Avec un score de plus de 38%, le CSV rafle la mise évidemment. Il est vrai que c’était le seul parti à sept candidats et que c’est le tandem Juncker-Reding qui a gagné haut la main. L’un est premier ministre sortant, pour beaucoup l’Européen tout court et de surcroît la tête de liste du PPE. L’autre fut trois fois commissaire européenne et tous les deux sont des professionnels de la communication politique. Le résultat est là, net, évident.
Les Verts ont tout lieu de se réjouir. Là encore, leur tête de liste fut convaincante, député européen sortant, sympathique, compétent dans ses domaines de prédilection et lui aussi communicant hors pair. De plus, il avait au moins deux co-candidats de poids. Cela aura suffi à se hisser sur la deuxième place. Au détriment de Charles Goerens et du DP. Nul ne contestera le potentiel sympathie ou l’engagement européen de l’élu sortant. Sa liste ne le servit pas vraiment. Reste le LSAP et sa quatrième place, un véritable fiasco. C’est déplaisant, mais réel. Quelles en sont les causes?
Mady Delvaux n’était pas la bonne tête de liste, n’en déplaise à ses qualités humaines et intellectuelles. Mauvaise oratrice, ministre sortante mal aimée par les enseignants, les élèves et les parents d’élèves, elle faisait un peu figure de celui (celle) que l’on recase à Strasbourg pour un dernier tour de piste. Elle qui connaissait pourtant l’Europe de l’intérieur (elle a siégé dans x conseils des ministres européens) n’était pas créditée du savoir-faire en la matière comme le fut par exemple Mme Reding. A cela il faut ajouter que l’une, très „public relations“ est enthousiaste quand elle parle, alors que la seconde, discrète par tempérament, n’entraîne pas les foules. Sa liste, avec beaucoup de jeunes gens prometteurs, faisait poids plume. On ne lance pas de nouveaux futurs politiciens dans un scrutin transnational et cela, le parti socialiste aurait dû le savoir. S’y ajoute que les socialistes souffrent de l’„ambiente“, de l’air du temps qui est défavorable dans toute l’Europe à la gauche social-démocrate qui a du mal à affirmer son identité et qu’il est de tout temps plus facile d’accabler les partis de gauche que de droite lors des périodes de récession et de chômage.
On aurait tort de conclure un peu vite à une sanction du nouveau gouvernement. „Gambia“ n’est pas suffisamment longtemps aux affaires pour avoir commis de grand tort. Peut-être y eut-il une petite revanche de ceux qui pensaient que Jean-Claude Juncker et le CSV seraient nécessairement, obligatoirement, le chef de file de tout gouvernement luxembourgeois pour l’éternité.
Au moins le Luxembourg aura échappé au déshonneur, ce qui est loin d’être le cas ailleurs.
Abstention et extrêmes
Pour l’observateur externe, il est frappant de voir les taux d’abstention, en particulier dans les Etats membres issus de l’ancien glacis soviétique. On aurait pu penser que ceux qui voulaient à tout prix rentrer dans l’UE et se targuent d’être de „nouvelles“ démocraties, s’intéresseraient à autre chose qu’aux subventions de Bruxelles et se feraient un honneur de profiter de ce droit si précieux dont ils furent si longtemps privés: le droit de vote libre. Et non! Il n’y a qu’à voir le cas de la Pologne.
Le résultat le plus marquant est évidemment le score du Front national en France, premier parti avec 25% (plus de 29% à l’Est, c.-à-d. à notre porte). Premier parti aux européennes, convient-il de préciser, car dans une élection de ce type on peut caser toutes les frustrations qu’on ne se permettrait pas tout à fait dans un scrutin national. Un résultat qu’il faut aussi mettre en adéquation avec le taux de l’abstention, ce qui relativise le résultat, même si les journalistes n’aiment pas trop s’adonner à cet exercice.
Il n’empêche: la France va mal, droite et gauche confondues, et on peut désormais s’interroger où s’arrêtera la débâcle.
Ceci dit: presque partout, l’extrême droite et l’extrême gauche excellent, preuve de ce climat un peu années trente qui marque notre époque, preuve également que beaucoup de citoyens n’en peuvent plus de la crise et de ses dégâts collatéraux sur leurs vies, preuve qu’une majorité d’entre eux ne veulent plus de l’Union européenne façonnée par les Rompuy-Barroso, preuve qu’ils rêvent d’un avenir différent pour eux, leurs enfants et leurs petits-enfants. Car où se cache l’Europe des libertés, celle du bien-être, celle de la justice, de la solidarité?
Le vote du 25 mai 2014 pour l’élection des députés européens fut un vote à la fois de défiance et de méfiance. Ce fut aussi un appel. L’appel des citoyens aux nouveaux élus du suffrage universel pour changer de cap.
A l’heure où les états-majors font déjà les comptes pour savoir qui dirigera quoi, on aurait tort d’espérer. Car quand les politiques discutent rapports de force, ils ne veulent pas réfléchir sur le fond des choses.
Si rien ne devait se produire, alors il ne restera plus qu’à demander aux cartomanciennes si, dans cinq ans, pour le prochain scrutin, la crise économique, initiée par le monde financier, sera dépassée.
Danièle Fonck
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können