Depuis plusieurs jours le Brésil est dans l’actualité à cause des incendies qui ravagent à grande échelle la forêt amazonienne dans ce pays mais aussi en Bolivie. Une augmentation de 86 pour cent des départs de feu a été constatée par rapport à 2018. Des nuages de particules dus à la combustion de la forêt ont même obscurci le ciel de São Paulo. L’opinion mondiale est en état d’alerte.
De Jean Feyder
La forêt amazonienne s’étend sur pas moins de neuf pays en Amérique latine, 60 pour cent de sa surface se trouvant au Brésil. Elle assure des services énormes et inestimables à l’humanité et à l’écosystème mondial: elle absorbe de grandes quantités de gaz à effet de serre (CO2), émet une humidité productrice de pluies et est une vaste source de biodiversité. Elle héberge quelque 600 différentes communautés indigènes dont chacune a sa propre culture vivant en symbiose harmonieuse avec la nature.
Les feux qui ont éclaté depuis le mois de juillet sont dus à la fin de la période des pluies et au début de la saison de sécheresse. Mais elles le sont avant tout à la politique climatosceptique que le nouveau président d’extrême droite du Brésil, Jair Bolsonaro, est en train de mener depuis son arrivée au pouvoir, au début de cette année. Pour Bolsonaro, l’Amazonie est avant tout un espace qu’il s’agit non pas de protéger, mais de développer, d’ouvrir aux multinationales et à l’exploitation économique, de percer de mines et de carrières, de garnir d’infrastructures autoroutières et hydro-électriques.
Les droits des populations indigènes sont ainsi menacés et leurs droits humains violés, provoquant d’ores et déjà leur opposition, portée même à un niveau international. Bolsonaro a aboli ou affaibli de manière dramatique les institutions et la législation en matière environnementale réduisant du même coup les budgets prévus.
Facilité par l’usage de pesticides
Cette politique favorise l’action de milliers de prédateurs de la forêt amazonienne (orpailleurs, producteurs de bois et propriétaires terriens) qui s’organisent pour nettoyer des champs de culture. En juillet les surfaces défrichées ont été trois fois supérieures par rapport à juillet 2018, selon l’Institut national de recherches spatiales du Brésil.
Ce nettoyage est facilité par l’usage de pesticides, le Brésil ayant homologué en six mois 239 pesticides dont une forte proportion de produits classés toxiques ou hautement toxiques pour la santé et l’écologie. Un tiers de ces pesticides sont interdits dans l’Union européenne.
Des échanges verbaux très durs ont eu lieu entre les présidents Macron et Bolsonaro, Macron ayant accusé Bolsonaro d’avoir „menti“ sur ses engagements en faveur de l’environnement, Bolsonaro reprochant à Macron „sa mentalité colonialiste dépassée au 21e siècle“.
Le gouvernement brésilien a toutefois fini par accepter l’aide internationale de 20 millions d’euros dollars que le G7 de Biarritz lui a offert pour l’aider à maîtriser les feux. A-t-il pu se montrer sensible à la pression exercée par plusieurs pays dont la France, l’Irlande et le Luxembourg ayant annoncé leur opposition à la ratification du nouvel accord commercial conclu, fin juin dernier, entre l’UE et les pays du Mercosur? Il a annoncé la mobilisation en urgence de l’armée, par décret, afin de lutter contre les feux en Amazonie.
Une mesure dont l’efficacité est mise en doute par de nombreux experts. L’UE et ses Etats membres devraient non seulement prêter leur secours pour arrêter les feux amazoniens, ils devraient aussi s’engager en faveur de l’arrêt de la déforestation.
Les pays européens seraient-ils en effet sans reproche en ce qui concerne les changements d’affectation qui interviennent dans l’espace de la forêt amazonienne? Le fait est que le Luxembourg et ses partenaires de l’UE continuent de produire beaucoup de viande et qu’ils utilisent comme alimentation pour l’engraissement de leur bétail (vaches, cochons, poules …) de grandes quantités de tourteaux de soja. Or, ce soja est développé sur de vastes zones arrachées à la forêt amazonienne ainsi qu’à la pampa en Argentine.
Et le Luxembourg dans tout ça?
Ces pratiques s’accompagnent de l’émission massive de gaz à effet de serre et conduisent au développement de monocultures de soja ou de canne à sucre à base de semences OGM et de pesticides. D’où les appels de nombreux scientifiques dont le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) invitant les citoyens des pays industrialisés à limiter leur consommation de viande ce qui serait du reste également bénéfique à leur santé.
Le Luxembourg ne favorise-t-il pas certains de ces développements néfastes en Amazonie à travers sa place financière? On peut supposer que de nombreuses entreprises multinationales investissent au Brésil au moyen des fonds qu’elles ont créés dans notre pays. Un exemple est l’action menée par l’entreprise Odebrecht. Odebrecht est une entreprise de travaux publics brésilienne active dans 25 pays. Elle s’est fait connaître par de vastes scandales de corruption au Brésil et dans une dizaine d’autres pays latino-américains. Selon un documentaire présenté il y a quelques mois au Luxembourg, Odebrecht construit un complexe de trois barrages à Belo Monte au Nord-Est du Brésil sur le fleuve Xingu, un affluent de l’Amazone.
Cet ouvrage gigantesque a conduit au déplacement d’une population de 300.000 personnes dont 20.000 dans la ville d’Altamira dont les conditions de vie ont été dramatiquement affectées. Les populations indigènes de la région sont particulièrement touchées.
Odebrecht a ouvert depuis 2013 pas moins de six entreprises au Luxembourg sous forme de simples boîtes aux lettres. Une loi sur le devoir de vigilance pourrait obliger toute entreprise établie au Luxembourg ainsi que ses filiales à respecter les droits humains et l’environnement pour toute opération menée à l’étranger.
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