Headlines

C’est à pleurer

C’est à pleurer

Jetzt weiterlesen! !

Für 0.99 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Comment? Il n’y aurait plus de bonnes nouvelles, Madame, Monsieur?
Mais n’avez-vous pas lu la presse du 2 janvier? Pardon, j’oubliais que vous ne perdez plus votre temps à tourner des pages et des pages: de toute façon, ça ne sert à rien, toutes ces infos sur les réfugiés, les guerres, les épidémies, la faim et toute la misère du monde; on n’y peut rien, c’est écrit, et puis vous avez suffisamment de soucis pour boucler le mois car tout devient plus cher même si l’inflation officiellement mesurée est à zéro. D’ailleurs, dites-vous, on est sur le point de dégraisser: le rendement ne suffit pas et la direction a été priée de réduire les coûts pour augmenter la marge et qui sait ce qui arrivera; oui, vous baissez la tête, vous courbez le dos. Comme tout le monde. L’essentiel est sauvé: le smartphone, la tablette, la télé, les vacances, y a pas de raison pour se plaindre, d’autres vont bien plus mal, prenez les Grecs par exemple, les voilà assez fous pour élire la gauche. Mais ils rêvent, ces gens-là, ils vont prendre une raclée: les marchés et la grande politique, celle des Merkel et Juncker, leur apprendra à ramper!

Ah! Madame, Monsieur, cela fait de la peine de vous entendre parler ainsi. Car voyez-vous, il y a de bonnes nouvelles par les temps qui courent, de très bonnes même. Tenez, dans la presse du 2 janvier, en page 22, vous auriez pu trouver consolation et réconfort. En effet, il y était relevé que les 400 personnes les plus riches de la planète avaient pu augmenter leur fortune de 92 milliards de dollars en 2014, année de crise gravissime pourtant. Le seul Jack Ma, un instituteur chinois devenu entrepreneur numérique, est crédité de 25,1 milliards supplémentaires. Attention, s’il continue comme ça à bosser, il finira par rattraper le numéro un des Crésus, le bon Bill Gates, qui possède 87,7 milliards, donc de quoi en mobiliser vingt fois plus, à la manière de la Commission européenne. Gates pourrait sauver quatre Europe, Carlos Slim et Warren Buffett aussi, et Zuckerberg, s’il le voulait, deux ou trois.

Sauvés? Sont-ils sauvés désormais, les Etats financièrement acculés à la ruine, au point d’être contraints par les agences de notation de comprimer leurs budgets sociaux, de vendre leurs joyaux, de lever des impôts nouveaux sur les petits et les moyens revenus car les grands, n’est-ce pas, sont intouchables?

Cessons d’ironiser. L’émancipation économique, sociale et culturelle de l’Humanité s’éloigne sous l’effet de la dépolitisation des sociétés de consommation occidentales. On n’essaie plus de comprendre le pourquoi des faits, ni leurs tenants et leurs aboutissants; l’homme, pourtant animal grégaire s’il en est, s’esseule, s’individualise, se désintéresse des autres et donc des projets de société. S’il travaille, c’est pour vivre, vivre étant synonyme de consommer. Pour que cela fonctionne, il faut que l’enseignement, du primaire au supérieur, se soumette aux besoins de l’économie de marché, laquelle, pour générer les fortunes de MM. Gates, Ma, Slim et autres Zuckerberg, ne produit pas ce dont les hommes et les femmes et les enfants ont besoin, mais ce qu’on peut leur faire acheter.

Renverser la vapeur? Tu peux toujours rêver, mon gars.

Alvin Sold