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CommentaireDouble censure: pourquoi il est malsain de retirer les films russes du LuxFilmFest

Commentaire / Double censure: pourquoi il est malsain de retirer les films russes du LuxFilmFest
Le film „Gerda“ a été supprimé de la compétition officielle (C) Kinology

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Ça commence mal pour le LuxFilmFest: toutes les productions russes, y inclus le film „Gerda“ de Natalia Kudryashova, l’un des huit films en compétition officielle, sont retirées du festival – „au regard des événements en cours en Ukraine et en accord avec le Gouvernement et la Ville de Luxembourg“. C’est une décision qui, sous des dehors de solidarité feinte, est foncièrement injustifiée, puisqu’elle pénalise des innocents et qu’elle ne fait que reproduire une politique de censure qui, en fin de compte, prolonge celle de Poutine.

Il y a quelques jours, les annonces de groupes proliféraient, qui disaient leur annulation des dates russes de leur tournée, en dépit du fait que c’était pour certains la troisième ou quatrième annulation de dates déjà repoussées maintes fois à cause de la pandémie: des plus grands comme Nick Cave ou Franz Ferdinand aux moins connus comme 65daysofstatic, tous disaient leur révolte face à l’invasion scandaleuse de l’Ukraine par Poutine.

Quoique de telles annulations fassent un peu trop penser au mouvement BDS (qui pénalise lui aussi tous les Israéliens qui ne supportent pas le régime et les opinions politiques du pays) et quoiqu’il soit probable que ceux parmi la population russe qui écoutent, mettons, Nick Cave et 65daysofstatic ne se recoupent fort probablement que peu, voire pas du tout, avec ceux qui font allégeance à la folie meurtrière de Poutine, l’on comprend tout à fait qu’un groupe ne veuille pas se produire dans un pays dont les dirigeants sont responsables d’avoir déclenché une guerre qui viole jusqu’au fondement de nos principes démocratiques.

Je comprends aussi qu’on boycotte le chef d’orchestre Valery Gergiev, connu pour être pro-Poutine. Mais que des artistes russes qui proposent des lectures critiques de la société russe soient bannis est, excusez, d’une dangereuse stupidité: c’est brandir l’argument de l’appartenance nationale, c’est soutenir implicitement cette folie nationaliste à l’origine des guerres.

Je rappelle que „Leto“ et „Petrov’s Flu“ de Kyrill Serebrennikov, cinéaste et metteur en scène russe, étaient en sélection officielle à Cannes en 2018 et en 2021. Parce qu’il était assigné à résidence par Poutine pour une histoire factice de détournement de fonds, il n’a jamais pu s’y rendre. En annulant les participations russes, nous reproduisons le geste de Poutine. Nous censurons des artistes déjà censurés par leur régime.

Tant qu’à faire, comme me l’écrivait aujourd’hui avec ironie mon collègue Jérôme, pourquoi ne pas retirer des bibliothèques municipales Tolstoï ou Dostoïewski? J’habite une rue qui, pour être proche de l’ambassade russe, porte le nom de l’écrivain et ambassadeur de l’Union soviétique, Chingiz Aitmatov. Faudrait-il appeler le gouvernement à rebaptiser cette rue? Et, dans une même veine, pourquoi ne pas attribuer tout de suite, d’emblée, sans avoir vu les autres films en compétition, le prix du meilleur long-métrage à l’Ukrainien Valentyn Vasyanovych, dont le long-métrage sur un Ukrainien emprisonné et torturé par les Russes est malheureusement on ne peut plus actuel ?

Tout cela est, comme le dit aussi mon collègue Michel Delage de la radio 100,7, une façon de museler la culture au profit d’une rhétorique politique qui ne connaît que le manichéisme. C’est une condamnation en bloc de toute une culture. Là où Delage n’a pas raison, cependant, c’est quand il affirme qu’à force de censure, ces artistes risquent de se solidariser avec leur régime: je vois mal un Serebrennikov soutenir un régime qui l’a emprisonné. Un tel double muselage risque tout au plus de les faire sombrer dans le désespoir, le mutisme, la dépression. C’est pour cela qu’il est primordial de montrer les films, de faire lire les textes de tous ces artistes russes qui, à travers leurs œuvres, se montrent critiques envers une politique dont ils souffrent et une société qui est, malgré eux, la leur.

Filipe Lima
4. März 2022 - 9.10

Wou Ufank der Woch ech dës Annonce um Radio héieren hunn, datt déi gesamt russesch Programmatioun géif vum Luxfilmfest verbannt ginn, war dat och meng éischt Reaktioun.
Mëttlerweil denken ech awer datt et leider de richtegen Wee ass. Dat russescht Vollek ass net schold un der Invasioun, dat russescht Vollek wäert och déi wirtschaftlechen Sanktiounen am meeschten spieren, mä just dat russescht Vollek kann hiren Tsar Putin stierzen fir dës absurd Situatioun ze stoppen. Et bréngt näischt dem Putin seng Suen ze blockéieren oder aneren Regierungsmemberen Sanktiounen ze operleeën, mä et mussen sech ëmmer méi Leit vun him distanzéieren an hien desavouéieren fir datt dës Diktatur endlech op een Enn kënnt.

Jupp
3. März 2022 - 19.25

Je vous donne entièrement raison. On constate actuellement une frénésie collective qui dans un souci de fausse solidarité, ou devrai-je dire de sentiment de culpabilité envers le peuple ukrainien, n'arrive plus á faire la part des choses. J'espère qu'après le choc que nous avons tous subi, nous arriverons á retrouver rapidement les valeurs qui nous sont chères et que d'ailleurs nous ne cessons d'imposer aux pays soit-disants non-démocratiques.