Les années électorales apportent traditionnellement leur lot d’informations, de confirmations mais aussi de surprises quant à l’état des forces partisanes dans le pays concerné. C’est particulièrement vrai en France, où la „politique politicienne“, inlassablement présentée de tout temps et de tous côtés comme une activité vaguement répugnante, est en réalité un sport national. En revanche, c’est plus rare de la part des années qui précèdent les grands scrutins.
Or c’est exactement ce qui se sera produit dans l’Hexagone au cours de l’automne 2021, avec une double révolution qui, si elle devait s’installer durablement dans le paysage électoral, n’aurait rien de bien rassurant pour la démocratie française: la spectaculaire consolidation de l’extrême droite, et, à l’inverse, l’effondrement de la gauche – certains vont même jusqu’à dire: sa quasi-disparition.
Certes, dans un cas comme dans l’autre, il ne s’est pas agi à proprement parler d’un (double) coup de tonnerre dans un ciel politique serein. La surprise lepéniste date déjà du 21 avril 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen, père de l’actuelle candidate du RN, avait réussi à se qualifier pour le second tour face à Chirac, au grand dam de Lionel Jospin. De même, dès le naufrage du quinquennat de François Hollande, puis le piètre score du candidat socialiste briguant sa succession, Benoît Hamon (un peu plus de 6% des suffrages exprimés au premier tour), il était devenu clair que le paysage était en train de changer.
Mais tout de même: qui aurait cru qu’à peine cinq ans plus tard, l’extrême droite totaliserait dans les sondages près de 40% des intentions de vote? En France? Or, c’est le cas avec, outre Marine Le Pen, Eric Zemmour – version un peu plus intellectuelle d’un discours très voisin sur le fond – et Nicolas Dupont-Aignan. Certes, les débordements d’une immigration de moins en moins contrôlée, le Covid, quelques faits divers sordides et quelques maladresses bruxelloises sont passés par là, sans parler des Gilets jaunes. Mais les chiffres laissent quand même pantois.
Quant à la gauche, qui fut une grande famille politique de gouvernement, on attendait, au fil du quinquennat macronien, son redressement; d’autant que différents scrutins locaux pouvaient le lui laisser espérer
Quant à la gauche, qui fut une grande famille politique de gouvernement, on attendait, au fil du quinquennat macronien, son redressement; d’autant que différents scrutins locaux pouvaient le lui laisser espérer. Or, Anne Hidalgo, la candidate du parti socialiste, celui de Mitterrand, Mauroy, Rocard, Fabius, Jospin, plafonne aux environ de 4% des intentions de vote, et en est réduite à chercher de moins en moins discrètement une issue de secours dans cette course à l’Elysée si visiblement perdue d’avance. Elle ne devance guère qu’une extrême gauche groupusculaire et crépusculaire, et est elle-même devancée par le populiste Jean-Luc Mélenchon (lequel a tout de même divisé par deux et demi son capital électoral d’il y a cinq ans!), et par Yannick Jadot, à la tête de Verts divisés comme jamais, ou plutôt, hélas pour eux, comme toujours.
Les coups de théâtre de naguère se seraient donc transformés, en dehors d’un redressement de la droite républicaine encore à confirmer, en nouvelles données durables? La présidentielle et ses conséquences immédiates devra aussi trancher, au printemps 2022, cette incertitude-là.
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