Ceci alors qu’il s’apprêtait à donner une conférence sur scène, 33 ans après qu’une fatwa, décret de mort à durée indéterminée („éternelle“ dans le langage islamiste), ait été émise le 14 février 1989, avec une récompense de trois millions de dollars (à l’époque!) pour son assassin, par l’ayatollah Khomeini, ancien guide suprême de la République Islamique d’Iran, à son encontre. Son hypothétique crime, aux yeux de ces fanatiques religieux d’un autre âge? S’être rendu coupable, tout à la fois, de „blasphème“ et d’„apostasie“, tous deux sanctionnés par la peine de mort selon l’interprétation la plus extrémiste de la foi musulmane, et plus précisément de l’obscurantiste charia, pour avoir écrit et publié, à travers le monde, ses „Versets sataniques“: livre très vite devenu, suite à sa publication en 1988, une des œuvres de fiction – un roman et en aucun cas un essai à thèses – les plus universellement célèbres.
Libre pensée et esprit critique
Ainsi, nous, signataires de la présente lettre publique, ardents défenseurs de la libre pensée et de la réflexion critique, des droits de l’homme et de la femme, exprimons, face à cette agression abjecte, en tous points contraire à l’esprit de tolérance, à la liberté d’expression comme de conscience, au respect des idées et au sens même de la démocratie, notre entière solidarité, notre total soutien moral et notre complète compassion humaine, envers Salman Rushdie, l’un des exemples les plus éminents, estimables et courageux, de la lutte contre toute forme de totalitarisme, de dogmatisme ou d’intégrisme, qu’ils soient politiques, idéologiques ou théologiques.
A lui donc, Salman Rushdie, ce Voltaire des temps modernes, digne héritier de l’illustre Siècle des Lumières, intellectuel de haute volée et de noble tenue, nos pensées les plus chaleureuses, amicales et fraternelles, accompagnées bien sûr, en cette sombre et triste circonstance, de nos vœux, les plus sincères, de prompt rétablissement!
Au nom de la liberté, de l’humanisme et de la tolérance! C’est également là, par-delà la tragédie d’un acte aussi barbare, par-delà même ce danger permanent que représente la menace du fondamentalisme islamiste, un enjeu, planétaire, de civilisation: civilisation dont, lucides et vigilants, nous défendrons partout et toujours, inlassablement, les imprescriptibles valeurs, démocratiques aussi bien qu’éthiques!
Un symbole universel de liberté
L’avertissement, il y a près de deux cent ans, du grand poète Heinrich Heine s’avère hélas aujourd’hui, comme en 1933 déjà avec le gigantesque autodafé des nazis, d’une dramatique, récurrente mais non moins écœurante, actualité: „Là où l’on brûle les livres, on finit aussi par brûler des hommes.“ A méditer, plus que jamais, en ces jours de malheur où nous nous tenons donc, fermes et résolus, aux côtés de cet universel symbole de la liberté qu’est, effectivement, Salman Rushdie!
* Daniel Salvatore Schiffer est un philosophe, écrivain français et auteur de ce message, cosigné par 35 intellectuels prestigieux au sein de l’intelligentsia française et européenne et publié dans les principaux médias de Belgique (Le Soir, RTBF) et de Suisse (Le Temps), mais en exclusivité, en France, pour Marianne.
Signataires
Daniel Salvatore Schiffer: philosophe, écrivain, éditorialiste
Florence Belkacem: écrivain
Rachid Benzine: écrivain, politologue, chercheur associé au fonds Paul Ricœur
Véronique Bergen: philosophe, écrivain
Jean-Marie Brohm: sociologue, professeur émérite des Universités
Carino Bucciarelli: écrivain, président de l’Association des écrivains belges (AEB)
Sophie Chauveau: écrivain
Nadine Dewit: artiste-peintre
Emmanuel Dupuy: président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)
Lou Ferreira: philosophe, dramaturge, présidente du Cercle philosophique et esthétique wildien
Luc Ferry: philosophe, ancien Ministre français de l’Education nationale
Renée Fregosi: philosophe, politologue
Guy Haarscher: professeur émérite de l’Université libre de Bruxelles (ULB), professeur au Collège d’Europe
Jean Jauniaux: écrivain, président honoraire de PEN Belgique (francophone)
Alexandre Jardin: écrivain
Catherine Louveau: sociologue, professeure émérite des Universités
Christian Lutz: PDG des éditions Samsa
Isabelle de Mecquenem: philosophe, membre du Conseil des sages de la Laïcité
Maryam Namazie: porte-parole du Comité international contre la peine de mort et la lapidation („One Law For All“), dont le siège est à Londres
Edgar Morin: philosophe, sociologue
Véronique Nahoum-Grappe: anthropologue
Yves Namur: poète, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique
Eric Naulleau: essayiste
Françoise Nore: linguiste
Fabien Ollier: directeur des éditions QS? et de la revue „Quel Sport?“
Enayatullah Rassoli: membre d’Amnesty International, président de BIGHRO (Belgian Independent Global Human Rights Organization)
Robert Redeker: philosophe
Eric-Emmanuel Schmitt: écrivain, dramaturge
Guy Sorman: économiste, essayiste, directeur de France Amérique
Annie Sugier: présidente de la Ligue du droit international des femmes (association créée par Simone de Beauvoir)
Pierre-André Taguieff: philosophe, historien des idées, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Valérie Trierweiler: journaliste, écrivaine
Alain Vircondelet: écrivain, universitaire
Patrick Vassort: sociologue, directeur de la revue „Illusio“
Olivier Weber: écrivain, grand reporter, ancien Ambassadeur de France pour la lutte contre l’esclavage
Jean-Claude Zylberstein: éditeur, ancien avocat de Salman Rushdie et de l’éditeur français (Christian Bourgois) des „Versets sataniques“
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