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De la liberté d’expression bridée

De la liberté d’expression bridée

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N’est-il pas vrai que la liberté d’expression, d’opinion et de publication, proclamée inviolable, se voit dans la vie courante soumise à l’autocensure?

Alvin Sold kulturissimo@editpress.lu

On sait dans les médias que la Cour européenne des droits de l’Homme admet que l’on puisse „heurter, choquer ou inquiéter l’Etat ou une fraction de la population“; mais il y a tant de non-dits! L’actu ronronne, telle aberration politique, religieuse ou sociétale passe comme un timbre à la poste, au nom, paraît-il, de la tolérance, du pluralisme et de la largesse d’esprit. Et si, en réalité, c’était par lâcheté, paresse, conformisme, crainte?

Les Charlie avaient pris leurs droits à la lettre, longtemps déjà, dans l’indifférence générale. Qui connaissait, qui lisait cet hebdo provoc? Quelques dizaines de milliers de Français aimaient cela; toutes proportions gardées, le tirage aurait été de 500 exemplaires chez nous, au Luxembourg; une feuille confidentielle donc, pour initiés et férus. Pas de quoi s’énerver.

Or, le crime du 7 janvier a d’un coup révélé qu’il vit parmi nous, dans les sociétés libres et démocratiques, des contemporains débarqués d’un autre âge, d’un âge ou la position, l’article, la caricature, le dessin „blasphématoires“ sont passibles de mort.

Ce n’est ni étonnant, ni surprenant. Les églises chrétiennes pourchassaient le mécréant sans pitié tant qu’elles avaient le pouvoir de le faire; elles faisaient torturer pire qu’à Guant?namo, et leurs bûchers brûlaient, au nom du dieu unique, la chair vive d’innombrables victimes. Il a fallu combattre ces scélérats religieux des siècles durant; au fond, l’Etat laïque ne s’est imposé dans nos régions que dans les années 70. Hier!
Le désarmement (au sens propre) du christianisme n’a pas été plus facile que ne le sera celui de l’islamisme, il a simplement pu avoir lieu un peu plus tôt. Personne n’a encore fait le décompte des victimes de l’un et de l’autre: dans les deux cas, il dépasse l’entendement.

Pourquoi dès lors s’attarder sur le massacre des Charlie, qui est dans la logique d’une „foi“ déraisonnable comme elles le sont toutes? – Mais parce qu’on sait – et les millions de participants aux marches de solidarité l’ont compris d’instinct – que la presse libre est la pierre angulaire de la société émancipée, pluraliste par essence.

Et peut-être parce qu’il faut examiner de manière beaucoup plus critique le système d’information européen, voire occidental, qui dépend d’une façon dramatique des flux financiers des marchés publicitaires. En clair, cette dépendance confine les éditeurs (nous nommons ceux qui ne font pas la course au rendement maxi, comme les grands groupes multimédias) dans un cadre budgétaire trop étroit pour permettre la meilleure couverture possible de l’actualité importante.

A ce déficit systémique, scandaleux en fait, s’ajoutent les multiples silences volontaires, consentis parce qu’on veut rester en bons termes avec les puissants du monde économique notamment: n’est-ce pas eux qui accordent les crédits et facilitent les affaires?

L’Etat luxembourgeois a bien compris qu’il y a péril. Il assume ses responsabilités en intervenant avec des aides directes et indirectes aux quotidiens et hebdomadaires, aides que certains, dans les hautes sphères de la politique et de l’administration, réduiraient avec un plaisir perfide.

Il ne faut pas les laisser faire, car ce ne serait qu’une autre manière de tuer Charlie, de tuer la liberté d’expression, d’opinion et de publication.