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La politique du possible

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Qui l’eût pensé? Après trois quarts de siècle, le voilà enfin, le retour du balancier. Et, chose à laquelle nul ne s’attendait plus, c’est la politique qui le rend nécessaire. Malheureusement, ce n’est pas l’Europe qui en est à l’origine.

L’UE, dont les chefs d’Etat et de gouvernement courent de réunion en réunion, a tout juste (et une fois de plus) adopté, il y a trois semaines, une version douçâtre pour contrecarrer les S&P, Moody’s et autres Fitch à travers un régime de „responsabilité civile“.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

C’est d’Amérique qu’est venu le coup de hache et de marteau, le ministère de la Justice ayant décidé tout bonnement d’attaquer en justice Standard & Poor’s en poursuivant la sacro-sainte agence de notation pour son rôle malsain et lourd en conséquence pour l’ensemble des économies mondiales dans le déclenchement de la crise financière de 2007-2008.

L’équipe Obama, héritière de la crise des sub-primes, a non seulement choisi en toute transparence de montrer du doigt les vrais responsables; elle veut des dommages à hauteur de millions et, peut-être surtout, aller jusqu’au bout en mettant un terme à des agissements amoraux, inciviques et irresponsables.

Un signal fort

Oeuvrant avec des marges de quelque 4%, essentiellement rémunérées par les commissions des émetteurs de dettes, les agences de notation gagnent des millions pour „juste“ donner „une opinion“. Définition qui les mettait jusqu’ici à l’abri du fait du premier amendement de la Constitution américaine.

Ce faisant, les „ranking agencies“ cachaient soigneusement qu’elles n’étaient pas outillées pour ce faire, qu’elles cédaient aux pressions de certains investisseurs tout en faisant elles-mêmes pression sur leurs pseudo-analystes
et gonflaient ainsi les notes de produits toxiques au plus haut degré. Bref, des fauves parmi des fauves, devenus si puissants qu’ils ont fini par impressionner des gouvernements, des ministres, des parlementaires.

Leur connivence avec l’univers des banquiers reste à élucider.

En 2010 déjà, une loi américaine dite Dodd-Frank en avait fini avec la protection particulière des agences les prémunissant contre toute éventuelle poursuite. Ce qui, rappelons-le, ne fut pas le cas des instituts d’audit comme on a pu le voir au moment de la faillite de la célèbre société Arthur Andersen.

Désormais, grâce à Washington, et peu importe l’issue du procès, les donneurs de notes et de leçons sont fragilisés. Car le plus humble citoyen sera en droit de s’interroger sur un ridicule AA+, BB- ou XXL (!) de S&P et Cie. Bref, sur des lettres de l’alphabet qui sont de „simples opinions“ de mystérieux experts.

Sur-notation, sous-notation: allez savoir de quoi il est question, sinon d’intérêts financiers orchestrés par des hommes de l’ombre, fossoyeurs des démocraties modernes.

Obama, en tapant du poing sur la table, redore le blason de la classe politique occidentale. Par son geste, il montre que la politique sait reprendre en mains les rênes du pouvoir, à force de volonté, de lucidité, de courage.

L’autre grand mérite de l’administration démocrate américaine est que dorénavant tous les citoyens de la planète sauront que les discours convenus sur la crise, sur l’austérité, la réduction des acquis sociaux sont avant tout un schéma élaboré dans des „think tanks“ divers dans l’unique but de faire gagner encore plus d’argent à quelques-uns.

Prenons le Luxembourg: depuis qu’il fait appel à de chers payés experts étrangers, aucune prévision ne résista aux évolutions. Néanmoins, les gouvernements successifs (toutes couleurs politiques confondues) ont agi en fonction des diktats de ces spécialistes du marc de café. A eux de retrouver le simple bon sens, d’exiger des comptes de tous ces flambeurs et lobbyistes et d’agir dans l’intérêt de la collectivité, donc du plus grand nombre.