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La démocratie, cette mal pratiquée

La démocratie, cette mal pratiquée
(Tageblatt-Archiv)

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Elien, fort bon écrivain en grec attique (Rome, vers 200), n’apprécie pas certaines pratiques de la démocratie athénienne.

Il s’étonne, par exemple, de la décision d’Athènes de faire couper le pouce droit à tous les Eginètes, après la conquête de l’île, afin qu’ils ne puissent plus tenir de lance. Et fallait-il qu’eux, les démocrates, tuent tous les hommes mytéliniens après la victoire, qu’ils marquent du fer rouge au front leurs prisonniers de Samos?

Le message d’Elien, dont l’Histoire variée, riche en anecdotes, mérite toujours une lecture politique aussi, est clair: le régime démocratique n’est pas une garantie contre des pratiques indéfendables.

Elien, le Romain de l’empire à l’apogée, avait six siècles de recul par rapport à la démocratie athénienne, il en voyait les défauts; nous vivons la nôtre au jour le jour: en percevons-nous les insuffisances?

Si peu, hélas! Nous avons tendance à penser que, si les formes sont respectées, tout est légitime, à commencer par le système économique qui se nourrit de l’exploitation de la planète et de milliards d’humains. Nous admettons volontiers que les guerres ouvertes et larvées auxquelles l’Occident participe (s’il ne les a pas provoquées) sont conduites pour défendre „nos valeurs“. Si, en l’an 4000, un Elien prenait la peine de jeter un regard sur 2016, il ne pourrait que s’interroger sur les populations politiquement amorphes qui ont laissé leurs dirigeants abuser de la démocratie.

L’abus est évident, puisque l’objectif sociétal a cessé d’être la communauté sociale et solidaire où règnent la liberté, l’équité et la paix, mais une sorte de marché affairiste où les plus forts imposent leurs produits et leurs vues … comme en Europe, terre du rêve brisé.

Et si cette dégénérescence de la démocratie était simplement, bêtement, la conséquence du non-respect d’une exigence fondamentale, celle de former les citoyens? On les oblige certes à suivre quelques leçons d’éducation civique à l’école, sans vérifier si leurs connaissances de la société et de l’Etat sont à la hauteur des responsabilités portées par l’électeur.
En démocratie, on est électeur, donc souverain, donc décideur, même si on ne connaît rien à rien en politique, si on passe son temps à s’amuser, à consommer, à s’abêtir. Jamais les dossiers politiques ne furent aussi compliqués, jamais les électeurs ne leur consacraient moins de temps. On élit les belles ou les grandes gueules. Lincoln, qui n’avait ni l’une ni l’autre, ne serait pas président aux Etats-Unis de nos jours, Trump le sera peut-être, à la suite d’une campagne pro, dont le coût se calcule en dizaines de millions de dollars.

Qui étaient les gens qui avaient porté au pouvoir Hitler, de façon parfaitement démocratique? Mais … des gens comme …
Oui, des gens comme la société en produit en masse, partout où l’on ne fait pas assez pour les intéresser aux problèmes, enjeux, risques et chances de la politique. Attention: le Luxembourg et ses habitants sont pris, comme les voisins, dans la spirale de la dépolitisation. Il y a des cyniques et des milliardaires qui s’en réjouissent.