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ForumL’aveuglement mémoriel luxembourgeois revisité

Forum / L’aveuglement mémoriel luxembourgeois revisité
Le Mémorial de la Déportation à la gare de Hollerich est un bon exemple de confusion mémorielle. Le texte sur la plaque n’a rien à voir avec les Juifs, mais on a ajouté les étoiles de David sur le socle du monument. Les enrôlés de force n’étaient pas des déportés. Les véritables déportés, les Juifs, ont été déportés de la gare centrale. Photo: Mil Lorang

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Me référant à l’article de Vincent Artuso publié le samedi 18 février 2023 au Tageblatt sous le titre „Février 1943: un mélange d’antisémitisme, d’ignorance et d’aveuglement“, je me permets d’élaborer sur certains points évoqués.

L’aveuglement que l’auteur mentionne dans son article perdure jusqu’à nos jours dans certains milieux de la culture mémorielle luxembourgeoise, malheureusement. Mettre en équivalence l’enrôlement forcé dans la Wehrmacht, dans la Police allemande ou dans la Waffen-SS avec le génocide commis par le régime nazi contre les Juifs d’Europe, revient à relativiser, voire à banaliser la Shoah, et peut être considéré comme une certaine forme d’antisémitisme.

Les Juifs n’étaient pas des victimes de guerre, mais les victimes d’une politique raciale sans barrières, totale en quelque sorte, conduite par l’État nazi allemand contre cette minorité qui fait partie des populations européennes depuis plus de deux mille ans. „Totale“ dans le sens où les nazis tentaient d’anéantir tous les Juifs d’Europe, du nourrisson jusqu’au vieillard grabataire. Avec quelle justification? Selon la politique raciale des nazis, les Juifs étaient moins que des sous-hommes, ils les considéraient en fait comme des non-humains, comme des parasites des sociétés humaines qu’il fallait éradiquer comme on éradique des insectes. Les Juifs ne pouvaient pas se racheter, par exemple en adhérant à l’idéologie nazie ou en se convertissant à une autre religion et avoir ainsi la vie sauve. La condition juive fut définie par les nazis sur une base biologique. D’après cette théorie raciale farfelue, les Juifs portaient en eux des caractéristiques négatives immuables, qu’ils transmettaient à la génération suivante par le sang (la justification pour tuer également les bébés).

Lors de la Conférence de Wannsee à Berlin, le 20 janvier 1942, une liste des Juifs d’Europe fut dressée qui comprenait également les Juifs des pays européens qui n’étaient pas encore sous occupation allemande, comme la Suisse ou le Royaume-Uni. Le total de cette liste s’élevait à plus de 11 millions de personnes qui étaient visées par la „solution finale de la question juive européenne“ („Endlösung der europäischen Judenfrage“), expression utilisée dans le compte rendu de la réunion rédigé par Adolf Eichmann. Heureusement que les Alliés ont finalement réussi à mettre fin à ce régime raciste radical sans précédent dans l’histoire européenne.

Les Luxembourgeois étaient en revanche considérés par les nazis comme appartenant à la race aryenne suprême, la „Herrenrasse“ („race des seigneurs“). Malgré leur recrutement involontaire, les enrôlés luxembourgeois dans les forces armées allemandes bénéficiaient des mêmes droits que leurs camarades allemands, donc du même salaire, du même congé, des mêmes droits à pension. L’enrôlement forcé était un crime de guerre au sens du droit international, les soldats tombés au front étaient des victimes de guerre, mais n’étaient pas des victimes du nazisme au sens de la définition de cette idéologie raciste radicale.

* Depuis plusieurs années, Mil Lorang fait des recherches dans le domaine de la persécution des Juifs au Grand-Duché lors de l’occupation nazie pour le compte de MemoShoah Luxembourg. L’ancien responsable du département communication et relations publiques de l’OGBL publie régulièrement des contributions littéraires dans des ouvrages luxembourgeois.