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Citoyens désabusés

Citoyens désabusés

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Dimanche soir, au terme du second tour des régionales, Marine Le Pen avait son visage des mauvais jours.

Elle souriait jaune sans pouvoir cacher les plis d’amertume. Tout comme sa nièce Marion Maréchal-Le Pen et à l’instar de son compagnon et bras droit Louis Alliot (le Front national reste une affaire familiale), elle n’avait pas imaginé que l’esprit républicain parviendrait une fois encore à faire barrage à ses velléités de diriger les plus grandes régions françaises.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

D’ailleurs, la déception perdure et prend des allures d’hystérie. La publication d’inadmissibles photos de propagande montrant les barbaries de l’Etat islamique en Syrie en témoigne et prouve que Mme Le Pen n’est pas aussi différente de son père comme elle tente de le faire croire. Pourtant, elle devait être rayonnante.
Désormais, il ne fait plus de doute que l’extrême droite est solidement ancrée dans les couches populaires et les classes moyennes inférieures et atteint un socle de 27 à 30%. Ce qui signifie en clair qu’à la prochaine présidentielle, le FN est assuré d’être au second tour. Pour les Républicains comme pour le PS, la problématique est la même. Soit les partis démocratiques et traditionnels changent du tout au tout, soit l’ascension du FN est inéluctable.
Changer?

Oui, de méthode, de discours et d’hommes. Gauche et droite font la même politique depuis des décennies en s’appuyant sur une politique européenne erronée, peut-être au service de la libre circulation des biens et du capital, mais sûrement pas en celui des hommes. Les rares voix dissonantes sont soit polémiques à l’excès (Mélenchon) soit inaudibles (écolos). Les centristes sont quant à eux partout et nulle part.

En temps de chômage en masse, en période de baisse du niveau de vie, en situation d’angoisses sécuritaires sur toile de fond sociétale et de guerres régionales de par le monde, les citoyens ne suivent plus ceux et celles qui, de promesse en promesse, déçoivent leurs attentes et cherchent l’alternative, fût-elle un leurre. Le Pen et consorts parlent comme eux, exprimant tout haut ce que beaucoup pensent tout bas et parviennent grâce à une communication ultra-maîtrisée à faire croire qu’une autre voie est possible, axée sur le repli national et l’isolationnisme. Et comment persuader que celui qui vit au jour le jour l’explosion des prix depuis l’arrivée de l’euro, qu’un retour à une devise nationale est impossible sinon dangereux? Comment faire comprendre que l’on doit exporter ce qu’on produit et qu’à défaut, le chômage s’accroîtrait d’avantage?

En fait, le remède contre le mal-être, la xénophobie grandissante, le rejet des immigrés comme des réfugiés est une évidence: la fin immédiate des politiques d’austérité au nom des théories économiques fumeuses que les écoles qui nous les prescrivent balancent par la fenêtre lorsque les intérêts de leur propre pays sont en jeu.

Les Etats-Unis abaissent ou haussent leur taux d’intérêt quand cela les arrange. Ils ne sont ni obsédés par la dette politique ou la planche à billets; ils ne font pas de l’imposition de leur classe moyenne un dogme. La croissance, sans pouvoir d’achat, est une illusion. L’appauvrissement des classes moyennes une source de frustration et de colère sournoise. Ce n’est pas en multipliant les foyers d’inégalité que l’on s’attire des voix d’électeurs. Gauche et droite ont eu le temps de le constater. Ils n’en ont pas tiré de leçon, parce qu’ils ne vivent plus au rythme de leurs électeurs et croient qu’une tape sur l’épaule ou un échange de trois paroles en passant équivalent à une proximité vraie avec la population.
Quand la classe politique devient une caste qui vit dans la consanguinité physique et intellectuelle, elle se dévore de l’intérieur. En France comme ailleurs. Mais il n’est pas aisé de faire réfléchir des gens qui n’ont plus aucune capacité d’écoute, s’interdisant en outre de „laisser le temps au temps“, pour eux-mêmes, de s’interroger, de lire, de méditer des idées nouvelles, d’être explorateurs, d’emprunter des chemins de traverse.

Tous répètent le même message, se plagient, s’imitent et aucun d’entre eux n’est plus crédible.
Le résultat en est une Europe en décadence, la Politique réduite à la caricature, des Européens désabusés et un continent jadis porteur de messages et de valeurs devenu sous-continent du maître spirituel d’outre-Atlantique. Sacré progrès!