité? Quelle est-elle lorsque l’on cache aux mêmes jeunes qu’il y a des emplois vacants pour qui veut bien s’adapter, réorienter sa formation, sortir des chemins convenus? Quelle est-elle quand on ne leur dit pas qu’ils ont peut-être trop demandé tout de suite, sans donne d’abord, et que le partage est à double sens? Que leur apprend-on sur les marchands du temple?

Nul ne naît égal. Ni par son bagage génétique,
ni par son milieu social, environnemental, géographique, son entourage familial. Egalité des peuples, nous dit-on. Laquelle donc? Celle du peuple suisse ou luxembourgeois et celle des peuples du Sahel?

Egalité des hommes et des femmes. Quel bonheur qu’ils soient différents quitte à être égaux en droits. Droits si théoriques, en vérité, tant dans la vie privée que professionnelle, surtout dans cette dernière, où les plus méprisants ne sont pas toujours dans les milieux dits conservateurs. Les exemples dans le monde politique et para-politique fourniraient un sublime travail d’enquête à des journalistes curieux. Curieux et courageux. Libres dans leurs têtes et donc inégaux … Si l’on
se contentait de parler de justice, d’humanité, d’honnêteté. Ce serait déjà beaucoup.