Le résultat de ce qui précède est un désastre qui s’annonce persistant, voire qui va aller en s’aggravant. Alors que l’évolution démographique exigerait 6.000 logements supplémentaires par an, nous en réalisons moins de la moitié. En d’autres termes, il ne faut pas être grand spéculateur pour savoir que la hausse des prix va continuer.
On ne peut que le regretter car le logement est un bien de première nécessité et un important vecteur de cohésion sociale. Agir sur le logement, c’est lutter contre la pauvreté, mais c’est aussi le moyen de donner un pouvoir d’achat supplémentaire aux classes moyennes. Si elles en manquent, c’est bien du côté du logement qu’il faut chercher. Sans entrer dans les détails, rappelons que tous les niveaux de salaires au Luxembourg (à commencer par le salaire social minimum– 2.000 euros/mois) sont bien plus élevés que dans les pays voisins. De plus, à part le logement, la vie n’est pas plus chère au Grand-Duché que dans les autres pays.
A priori, tous devraient donc être unanimes à souhaiter vivement que les pouvoirs publics s’engagent pour un meilleur accès au marché du logement à des conditions financières abordables. Mais malheureusement, il faut un certain «courage politique» puisque les résidents de nationalité luxembourgeoise sont, dans leur écrasante majorité, déjà propriétaires de leur logement (84,5% en 2012). Dès lors, l’accès au logement constitue plus un problème pour les étrangers que pour ceux ayant le droit de vote au Luxembourg.
Les mesures et dispositifs mis en place par les gouvernements successifs en faveur de la demande, certes louables en termes de but, n’ont cependant pas engendré les bénéfices escomptés. Une politique axée quasi exclusivement sur la demande ne peut ni endiguer la pénurie de logements, ni stabiliser tant soit peu les prix. Le soutien de la demande ne doit donc pas être augmenté, même s’il pourrait davantage être ciblé sur les ménages dont le risque de pauvreté est le plus élevé (familles avec plusieurs enfants, familles monoparentales et personnes vivant seules).
Si la discussion autour de la croissance économique est utile, il ne sert pourtant à rien de rêver d’un autre type de croissance à court terme. Une telle discussion serait même nuisible dans ce contexte si elle implique de retarder l’action. Puisque nous avons besoin de croissance et que nous n’arriverons pas du jour au lendemain à une croissance plus qualitative, nous devons agir avec force et vigueur sur la création de logements supplémentaires pour rétablir un meilleur équilibre sur le marché immobilier national.
Nous sommes tous unanimes: la problématique du logement est un état d’urgence nationale. L’action doit donc être menée en conséquence. Plus une politique de l’offre sera ambitieuse, plus les prix pourront être maîtrisés et plus le Luxembourg solutionnera le problème de la pauvreté et de l’accès au logement, surtout pour les plus démunis d’entre nous.
Les solutions existent et elles sont simples
Le pays a besoin d’une gouvernance différente de celle d’aujourd’hui où le ministre du Logement n’a que peu de pouvoir pour construire, mais où maints ministères, autorités et administrations ont les moyens d’empêcher la construction. Donnons-nous une véritable autorité centrale qui serait munie des pouvoirs nécessaires pour mettre en œuvre une politique cohérente et coordonner les différents acteurs impliqués dans la procédure!
Nous devrons aussi étendre les périmètres d’agglomération sur base de principes durables d’aménagement du territoire fixés une fois pour toutes. Au Luxembourg, 85% du territoire est constitué de surfaces agricoles et sylvicoles, à peine 10% de surfaces bâties. L’idée n’est donc pas de faire du Luxembourg un nouveau Singapour, loin de là puisque la densité y est de 8.000 habitants au km2 alors que la nôtre est d’à peine 225, inférieure même à celle de la Belgique (375).
Il est parfaitement logique pour un Etat comme le nôtre de donner une priorité à l’aménagement du territoire, de vouloir concentrer la population et l’activité économique dans certaines régions et en préserver d’autres. Mais on ne peut alors soumettre sa politique à une autonomie communale lorsque celle-ci vient en contradiction avec une politique nationale cohérente.
Et pourquoi ne serait-il pas possible de développer une ville nouvelle, à l’instar de ce qu’Esch-sur-Alzette a été pour la sidérurgie et le Kirchberg pour le secteur
financier, cette fois-ci avec les exigences modernes d’urbanisme et d’écologie?
Evidemment, les politiques de mobilisation de terrains existants doivent être poursuivies: mise en œuvre du «Baulandvertrag», mobilisation des «Baulücken», continuation de l’allègement fiscal sur les plus-values. Nous devrions également augmenter la densité résidentielle du bâti, via une augmentation, dans les quartiers où cela s’avère approprié, des coefficients d’utilisation maximale du sol.
Au niveau de la production concrète de logements, les constructions nouvelles devraient suivre au moins l’accroissement démographique, ce qui revient, en clair, à doubler le rythme de production. Il est nécessaire pour cela que les professionnels de la construction se sentent appuyés par la politique, ce qui n’est pas le cas actuellement où ils sont seuls face à de nombreux interlocuteurs peu intéressés à leur objet social. Les discussions autour de l’aménagement du temps de travail ou encore les nombreuses chicanes administratives sont là pour le prouver.
Car le goulet d’étranglement ne se situe pas seulement au niveau de la construction, mais également au niveau des procédures d’autorisation de construire, longues et complexes. La Chambre des métiers a ainsi estimé que la durée moyenne d’une procédure d’autorisation pour un lotissement était supérieure à sept ans! Sans mentionner l’impact sur les coûts du préfinancement, des études et des rapports. Alléger les procédures d’autorisation en matière d’urbanisme et d’environnement permettrait ainsi de mobiliser plus rapidement les terrains à bâtir mis en vente. Il s’agit là encore de revoir le mode de fonctionnement entre ministères et administrations et d’instaurer le principe de l’unicité de la procédure pour dépasser les divergences d’approche dues aux compétences partagées.
Des dizaines de milliers d’autorisations de construire sont en attente et permettraient de créer ou d’améliorer les espaces d’habitation. Réduire leur durée de réalisation aurait un impact immédiat sans coût avec, pour seul effort à fournir, une gouvernance adéquate et de la bonne volonté. Face à cette solution évidente, il semble vain de chercher à culpabiliser les investisseurs dans l’immobilier en les traitant de spéculateurs ou de croire que la mobilisation de quelques centaines de logements vides ou en attente de rénovation sera le réservoir dont nous tirerons les 6.000 logements additionnels dont nous avons besoin chaque année.
Michel Wurth*
La première partie du texte a paru hier.
Michel Wurth* est le président de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL).
Peuvent encore vivre au Luxembourg ceux qui ont assez d'argent pour se payer ce luxe!