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Qu’avons -nous fait d’elle?

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Au mois de mai, nous irons voter pour élire nos députés européens. Six. Ce n’est pas beaucoup, mais ils pourraient faire entendre leur parole à Strasbourg.

Quelle parole? Dans les états-majors des partis, on est occupé à se chercher des têtes de liste. Personne ne se pose la question: qu’avons-nous fait de l’Europe? Oui, pourquoi les citoyens la boudent-ils? A Paris, Berlin, Rome, Madrid, Londres, on tremble. Comment faire en sorte que les électeurs se déplacent pour aller voter? Comment gérer une abstention record, témoin éloquent du désarroi? Comment éviter que l’extrême droite, profondément hostile au bel édifice des fondateurs, ne remporte la mise.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

Chez nous, les craintes seront moindres, puisque le
vote est obligatoire. Le rejet européen sera donc peut-être moins visible. Toutefois, nous aussi, nos dirigeants politiques, nos représentants, avons gâché l’occasion de construire quelque chose de bon, d’utile. Nous aussi, nous avons livré notre continent au tout économique, au tout libéral même, avec une union qui ne s’est faite que dans le portefeuille, avec l’Euro. Et il y en a qui regrettent même cela. Pourquoi la vision, l’ambition, l’utopie d’un continent uni ont-elles fini dans la poubelle?

Pourtant, bien des choses nous unissent dans notre longue histoire commune. Souvent, certes, nous avons bataillé les uns contre les autres, de manière monstrueuse parfois. Mais n’était-ce pas, justement, pour que cela ne se reproduise plus qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale nous avons rêvé de réunir dans un même récipient nos destins? Oui, nous savions en Europe que ces destins étaient économiques. Voilà pourquoi nous avons mis dans une même escarcelle notre acier et notre charbon. Cependant, nous savions aussi qu’ils étaient sociaux, culturels, ces destins. Et dans cela, nous avions une longueur d’avance sur bien d’autres.

Si seulement si

Il fallait certes, dans la guerre économique qui sévissait, unir les forces. C’est plus vital que jamais aujourd’hui. Dans les grands nouveaux chamboulements géostratégiques nous risquons d’être réduits en miettes par les géants qui nous entourent. Mais nous aussi pourrions être un géant si nous ne regardions pas en chiens de faïence ceux qui, à nos frontières, nous admirent: les pays arabes de l’autre côté de la Méditerranée – mare nostrum, notre mer, disaient les Romains –, l’Ukraine et toute la Fédération russe, du côté de l’Est. Tout cela fait partie de notre histoire. Quel mastodonte nous serions! Rien à voir avec la petite excroissance que nous sommes aujourd’hui sur la mappemonde.

Quand l’empire soviétique a sombré, nous aurions pu rêver de grandeur. Nous l’avons fait en partie. La Pologne, la Tchécoslovaquie divisée, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie nous ont rejoints. Et quand la Yougoslavie a rendu l’âme, nous avons encore une fois tendu la main. Pas à tout le monde, mais quand même. Puis la crise est venue d’outre-Atlantique et, au lieu de continuer à voir grand, nous avons eu peur.

Du plombier polonais venant manger nos emplois. Soudain, ceux qui nous avaient rejoints devenaient des rivaux. Pourquoi?

Et aujourd’hui, alors que partout on ne jure que par le mythe de la compétitivité, ces rivaux sont partout. Chaque nation part en rangs dispersés vers l’affrontement économique. Pire, même à l’intérieur des nations on va se vendre ailleurs pour garantir les dividendes des actionnaires. N’est-ce pas triste de voir comment PSA et Renault s’en vont isolément brader leur peau à la Chine? Bien d’autres ont fait la même chose, y compris chez nous. Avec la bénédiction des gouvernements. Que cela détruise en masse les emplois ne les dérange pas. Il y va de la compétitivité, disent-ils. Mais que vaut une compétitivité qui ruine un continent? Qui ruine notre système social que tout le monde, il n’y a pas si longtemps, nous enviait. Ce que nous avons construit, c’est une Europe de la précarité, une Europe qui se fait peur à elle même, c’est-à-dire à ses citoyens. A tel point que nombreux sont ceux qui croient que tous les maux viennent d’elle. Non, les maux viennent parce que tout le monde pense que tout seul il pourra s’en sortir dans la jungle ultra-libérale qui l’entoure. Qu’isolés on ferait mieux que réunis. C’est un raisonnement de courte vue en ces temps de mondialisation.

Il y a péril en la demeure. Voilà ce que devraient nous dire nos partis politiques alors qu’on nous appelle à élire nos députés européens. Nous dire aussi que nous serons beaucoup plus forts, plus rassurés, plus protégés sous le parapluie commun. Nous dire qu’ensemble nous avons des atouts que divisés nous perdons. Des atouts économiques, certes, des atouts sociaux, culturels, sociétaux avant tout.

Encore faut-il, pour cela, que notre Europe soit une entité vraiment démocratique. Une entité non dirigée par une Commission que personne n’a élue ou une Banque centrale livrée à la doctrine ultra-libérale, une entité froide, sans âme.