Le voyageur averti qu’est Andrzej Stasiuk ne cesse de collectionner des bribes d’images pour en faire sa propre mythologie. Son précédent récit, „L’Est“, couronné du prix Nicolas-Bouvier en 2018, indiquait déjà la direction du regard: des confins de la Pologne et la rivière Bug vers la Mongolie, la Chine et le Kirghizstan. Cette fois-ci, l’éternel bourlingueur reprend la route au volant de son „bourricot“, cette „brave bête mécanique“ qui – après douze ans et près de trois cent mille kilomètres parcourus avec les suspensions d’origine – ne l’aura jamais déçu.
A force de traverser Voronej, Aktioubinsk, Baïkonour, Kyzylorda, on se surprend à imaginer qu’on finira bien par arriver au bout du monde. Mais pour ce Kerouak des Carpates qu’est Andrzej Stasiuk, la destination en soi n’est qu’un prétexte pour des rêveries qui l’emportent loin de tout décor de carte postale, loin de Venise et de Ténériffe: „Ça marche comme ça: on s’imagine diverses choses et on a l’impression qu’on va finir par en trouver ne serait-ce que des traces. On change la suspension, on emporte des bidons, des outres d’eau, mais ensuite, c’est dans la tête qu’on erre de toute façon. On pourrait tout aussi bien rester à la maison. Mais on vit une époque où tous voyagent. Pour découvrir le monde et acquérir des connaissances. Sans doute très utiles. Moi, je n’avais pas d’illusions. Je roulais pour rouler. (…) Pour voir quelles idées me viennent quand il ne se passe rien.“
Andrzej Stasiuk
„Mon bourricot“
Traduit du polonais par Charles Zaremba
Actes Sud, 2021
224 p., 22 €
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