Prestement, le président de la République française avait retiré son texte, estimant que l’école (et l’université) avait besoin de sérénité pour fonctionner correctement.
Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu
Ce n’est pas manquer de respect à la ministre luxembourgeoise en charge de l’Education nationale que de lui demander de s’inspirer d’un homme d’Etat. Ni de lui dire que ses projets de réforme manquent de lisibilité, de cohérence voire simplement de bon sens.
Au lieu de vivre en autiste avec ses collaborateurs, elle pourrait s’inspirer des fondamentaux de la démocratie – et d’ailleurs de la social-démocratie – en pratiquant l’écoute, la concertation, le dialogue, le débat public avant de se lancer dans des projets qui répondent à tout sauf à la réelle urgence d’un système éducatif destiné à façonner des jeunes qui, demain, devront satisfaire à des exigences qui n’ont rien à voir avec celles d’une superflue étude PISA et d’une place financière en mutation. Ecouter, ce n’est pas mettre en veille quelques propositions avant de les reformuler, bref, de gagner du temps, c’est reprendre le tout à zéro.
A quoi sert l’école?
A éduquer? Partiellement, certes, mais pas essentiellement. Car l’éducation passe par la famille et se compose de multiples éléments.
L’instruction est, elle, le propre de l’école. Sa finalité est de faire en sorte que tous les capteurs d’un enfant, dès son plus jeune âge, soient activés et donc en alerte. Car c’est petit qu’on est le plus réceptif, notamment à l’apprentissage des langues, sans oublier l’éducation artistique.
Ah, la fameuse culture générale, désormais méprisée. Ne faut-il pas préparer les jeunes à leur futur emploi, en faire des spécialistes par branches, parlant anglais, si possible?
Ça sert à quoi?
Et si Mme Delvaux se renseignait, par exemple, sur la formation des grands dirigeants d’entreprises ou de banques … économistes, financiers, experts-comptables, auditeurs?
Non, les très grands sont souvent des historiens, des philosophes, des linguistes. Preuve que la culture prime sur l’hyperspécialisation dans la mesure où elle permet d’élargir son horizon et d’apprendre un métier autre que la formation de base. „Une tête bien pleine dans un corps sain“! La formule n’est pas plus désuète aujourd’hui qu’hier. Seul un esprit ouvert et curieux permet d’accéder à des connaissances plus poussées. Ce qui, soit dit en passant, exige aussi du travail et de la discipline.
La ministre a-t-elle seulement idée des jeunes diplômés qui débarquent dans les entreprises et dans lesquelles il faut tout leur apprendre, à commencer par écrire plus ou moins correctement car dans l’entreprise tout est consigné par écrit, la moindre note, le moindre rapport, la plus anodine des propositions ou des décisions? En français généralement d’ailleurs, parfois en allemand, et, hors milieu bancaire, très rarement en anglais. Or, il se trouve que nous vivons au Luxembourg, un pays qui a besoin de PME et de PMI et qui n’est pas Londres.
Mais revenons aux réformes.
Pourquoi un jeune compenserait-il quoi que ce soit? Une mauvaise note est une mauvaise note, et ainsi un excellent indicateur sur le degré de connaissances dans une matière précise.
Pourquoi un adolescent aurait-il soudain des complexes en redoublant? Ce n’est ni une honte, ni une maladie contagieuse. Simplement un moyen d’approfondir.
Pourquoi pourrait-on refaire une année x fois? Pourquoi un élève renvoyé d’un lycée doit-il être pris par le suivant et peut-il faire une véritable „tournée des Grands-ducs“ du pays?
Pourquoi l’éducation artistique et le sport sont-ils les parents pauvres de nos écoles et lycées?
Pourquoi faudrait-il soudainement privilégier les sciences et les mathématiques au détriment des humanités? Les deux se valent et chaque jeune est différent.
Et surtout: pourquoi les enseignants ne sont-ils pas entendus et suivis quand si nombreux, et malgré les pressions qui ont été exercées sur les directeurs d’établissements, ils protestent, manifestent, dénoncent?
Un enseignement sans professeur pour y croire? Drôle d’idée.
Si la jeunesse est toujours le garant de l’avenir d’un pays, alors il serait grand temps de changer de méthode. Ce n’est ni en se calquant sur des schémas étrangers, en particulier scandinaves, qui ne conviennent pas aux spécificités locales, ni en abaissant dramatiquement le niveau que l’on assure les lendemains.
Il faudrait avoir le courage d’admettre que le Luxembourg a besoin:
a) d’élites,
b) d’un socle de bons futurs artisans et techniciens,
c) de l’intelligence des enfants venus d’autres horizons.
Pour l’instant, aucun des trois objectifs n’est assuré.
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