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Bienvenue, Monsieur le Président

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Contrairement à certains de vos concitoyens, Monsieur le Président, nous sommes parfaitement conscients d’une évidence: dans un pays de près de 65 millions d’habitants, on fait forcément partie des meilleurs si l’on accède aux plus hautes sphères de l’Etat, le processus d’élimination étant tel qu’on est nécessairement brillant, forte personnalité et ambitieux.

Logo" class="infobox_img" />Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

Ressortissants d’un petit Etat membre de l’Union européenne qui n’a jamais connu les lustres d’une grande République, nous ne vous envions pas. Car autant votre pays est sublime et rayonne pour nous de mille nuances de bleu de la Méditerranée à l’Atlantique en passant par les cimes des Alpes, du Jura, des Pyrénées ou des Vosges, autant il est la base de notre culture philosophique des droits de l’Homme, des Lumières, de la laïcité, du droit d’asile et de la notion d’accueil, autant il vous sera jusqu’au bout difficile de faire votre métier deprésident. Car comment réformer, moderniser, adapter aux défis d’un monde globalisé une terre avec ses DOM et ses TOM quand le peuple est si versatile, si impatient, si facilement arrogant, toujours râleur, systématiquement prêt
à casser avant de dialoguer et pourtant complexé face à une Allemagne qu’il admire aveuglément, alors qu’il ignore tout de ses capacités, de son potentiel, de sa richesse à tous égards? Un peuple qui voudrait un roi, mais un roi nu, sans privilèges et tout dans la transparence?

Les liens entre nos deux pays, Monsieur le Président, sont complexes et caractérisés par une relation amour-haine digne d’un vieux couple. Lorsque le Grand-Duché qui n’avait rien demandé, ni l’indépendance ni la pauvreté ni la guerre, a demandé humblement en 1919 à être rattaché
à la France, cette dernière l’a snobé. Depuis, elle l’envie parce qu’il exploite nécessairement les créneaux de souveraineté qui s’offrent. Pour survivre dans un premier temps, bien vivre par la suite. Or voilà qu’on nous le reproche …

Vos médias surtout, dont le mépris tient de l’inculture si ce n’est de la bêtise, de l’injustice aussi, bien sûr, et l’injustice sied mal à la France.

Pourtant!

Quand il fallut, par le passé, défendre les lieux
de travail provisoires du Parlement européen, les autorités françaises réclamaient au Grand-Duché l’appui qu’elles lui refusaient pourtant quand il y allait du lieu de travail du secrétariat, installé lui à Luxembourg.

Vous avez installé Cattenom à nos portes, jadis fleuron du nucléaire français. Votre vieille centrale, vous pourriez en revanche nous en débarrasser, car nous n’aurons pas le temps de fuir dans le Midi …

La dernière mode consiste à vouloir détruire notre place financière. Vous rendez-vous compte que nous ne faisons pas pire que Monaco ou vos îles et qu’en sus, notre bonté nous fait même cofinancer les films des journalistes français qui crachent sur nous.

Mais convenons-en: vos hôpitaux universitaires ont de tout temps été grand ouverts pour nos malades, et vos facultés et grandes écoles ont pendant des générations formé nos élites. C’est un peu moins le cas (faut-il préciser que nos élites rapetissent comme les vôtres) aujourd’hui, peut-être parce que la France n’a pas su investir dans la défense de sa si belle langue qu’on parle si mal désormais dans l’Hexagone. Il n’empêche, le français demeure l’une de nos langues officielles et est devenu notre première langue véhiculaire, ne fût-ce que parce que nous recevons quelque 120.000 frontaliers (pour eux bon gré mal gré) quotidiennement. Heureusement, Monsieur le Président, le TGV nous rapproche de la plus belle capitale
au monde, Paris qui «sera toujours Paris», en dépit des attentats ou des grèves. Paris si cohérent dans son unicité et si multiple dans ses villages, si multifacette de par sa population bariolée.

Non seulement, cher François Hollande, nous sommes «Charlie» avec vous; nous sommes prêts à rêver avec vous pour que le Paris d’Eiffel puisse accueillir l’Exposition universelle. Nous aimerions que la France, par vos actes et par votre voix, soit grande, belle et forte au sein d’une Union européenne que nous voulons autre.

Vous savez, Monsieur le Président: dans les petits pays on se rend davantage compte non seulement de la nécessité d’une savante équidistance entre deux grands voisins, mais aussi de celle d’une France non alignée en politique étrangère, qu’il s’agisse du Moyen-Orient ou de la Russie.

La prochaine fois, revenez donc, comme le firent beaucoup de vos grands prédécesseurs, en visite d’Etat, deux ou trois jours. Nous sommes certains que vous apprendrez à mieux nous connaître.