On pourrait appeler une telle pratique vouloir le rap et l’argent du rap. En d’autres mots, surfer sur le succès du style musical le plus populaire, capable de rameuter et faire danser les foules, pour en capter les bénéfices financiers, sans accepter que les populations issues de minorités ethniques, dans lesquelles est né justement le mouvement hip-hop, ne puisse participer à la fête autre part que derrière le micro. C’est une insulte à l’histoire du rap, le manège cynique d’une discothèque de Hollerich, que le rappeur Turnup Tun met en lumière au mois d’octobre sur les réseaux sociaux. En utilisant le terme „Féck“ qui, deux ans auparavant, l’avait mené au tribunal et avait fait beaucoup plus que les discours de salon pour la liberté d’expression dans le pays, le rappeur jure qu’il ne remettra plus jamais les pieds dans cet établissement qui pratique le délit de faciès à son entrée.
L’affaire est une conséquence du mouvement „Black Lives Matter“, parce que ce dernier a libéré et légitimé les dénonciations des discriminations sur base de l’origine ethnique et de la couleur de la peau. Mais également, parce que la pratique de cette discothèque avait éclaté une première fois au grand jour, quand elle avait voulu soigner son image cool en relayant un message de solidarité avec le mouvement qui déferlait sur les Etats-Unis à l’issue de la mort terrible de l’Américain George Floyd. De nombreux hommes refoulés à ses portes ou témoins de tels refoulements avaient alors commenté le message en ligne et dénoncé l’hypocrisie. Les messages auraient été supprimés par la discothèque pour ne surtout pas laisser se répandre la réalité des expériences faites à sa porte.
A moins qu’en 2022, une plainte retentissante ou un testing ne soient entreprises, la discrimination aux potes des discothèques risque de perdurer. Les stratégies d’évitement et les conséquences psychologiques fâcheuses avec elles.
Le Centre d’égalité de traitement ne peut pas faire grand-chose quand lui reviennent des plaintes sur de tels agissements, à part envoyer une lettre aux gérants de discothèque et ne pas obtenir de réponse en retour. L’enquête que nous avions menée à cette occasion révélait que le refoulement aux portes des discothèques est une pratique qu’ont connu et connaissent la très grande majorité des personnes racisées qui fréquentent le monde de la nuit. A moins qu’en 2022, une plainte retentissante ou un testing ne soient entreprises, la discrimination aux portes des discothèques risque de perdurer. Les stratégies d’évitement et les conséquences psychologiques fâcheuses avec elles.
On peut aussi présumer sans trop de se tromper que de telles discriminations ont lieu dans d’autres domaines. Pour guider son regard, il n’y a qu’à suivre les paroles d’une chanson du groupe français Zebda, qui, en 1998, avec le titre „Je crois que ça va pas être possible“, périphrase chargée de dissimuler la vraie raison raciale du refus, épinglait non seulement les discriminations aux portes des discothèques, mais aussi celles dans la recherche d’un logement et dans l’accès aux prêts bancaires. Les paroles n’oubliaient pas la perspective de la revanche et du renvoi de la formule à ses expéditeurs: „Et je sais tous les noms d’oiseaux dont on nous traite / Et un jour je sais bien que c’est nous qu’on fera la fête / A tous ces gens qui vivent dans les autres sphères / Je vais les inviter à mon joyeux anniversaire.“
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