La langue allemande sait forger des mots et des phrases que la langue française ne permet pas. Le fameux „NATO-Doppelbeschluss“ en fut un. La nouvelle ritournelle de la „Lügenpresse“ en est un autre. Il émane d’ailleurs la plupart du temps de ceux qui ne sont „von keiner Sachkenntnis getrübt“ …
Il est de bon ton, ces jours-ci, d’accuser la presse de tous les maux et de dénigrer la presse à tout propos. Comme si c’était devenu un moyen d’exprimer ses frustrations et sa méculture. Pourtant, la majorité de ceux qui tombent dans le piège du populisme sont lâches car hypocrites, puisqu’ils sont incapables d’aligner trois phrases et encore moins d’adjoindre fond et forme sans y plancher trois jours, et encore, pour accoucher d’un texte peu ou prou sensé.
Il suffit de suivre les fameux internautes et autres chantres des réseaux sociaux pour juger de la qualité de leurs écrits: en termes de grammaire, d’orthographe et de teneur intellectuelle. Peu importe d’ailleurs la langue à laquelle ces gens recourent. Certes, ce n’est ni populaire, ni politiquement correct d’écrire cela, mais puisque les journalistes peuvent être traités en moins que rien, pourquoi les priverait-on du droit de se défendre? Le journalisme est un des plus beaux métiers du monde. Il oblige celui qui l’exerce à s’intéresser à tout et à tout le monde, au-delà des clivages socio-professionnels, socio-culturels, ethniques, démographiques, et lui confère ainsi une chance inouïe, celle de connaître des personnes souvent rares, rares car d’une belle âme.
Le journalisme est aussi un métier difficile. On ne s’improvise pas journaliste. Car la vocation ne s’acquiert pas. Elle est ou elle n’est pas. En revanche, sans curiosité du monde et de ses habitants, du plus humble au plus nanti, sans travail incessant, sans un brin de talent, le métier de journaliste n’existerait pas. Exigeant, il l’est et le restera. Pour la bonne raison qu’il faut donner le meilleur de soi-même les jours de beau comme de mauvais temps, essayer de maîtriser – tant que faire se peut – des sujets qu’on ne maîtrise pas forcément, car nul – n’est-ce-pas? – ne peut tout savoir.
Une mission d’intérêt public
Exigeant parce qu’il ne connaît de relâche et empiète donc sur mille et une choses de la vie personnelle; exigeant car il faut avoir le dos large pour résister encore et encore, encore et toujours aux critiques venant de toutes parts, de personnes et de lobbies qui se croient dans leur bon droit et sont convaincus d’être plus intelligents, plus forts, plus puissants. Des urges en somme essayent de maîtriser l’esclave … Super métier pourtant, heureusement assez protégé aujourd’hui, la clause de conscience étant en la matière un élément fondamental que notre législateur devrait encore ancrer davantage, comme l’ont fait nos pays voisins. Qu’il y ait des brebis galeuses, oui, parfois des usurpateurs du journalisme, oui, c’est un fait. Mais les cas isolés n’autorisent pas le noble citoyen à condamner en bloc et sans nuances. Car la presse a une mission d’intérêt public, d’où la nécessité impérative de protéger et de garantir son pluralisme. Elle doit informer le mieux possible, et donc ne rien lâcher sur sa crédibilité. Elle le fait sur la base d’un code de déontologie commun et public.
Analyser, commenter, enquêter, rapporter est sa tâche. Cela veut dire que l’on exprime une opinion pour inciter un lecteur ou un auditeur à réfléchir sur ledit sujet, de peser le pour et le contre pour se forger son propre avis aux vues d’éléments contradictoires. De la démocratie vivante en somme.
Faire partager des informations et des réflexions, c’est faire en sorte qu’il y ait un socle commun de savoir dans un pays, unique moyen d’en préserver la cohérence sociétale. Bref, la presse est utile, indispensable, précieuse et bien plus professionnelle qu’on ne se plaît à le dire. Une récente étude a montré qu’en Europe 53% des citoyens (en âge et en capacité de lire) font confiance à leurs médias. Au Luxembourg, ce pourcentage monte à 60%.
Voilà qui honore les citoyens de notre petit pays. Si cette majorité-là pouvait sortir de son silence pour couper l’herbe sous le pied des morveux qui aiment à déverser leur morve sur une profession qui s’emploie à procurer le plus de clés possibles à ses lecteurs pour ouvrir les portes de la compréhension de l’univers et de ceux qui le peuplent, la démocratie gagnerait au change.
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