Dans une contribution précédente j’avais évoqué en matière de cancer entre autres items aussi les progrès de l’immunothérapie ad hoc, progrès qui ont suscité beaucoup d’espoirs renouvelés parmi les personnes concernées, c’est-à-dire nous tous, potentiellement.
Par Nicolas Hoffmann*
A lire la presse médicale récente, on constate cet essor aussi dans le douloureux chapitre des leucémies, aujourd’hui souvent encore fatales chez les jeunes enfants, encore que ce fut dans le domaine de certaines leucémies de l’adulte que le mot de guérison, beaucoup plus contraignant que celui de rémission, avait été murmuré pour la première fois dans les années 1965. A cette époque j’enseignais encore l’hématologie pendant quatre samedis consécutifs, situés fin printemps/début été, de 8 heures du matin jusqu’à midi, en leçons entrecoupées de cinq minutes de pause, dans l’une des trois écoles d’infirmières qui existaient au Luxembourg, écoles devenues récemment des lycées techniques généraux dont les diplômés ont dorénavant également accès aux universités.
Or il se trouve que dans les leucoses chez les gosses, c’est la leucémie aigüe lymphoblastique qui est restée jusqu’ici incurable, de fait jusqu’en 2017, ce qui n’est cependant plus le cas à l’heure actuelle grâce aux succès de nature immuno-thérapique obtenus avec les cellules appelées CARt qui, pour ne pas vous épargner les détails techniques, sont en fait des cellules T (= lymphocytes T, dites aussi tueuses) du patient, modifiées génétiquement pour reconnaître les cellules cancéreuses et les trucider. Mais attention, il y a un hic énorme: un tel traitement, tenez-vous bien, revient actuellement à un million de dollars, vous avez bien lu.
Il n’y a donc que ce qu’on appelle le «Big Pharma», la puissante industrie pharmaceutique, (exemple Novartis = en gros ex-Ciba-Geigy-Roche et semblables) pour pouvoir persister dans cette voie. Et l’ère de la médecine à deux ou plusieurs vitesses que la sécurité sociale de nos démocraties occidentales a jusqu’ici toujours réussi à contenir, n’a pas fini de nous pointer son nez, ce dont nous devrions être pleinement conscients pour réussir à maintenir contre vents et marées l’égalité de tous devant le partage et l’application de ces succès indiscutables à toutes les catégories de malades, même les plus pauvres. Il y va de l’intérêt de nous tous.
Mais par opposition à la démarche de l’industrie avec ses phases d’expérimentations, procédés et procédures, obligées et contraignantes (et dont mon propos n’est nullement de médire, car dans mon parcours j’en ai été moi-même bénéficiaire en qualité de malade grave que je fus à un moment critique de ma vie de jeune, d’ailleurs la raison pour laquelle je suis devenu toubib), je voudrais néanmoins vous dire un mot à propos d’une approche tout à fait inverse: celle qui met en œuvre des remèdes existants en tant que tels dans la nature, et que pour cette raison-même aucune industrie ne saurait faire patenter afin d’en tirer ensuite les bénéfices pharamineux qu’on lui connaît ou pour le moins suppose, mais que nous autres médecins classiques, qualifiés parfois avec dédain de «Schoulmedeziner», avons certainement tort de continuer à ignorer en nous cantonnant dans notre science – ô prétention! – universitaire, laquelle, je vous rappelle le paradoxe de Meyerson, est à coup sûr loin de tout connaître à titre définitif, puisque chaque problème apparemment résolu en ouvre des centaines de nouveaux.
Nous devrions par conséquent ouvrir nos esprits également à l’acquisition d’autres connaissances supplémentaires, remèdes et thérapies, anciennes et nouvelles qui existent et sont appliquées en dehors de ce cadre, que nous le voulions ou non, vieilles voire anciennes, hindoues, chinoises ou d’ailleurs, avérées ou souvent tout aussi fantaisistes et à service rendu nul, ce qui n’est jamais à priori exclu, ainsi que nous le rappellent les notifications de plus en plus fréquentes de remboursement subitement nul de certains médicaments en usage dans nos pharmacopées officielles et légales, sans que pour autant ils soient interdits de vente.
Cela pose évidemment d’une part le problème de la formation continue des médecins, obligatoire aux Etats-Unis pour pouvoir continuer d’exercer, mais nullement en Union Européenne et dans aucun de nos états membres que je sache.
Et d’autre part cela pose un problème scientifique de fond, celui du mode d’action des effets psychologiques de toutes les thérapies quelles qu’elles soient sur l’organisme, notamment celui de l’effet placebo, à action favorable dans un tiers des cas environ, notamment dans le chapitre de l’homéopathie, et bien sûr aussi dans à peu près les mêmes proportions de l’effet nocebo, son alter-égo négatif/néfaste, seul fruit de la conviction que la substance, inerte de fait, est nuisible et donne même lieu à des effets secondaires désagréables réels, ce qui serait aussi le cas chez les animaux que nous qualifions de supérieurs.
Venons en à l’amygdaline (= benzaldéhyde-cyanhydrine, qui dans le tube digestif se transforme en acide cyanhydrique = «Blosaier» sous l’action d’une enzyme y présente, la béta-glucosidase), médication que j’ai découverte récemment dans mes lectures sous le nom de vitamine B17 laquelle je ne connaissais ni d’Adam ni d’Eve, ignorance dont Wikipédia tout contestée qu’elle soit m’a rapidement délivré (hem?). Cette substance, appelée par ses zélateurs vitamine B17 existe dans les noyaux des amandes (amendes amères comme nous les appelons, à juste titre), des cerises, des abricots avec 14,4 mg par gram de noyau, des reines-claudes, variété de la prune, championnes avec 17,5 mg/g, des pépins de pomme, etc. etc. … et aussi dans les céréales, riz complet, jaune d’œuf et même levure de bière plus encore d’autres nutriments. (En ce moment je mange pour raison de test deux graines/jour de noyaux d’abricots que je casse au marteau, ce qui, évidemment, est dû à ma curiosité personnelle et ce que je ne veux nullement recommander à personne). Quant aux performances de cette vitamine B17, ou encore Laëtrile comme ses partisans l’ont baptisée, son mécanisme d’action contre le cancer est expliqué dans un bouquin grand-public, alternatif et hétéroclite, mais néanmoins très intéressant quand même, paru en 2012 chez «Books on demand» sous le nom de «Brigitte Helène (Hrsg.)» avec le titre » Vitamin B17: Die Revolution in der Krebsmedizin», acheté et lu aussitôt que je l’ai aperçu, bien entendu avec l’approbation enchantée de ma chère et tendre, partisane résolue des médications naturelles. Le titre fait donc état d’une «révolution» intervenue il y a au moins déjà six ans, une révolution qui n’en durerait pas moins toujours, et je ne suis pas désenclin à en conseiller la lecture, ne fût-ce que pour entendre un son de cloche différent de celui que la médecine scientifique, cette science de la biologie appliquée à l’homme, nous sert généralement.
Et c’est ici que cela devient difficile et aussi éminemment personnel: Wikipédia affirme que «les études scientifiques sur cette activité donnent des résultats discordants selon les supports, mais nuls chez l’Homme. Si une étude in vitro de 1998 fait état d’une activité sur les cellules tumorales, le National Cancer Institute ne conclut à aucune activité anticancéreuse dans les essais cliniques humains et souligne la toxicité du produit. Dans son résumé, il fait état d’une faible activité dans les études sur l’animal et donne à des fins d’information uniquement quelques citations ou liens de sites commerciaux qui avancent le contraire.» Donc NIET pour son utilisation aux yeux de la Food and Drug Administration des USA.
Alors question aux rédacteurs de la réponse de Wikipédia: ne se sont-ils pas au courant de ce que le 15 juin 1977, il y a 41 ans, le Pr. Sugiura du réputé Memorial Sloan Kettering Hospital de Manhattan (lire page 31 chez Brigitte Helène), un chercheur bien connu à l’époque pour ses recherches en cancérologie avait affirmé lors d’une conférence de presse exactement le contraire, savoir que «toutes les séries expérimentales, y compris les expériences animales, avaient confirmé l’efficacité de l’amygdaline, sans effets secondaires, contre la prolifération de cellules cancéreuses».
Il y a là quand même de quoi rester interloqué, ce qui m’a amené à rédiger ce texte. La toute dernière conviction du sceptique systématique que je veux rester n’est certes pas faite, mais je suis parfaitement conscient de l’énorme potentiel d’espérance contenu dans ce genre d’écrits pour les personnes concernées et n’hésiterais pas une seconde, si j’étais parmi elles, d’en appliquer personnellement les conseils et recettes à propos de pratiquement toutes les catégories de cancers, primaires et métastatiques.
Car nous restons en vie aussi longtemps que nos espoirs n’ont pas passé l’arme à gauche, et nous passerons seulement, mais paisiblement j’espère, lorsque c’est eux qui ont cessé d’exister. Telle est la vie.
* L’auteur est interniste, directeur honoraire de la Commission Européenne, ancien chef de son service médical
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