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Contrastes

Contrastes
(AFP)

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Un patron américain richissime, donc un homme qui pourrait se permettre d’accéder à la culture et un certain degré de civilité, fait lui-même de la publicité télé pour se moquer des produits européens, français en particulier.

Le même PDG prétend dans un courrier son refus de reprendre l’usine Goodyear d’Amiens en reprochant aux ouvriers français de ne travailler que trois heures par jour et d’être trop payés.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

Certes, les „Goodyears“ invoqués ne prestent que trois heures pour la bonne raison que leur maison-mère américaine en a décidé ainsi. Certes, en Inde, beaucoup d’ouvriers ne sont payés qu’un (1) Euro de l’heure et c’est mieux qu’en France, qu’au Luxembourg ou en Allemagne. Mais est-ce ainsi, par ces raisonnements d’un autre âge que l’on fait avancer la civilisation, la société, le genre humain? Non, évidemment.

En 1913, quand le Diekirchois Paul Schroell, industriel et libéral, a fondé le Tageblatt, il expliquait clairement à ses amis politiques que si la classe ouvrière avait du pouvoir d’achat, leurs commerces s’en porteraient d’autant mieux. D’où son souci de soutenir le progrès social.
„Evident, mon cher Watson?“, aurait demandé Sherlock Holmes (note: SH disait toujours: „Elémentaire, mon cher Watson“). Apparemment non. Car aujourd’hui, certains dociles élèves de think tanks ultralibéraux anglo-saxons ont du mal à accepter l’idée que
le niveau de vie des classes moyennes conditionne la croissance, contribue à la productivité par la motivation et la paix sociale.

Dogmes

Il est vrai que tout va mal lorsque les politiques se font l’écho de ces chapelles au lieu de les inspirer et qu’ils reprennent à leur compte des idées faute d’imposer les leurs. Y aurait-il, néanmoins, du changement en vue? Oh, les Paul Krugman et autres Buiter ne se sont pas (encore) convertis. Cependant, le penseur en chef de Citigroup pour l’Europe, Jürgen Michels, celui qui prédisait en mai 2012 que la Grèce quitterait la zone Euro, vient d’admettre qu’il „est difficile en ce moment de faire des prévisions économiques“. Pour cause.
Pour la toute première fois, les économistes s’aperçoivent qu’une donnée majeure leur échappe: le politique. Car réunis au sommet, discutant entre eux, les Européens s’avèrent désormais capables d’inverser le cours des choses, de décider autre chose que ce à quoi les marchés veulent les astreindre. La Grèce demeure dans l’Euro (à un prix social du reste effroyable), l’Espagne reprend un brin de rigueur, l’Italie se débrouille (comme si souvent), la France se bat et l’Allemagne montre les premiers signes (prévisibles) d’essoufflement.

Rien donc ne se passe comme annoncé par les experts ès mauvaises nouvelles et si tant est que l’Europe n’est pas sortie d’affaires, rien n’autorise le défaitisme. D’où l’urgence pour les gouvernements, toutes tendances confondues, de se saisir de l’opportunité pour remettre les pendules à l’heure. En d’autres termes pour rappeler que la politique prime sur l’économie et non l’inverse.
Point n’est besoin de décrier comme idéologues ou gauchistes ceux qui considèrent qu’un bonus de PDG plus élevé que 20 ou 30 prêts immobiliers refusés à de modestes emprunteurs est non seulement anormal, mais carrément grotesque.

Qu’un dirigeant soit davantage rémunéré que ses salariés est une évidence, communément acceptée. L’enrichissement ne devient inacceptable que quand il se fait indécent. Au cours de l’histoire, c’est toujours l’indécence qui fut à l’origine du „désordre“ social et donc des révolutions. Serait-ce si difficile de faire acte de sagesse? En bannissant l’excessif? Pour, finalement, mieux réussir ensemble.