Headlines

CinémaDouble lecture: „L’ultima notte di Amore“ d’Andrea Di Stefano

Cinéma / Double lecture:  „L’ultima notte di Amore“ d’Andrea Di Stefano
Franco Amore (Pierfrancesco Favino) et sa femme Viviana (Linda Caridi) forgent des plans de retraite peu conventionnels Photo: Loris T. Zambelli

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Présenté à la Berlinale en février, „L’ultima notte di Amore“ d’Andrea Di Stefano est un thriller plus subtil qu’il en a l’air, qui convainc notamment grâce à ses acteurs principaux.

C’est l’histoire d’un flic qui n’a jamais utilisé son arme de service – on pense, pour rester en Italie, à Daniele Del Giudice et son roman sur un écrivain qui n’a jamais rien écrit – et qui, alors qu’il lui reste exactement un dernier jour de travail avant la retraite, se trouve embarqué dans un „side-job”qui tourne horriblement mal.

Andrea Di Stefano fait commencer son troisième long-métrage avec la fête-surprise que Viviana (Linda Caridi) réserve à son policier de mari, qui, débarquant à la maison après un footing, retrouve avec étonnement toute une ribambelle d’invités – et son expression hagarde est d’autant moins feinte que ce footing qu’il aurait fait ne fut qu’un alibi bancal et qu’il vient donc en réalité de rentrer d’un petit job pour la mafia chinoise qui a mal tourné et au cours duquel un ami policier, dont l’enfant est aussi présent à la fête, a trouvé la mort.

C’est à coups d’analepses qu’Andrea Di Stefano raconte alors ce qui s’est passé en amont, nous invitant à relire dans les détails la scène d’exposition qu’on redécouvrira, une fois la boucle bouclée, et qu’on interprétera surtout bien différemment: du regard étonné de Franco Amore (un excellent Pierfrancesco Favino) aux appels insistants de son commissaire, dont on pouvait penser qu’il appelait pour lui féliciter une bonne retraite alors qu’en réalité, il cherchait à le joindre pour l’informer de la mort de son partenaire – mort dans laquelle il était donc impliqué et involontairement responsable –, l’ambiguïté plane, qui contamine déjà le titre du film, ce dernier faisant à la fois référence au nom du personnage principal et à l’amour entre lui et Viviana – amour qui, sans que cela se traduise par du pathos ou du kitsch, pourra sauver Franco.

„Partner in crime“

Car il y a autre chose que l’analepse nous permet de découvrir, c’est que son épouse, qui paraît d’abord être une sorte de partenaire naïve et sympa, qui distribue à autrui bonne humeur et part de parmigiana, se mue d’abord en „side-kick”ou „partner in crime”, avant qu’on découvre que c’est elle qui mène le jeu – et que c’est d’elle dont dépendra, en fin de compte, la survie de Franco.

C’est grâce au très bon jeu des deux acteurs principaux, et à une intrigue dont le suspens est bien ficelé, que l’on accroche à une histoire assez convenue et prévisible, dont on aurait aimé que Di Stefano développe plus en avant le volet sociocritique, assez léger bien que présent dans le film. Car si ces policiers ont tous de petits jobs à côté, c’est qu’ils gagnent très mal leur vie, et si Franco s’est fait confier peu de missions d’envergure lors de sa carrière, c’est que tous savent qu’il fréquente, du côté de la famille de sa femme, des membres de la Ndrangheta. Ainsi, c’est Cosimo, le cousin de sa femme, qui l’attirera dans un milieu où l’on compte profiter de sa légendaire naïveté et de sa bienveillance – et qui se montre aussi en parfait misogyne lors d’une scène un peu cliché qui implique une Américaine à l’accent italien épouvantable.

Alors que la caméra survole, en début de film, une ville dans des plans englobants, l’on pense évidemment – c’est le cher critique Marc Trappendreher qui me l’a glissé avant même que je ne puisse formuler la référence dans ma tête – à Michael Mann, voire à du Nicolas Weding Refn en un peu moins stylé et plus chaleureux, références qui se confirmeront par la suite.

Car c’est avec la même habileté que Di Stefano tourne la transaction qui tourne mal, la fête de retraite et les scènes sur le lieu du crime, où le réalisateur, grâce à des gros plans et une ville floutée en arrière-fond, avec des taches de lumière qui brouillent la lisibilité, focalise le regard sur l’échange des regards, Amore se doutant qu’il y a d’autres policiers corrompus sur place.

Même s’il ne bouleverse ni par la forme – la réalisation, très maîtrisée, s’inspire pas mal d’autres films du genre – ni par son histoire – là encore, on a certaines impressions de déjà-vu –, „L’ultima notte di Amore“ est un thriller captivant qui, au-delà de confirmer tout le bien qu’on pensait de Pierfrancesco Favino, nous aura fait découvrir les talents de Linda Caridi.