De la capitale culturelle tant décriée et critiquée, le Escher Theater retient surtout une nouvelle infrastructure – celle de l’Ariston remis sur pied et transformé en salle de théâtre annexe – ainsi qu’une grande production, l’adaptation scénique ambitieuse de „Leurs enfants après eux“ de Nicolas Mathieu en quatre épisodes théâtraux qui, avant de partir en tournée, sera reprise à Esch, avec une seule date lors de laquelle on enchaînera les quatre épisodes.
Pour la directrice Carole Lorang, qui entamera en septembre sa cinquième saison au théâtre eschois, la saison qui s’achève fut une sorte de saison-test, lors de laquelle il s’agissait d’explorer comment profiter au mieux des potentialités de l’Ariston. „Evidemment, d’un point de vue organisationnel, les choses furent un peu compliquées et il a fallu adapter nos plans de travail. Mais notre idée – celle de faire de l’Ariston un véritable lieu de vie – s’avère déjà concluante au bout de cette première année: au-delà du fait de disposer de beaucoup plus d’espace, ce qui nous permet de proposer plus facilement des espaces de répétition pour nos créations, nous avons pu y montrer certaines de nos productions (l’on pense notamment au très réussi „Good Girls“ de Larisa Faber, ndlr), que je peux désormais disséminer sur les deux endroits, selon les besoins scéniques de la création en question.“
Au-delà de l’espace bar, qui a permis d’accueillir des lectures et des concerts, concerts qui par ailleurs ne figuraient pas sur le programme annuel et qu’on pourra donc organiser de façon plus ponctuelle, l’Ariston dispose également d’une vaste salle polyvalente, propice pour les workshops, les ateliers, les rencontres et autres afters, ainsi que de bureaux et de loges, dédoublant ainsi quasiment l’espace du théâtre.
Une des réalités de ce quartier reste le fait qu’on y parle beaucoup de langues. C’est une des raisons qui nous pousse, depuis maintenant un certain temps, à privilégier aussi des productions qui se passent de texte.
Quant aux personnes qui, en cours d’année, se sont trompés de salle – la situation est comparable au Grand Théâtre et au Capucins, sauf que les deux salles eschoises sont bien plus proches l’une de l’autre –, elles furent nombreuses, de sorte qu’il y avait toujours quelqu’un à rediriger ceux et celles qui n’avaient pas encore pris l’habitude de vérifier, avant d’aller au Escher Theater, si la production est représentée dans la grande salle ou à l’Ariston.
Au-delà du projet Ariston qui, après cette première année-test, continue son bonhomme de chemin, la nouvelle saison vise une fois encore à trouver le juste équilibre entre accueil de productions internationales, coproductions et productions maison, entre jeune public et public adulte.
„L’idée, au bout de cinq ans, est de plus en plus de faire un théâtre de quartier, car, même si ça sonne un peu pompeux quand je le formule de la sorte, quand on parvient à miroiter le petit monde qui nous entoure, on peut peut-être atteindre à plus d’universalité. Une des réalités de ce quartier reste le fait qu’on y parle beaucoup de langues. C’est une des raisons qui nous pousse, depuis maintenant un certain temps, à privilégier aussi des productions qui se passent de texte“ – d’où donc une programmation danse et cirque assez poussée.
Un juste équilibre
Ainsi, au-delà de „Baby“, la nouvelle création du danseur et chorégraphe luxembourgeois William Cardoso, il s’agira de ne surtout pas rater „Queen Blood“, où Ousmane Sy, subitement disparu en 2020, féminise le genre si viril du hip-hop avec pas moins de sept danseuses qui varient les genres, ou encore „Ophélia-s“ de la Compagnie Mossoux-Bonté, où quatre femmes réinventent le fameux personnage shakespearien.
„La saison dernière, on a fait 13 créations – c’est beaucoup trop. Pourtant, si Lawrence (Rollier, responsable de la communication, ndlr) a bien compté, il y en a pas moins de 18 pour celle à venir, si on inclut les reprises et les coproductions, qui gonflent quelque peu le chiffre.“
Parmi les créations, l’accent est bien souvent mis sur la langue luxembourgeoise, avec tout d’abord la reprise du „Escher Meedchen“ de Mandy Thiery. L’autrice devenue depuis peu assistante à la direction au théâtre a de surcroît imaginé une sorte de suite à sa première pièce avec son „Escher Bouf“, qui sera une des créations-phares de la nouvelle saison, et qui sera mis en scène non plus par Rafael Kohn mais par la directrice elle-même, le texte se focalisant à nouveau sur des problématiques sociétales puisées à même le quotidien de citoyens eschois, qui raconte comment son personnage principal, alors qu’il cherche à laisser derrière un passé familial traumatique, finit par être rattrapé par ce même passé.
Ensuite, une production ILL dont le titre, „Nornen“, n’est énigmatique que pour ceux qui, aveuglés par l’omniprésence mercantile des divinités nordiques comme Loki, Thor ou Odin, ont délaissé ces déesses du destin qu’on verra ici tisser, autour d’un puits, des récits et questionner la nature et le rôle même des histoires que nous (nous) racontons.
Notons encore l’opérette „An der Schwemm“ de Lou Koster (non, ça n’est donc pas une pièce sociocritique sur l’augmentation grotesque des tarifs de la piscine municipale eschoise), „Juste un homme, avec un fusil“, la création de Godefroy Gordet qui vient de sortir de résidence à la Kufa – „c’est quelque chose qu’on fait souvent, de travailler ainsi avec les autres institutions et associations eschoises“, explique la directrice – ou encore „Luonnollisesti“, la nouvelle création de Stéphane Ghislain Roussel, une expérience immersive au centre de laquelle figure l’actrice et metteure en scène Marja-Leena Junker et qui commencera au Ellergronn, faisant ensuite accomplir à son public un itinéraire qui le fera aboutir à l’Ariston.
Deux coproductions avec le Schauspielhaus Salzburg complètent une programmation théâtrale des plus intéressantes: „Union Place“, une courte trilogie autour de ce qui lie des êtres humains au-delà de leurs appartenances nationales, réunit un ensemble d’acteurs et actrices roumains, autrichiens et luxembourgeois là où Stefan Maurer adapte, avec „Der Pelikan“, la fameuse pièce de Strindberg sur un foyer familial qui se délite après la mort du père avec un casting là encore international, des acteurs et actrices autrichiens côtoyant Nora Koenig, Adrien Papritz et Germain Wagner.
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können