„Leila’s Brothers“ de Saeed Roustayi
Ça commence comme un film de Stéphane Brizé, avec la fermeture d’une usine et le licenciement massif et abusif de centaines d’ouvriers qui se révoltent. Au beau milieu, un jeune homme s’en va, qui se fera traiter de lâche par ses collègues occupés à saccager leur ancien lieu de travail.
Montée en parallèle, une deuxième scène montre le fils d’un patriarche décédé se faire implorer – cela fait un an que son père est mort, il y a des mariages en attente, qui ne peuvent pas se faire sans la nomination d’un successeur. Un homme malade, courbé, semble déjà loin de l’agitation de ces concitoyens. Pourtant, Heshmad (Saeed Poursamimi) rêve de devenir parrain à la place du parrain – car ce serait comme un dernier bras d’honneur à ces gens qui n’ont eu de cesse de les conspuer, lui et les siens, sa famille ayant la réputation d’être une bande de fauchés, de paumés, de bras cassés.
De retour au foyer après son licenciement, Alireezah (Navid Mohammadzadeh), l’un des quatre frères de Leila (Taraneh Alidousti), aura tout le loisir de vérifier que la mauvaise réputation de son clan familial est en grande partie méritée, ses trois frères Parviz, Farhad et Manouchehr passant leurs journées à regarder des émissions de catch ou à investir beaucoup trop d’argent dans des plans complètement foireux.
Entourée de losers qui pourraient sortir tout droit d’un film des frères Coen, Leila essaie de sauver la tribu en misant sur la transformation future du lieu de travail de Parviz, à savoir les chiottes d’un shopping mall, en espace commercial, incitant ses frères à récolter le pactole nécessaire pour mettre la main sur cet espace. C’est pourtant sans compter sur le père qui prévoit d’utiliser les derniers deniers de la famille pour devenir le nouveau parrain du clan.
Scandaleusement sorti les mains vides de Cannes, reflétant ainsi, avec un sens certain de l’ironie dramatique, le sort de ses personnages, „Leila’s Brothers“ de Saeed Roustayi est un portrait au vitriol d’une société iranienne où les femmes n’ont rien à dire et où les clivages sociaux deviennent apparents dans le contraste entre le glamour des grandes scènes collectives et le huis clos du foyer familial où éclatent, dans la pauvreté et le dénuement, les disputes: si Leila est la seule à avoir tout compris, la seule à avoir le courage d’aller de l’avant, la seule qui, là où Alireezah avoue vivre dans la peur, ose vouloir sortir du triple carcan sociétal, familial et religieux, personne ne l’écoute.
C’est cette impuissance qui lentement transforme en tragédie cette fresque sociale au souffle long, dont le jeu des acteurs est parfait jusque dans ses rôles secondaires, Roustayi osant un film bavard parce qu’il a quelque chose à dire, mais qui sait aussi quand se taire: dans sa dernière séquence, Leila voit Alireezah, entouré de gamines qui fêtent un anniversaire sous des flocons de neige artificielle, pleurer la mort du tyran. Alors qu’elle vient à peine de gifler le paternel au cours d’un monologue à couper le souffle – le jeu de Taraneh Alidousti est par ailleurs subjuguant –, Leila regarde son frère avec une expression indéchiffrable, entre une tendre empathie pour le frangin et la joyeuse confiance qu’un abcès est enfin crevé – et qu’un nouveau monde pourra, peut-être, en naître.
„Close“ de Lukas Dhont
Si la bande-annonce de „Close“ se contente de montrer une séquence au cours de laquelle l’on voit deux gamins courir à travers des champs fleuris comme dans une publicité pour lessive, c’est qu’on a choisi de ne pas trop en dire de ce beau et terrible film, deuxième long-métrage du réalisateur belge Lukas Dhont, qui a été couronné, à juste titre, par le Grand Prix du Jury à Cannes.
Car trop en dire équivaudrait à évoquer le terrible événement qui vient scinder le film en deux, et qui colore a posteriori tous ces jolis plans d’une teinte tragique, raison pour laquelle je ne peux être d’accord avec certains critiques qui estiment que le film, de par la distance que garde l’un de ses personnages face au deuil et de par sa perfection esthétique, entretient une certaine froideur émotionnelle. Au contraire, Dhont exprime, par la beauté de ses couleurs pastel, le contraste douloureux entre l’indifférence d’un monde où la vie continue à grouiller et l’expérience du deuil tout comme il capte, dans le visage qui se veut de marbre de son jeune personnage principal, ces légères fissures qui en disent bien plus qu’un torrent de larmes.
Au départ, le film montre deux garçons, Rémi (Gustav de Waele) et Léo (impressionnant: Eden Dambrine) vivre une belle et intense histoire d’amitié, qui réinventent le monde à coups de jeux de make-believe et de plans d’avenir communs: Rémi sera un musicien connu, Léo son manager. Pourtant, quand ils entrent au lycée, les choses changent: dès la rentrée de classe, une camarade de classe leur demande s’ils sont en couple.
Là où la relation entre les deux était parfaitement naturelle jusque dans son ambiguïté, voilà que la société vient semer le désordre, avec ses lois, ses taxonomies, son besoin de discriminer entre norme et marge.
Si Léo est gêné par ces assertions, qui maintiendra dès lors son ami à distance et commencera à faire du hockey sur glace, Rémi ne semble rien vouloir changer à leur amitié, qui continuera à rechercher la proximité physique de son ami et à voir en Léo celui qui réussit à désamorcer son hypersensibilité et ses insomnies.
Ce contraste s’exprime au mieux dans une scène que le réalisateur répète deux fois. Lors de la première séquence, les deux prennent plaisir à se faire peur en imaginant se trouver dans une forteresse envahie par des ennemis invisibles, se croyant liés par ce monde qu’ils se sont inventés, soudés par le délice de pouvoir frissonner pour de faux. Lors de la deuxième séquence, Léo met brutalement fin à cette fameuse suspension of disbelief qui constitue ces jeux de feintise ludique, disant qu’ils savent tous deux que ces ennemis n’existent pas pour de vrai.
Bien plus est en jeu, ici, que la simple rupture d’une fiction élaborée par deux enfants: c’est tout le socle de leur amitié que Léo envoie valser, Dhont nous montrant que les jeux d’enfants ne font qu’annoncer ces univers que créent et se partagent deux amants.
En fin de compte, dans ce film sur la fin de l’enfance, la naissance du désir, l’impitoyable loi de la cour de récré, le déni et le deuil, tout est dans le titre: „Close“, parce que les deux gamins furent aussi proches qu’on peut l’être, „Close“, parce que le travail du deuil aboutit à ce qu’on en finisse, à un moment, avec la tristesse et qu’on lâche prise, „Close“ enfin parce qu’avec la disparition de l’être aimé, on est obligé de faire face à une réalité dure – à savoir qu’une certaine forme de bonheur nous est à jamais enlevée.
„Rodeo“ de Lola Quivoron
Julia (Julie Ledru), une jeune femme dont la vie tumultueuse semble traversée de violence, se prend de passion pour le cross bitume, une discipline américaine consistant à réaliser avec sa moto des figures extrêmes comme des wheelies ou autres acrobaties.
Investissant des voies désaffectées, les motards qu’elle rencontrera ne rechignent pas le danger – dès le départ, elle assistera à la mort tragique de l’un d’entre eux. Quand elle rencontre Kaïs (Yannis Lafki), seul à se montrer un tant soit peu sympathique, elle commencera par se faire une place dans ce monde interlope, marginal, trouvant un refuge dans un hangar où les motards trafiquent et rafistolent des pièces détachées de bécanes volées, tout cela sous la surveillance digitale de Domino, le boss du gang en détention.
A suivre le premier long-métrage de Lola Quivoron, on pense à „Titane“, où l’on voit pareillement une jeune femme traverser un monde a priori viril machiste sans s’en laisser conter. Mais là où „Titane“ sacrifiait toute vraisemblance à son besoin de se la jouer provoc en cumulant les tropes cronenbergiens et les références aux films gore, „Rodeo“ est plus intelligent, brossant le portrait d’une subculture dominée par des mâles souvent agressifs, mais aussi, pour certains d’entre eux, perdus et touchants, faisant miroiter ce qu’aurait pu être „The Wrestler“ si Aronofsky avait osé, comme il l’avait alors planifié, ajouter une touche féminine à son film – car initialement, „Black Swan“ et „The Wrestler“ n’étaient censés ne constituer qu’un seul film.
On pense aussi à „Atlantide“, de Yuri Ancarani, qui avait remporté le Grand Prix du LuxFilmFest, où l’on voyait des jeunes slalomer à travers la périphérie de Venise avec des barchinos, ces petits bateaux de pêche que l’on voit voguer à travers la lagune, transformés en bateaux de course.
Mais là où Ancarani sacrifiait son histoire et ses personnages aux enjeux formels, Quivoron réussit un film à l’esthétique intéressante – le rythme narratif est aussi nerveux que les personnages, la caméra voltige comme les bécanes, mimant leurs acrobaties avec une sorte d’élégante frénésie – qui parvient aussi à toucher: Quivoron n’a pas besoin d’écrire ses personnages dans les moindres détails, elle laisse à ses acteurs débutants le soin de les développer, dont les rapports organiques transcenderont ce film à l’intrigue simple en une belle œuvre sur la recherche d’un endroit où se sentir chez soi et la volonté de vivre en brûlant, dans tous les sens du terme, les étapes.
„Mascarade“ de Nicolas Bedos
Admirateur d’une actrice vieillissante (une Isabelle Adjani en mode autoparodie assez pénible) qu’il finira par épouser, un jeune danseur reconverti en écrivain-gigolo après un accident de voiture (Pierre Niney) s’ennuie royalement – en cet aspect au moins, le spectateur pourra largement s’identifier à lui – dans la résidence niçoise de son épouse, jusqu’à ce qu’il rencontre une énigmatique femme fatale (Marine Vacth).
Celle-ci le convainc d’emblée à s’emparer du volant d’une voiture qui n’est pas la sienne puis de prendre la poudre d’escampette. Ils n’iront pas bien loin, la voiture finissant sa courte course dans un bassin d’eau – sans le vouloir, Bedos réalise là une séquence magistrale, qui résume la noyade cinématographique qui suivra.
Le problème, c’est qu’il nous restera deux heures à la voir se dérouler devant nos yeux, cette noyade artistique. Niney et Vacth s’aimeront d’abord passionnément, comme le signale une séquence au cours de laquelle Bedos se veut Aron Sorkin mais ne réussit qu’à être ridicule – les deux parlent dans un bar puis baisent aux chiottes en continuant à discuter, poursuivent leur discussion dans un restau puis rebaisent aux chiottes en échafaudant des plans machiavéliques qui, cela devrait en ressortir, les excitent à mort.
Pendant la suite du film, ils mettront à exécution leur plan, lui essayant de se venger des humiliations de son épouse, qui le traite comme le gigolo qu’il est, elle escroquant un François Cluzet que ce film n’inspire pas du tout (on le comprend), qui promène son personnage d’agent immobilier à travers les longues deux heures 15 en adoptant exactement deux expressions faciales – l’air amouraché d’un vieux qui se croit jeune et l’exaspération cynique qui sied tant à son métier.
„Tout cela est une mascarade“, s’exclamera l’un des personnages, afin que le spectateur le moins attentif comprenne de quoi il en retourne. Et en effet, c’en est une, de mascarade, tant ce film est creux, vide, qui réussit même, dans un dernier revirement poussif, à faire de la violence infligée aux femmes un énième accessoire en toc. Si Laclos avait su à quel point ses „Liaisons dangereuses“ allaient servir à de telles resucées cinématographiques pour des réalisateurs en panne d’inspiration, il lui aurait peut-être réservé le même sort qu’une Adjani enragée fait subir au manuscrit de son gigolo.
„Couleurs de l’incendie“ de Clovis Cornillac
Tout aussi long, mais bien moins chiant, „Couleurs de l’incendie“ nous plonge dans la France de l’entre-deux-guerres, tissant arnaques financières, l’Allemagne nazie, l’espionnage industriel, un banquier crapuleux, un héritier indigne et un journaliste pédophile dans une intrigue qui enchâsse les tracas d’une mère bourgeoise dans une intrigue vaguement historique.
Vaste programme donc, qui souffre précisément de trop vouloir en faire. Deuxième roman du goncourisé Pierre Lemaître à être adapté à l’écran après „Au revoir là-haut“, „Couleurs de l’incendie“ raconte les déboires de Madeleine Péricourt (Léa Drucker) qui, après la mort de son père et la tentative de suicide de son fils Paul, devient la victime des escroqueries de son banquier Joubert (Benoît Poelvoorde), de l’oncle Charles (Olivier Gourmet), du journaliste André Delcourt (Jérémy Lopez) et de la gouvernante Léonce (Alice Isaaz).
Une fois délestée de son énorme fortune, appauvrie, mais pas trop – le contraste entre la volonté de la montrer dans le dénuement et celle de monter des décors de film esthétiquement léchés aboutit à quelque chose d’assez schizophrène –, devant s’occuper de son fils paraplégique qui s’est entiché d’une cantatrice en fin de carrière (si Fanny Ardant est le versant angélique de l’Isabelle Adjani dans „Mascarade“, les deux rôles sont analogues dans leur propension au ridicule), Madeleine met sur pied, avec Mr. Dupré (Clovis Cornillac, qui est aussi le réalisateur du film), son ancien chauffeur, une alliance entre bourgeoisie déchue et prolétariat récolté pour se laver de l’affront et récupérer un peu de thunes.
Si ce film au souffle épique se regarde sans déplaisir, force est d’admettre que les ficelles de cette sorte de cinéma datent plus ou moins de l’époque lors de laquelle se déroule le film, qui est de surcroît desservi par des personnages trop archétypaux, les bons étant vraiment très bons et les méchants très, très méchants.
L’enchâssement de l’intrigue dans les grands rouages de l’Histoire n’est pas tout à fait convaincante non plus et le fait qu’absolument tout, dans ce plan pourtant alambiqué, passe comme une lettre à la poste, finit par gêner, le film semblant exclure le fait, désagréable, il est vrai, que la réalité est faite de coïncidences, d’imprévus et que les hommes ne se comportent pas toujours comme on l’attend d’eux. A ce film trop statique, trop manichéen, il manque cet imprévisible qui fait entrer du jeu et de l’humain – lui manquent, en quelque sorte, les couleurs de l’incendie.
„Vous n’aurez pas ma haine“ de Kilian Riedhof
Après la survivante („Revoir Paris“ d’Alice Winocour), les terroristes („Rebel“ d’Adil El Arbi et Billal Fallah) et la police („13 Novembre“ de Cédric Jimenez), „Vous n’aurez pas ma haine“ est une nouvelle déclinaison filmique autour des attentats terroristes qui ont secoué Paris il y a sept ans, traumatisme collectif que le monde culturel contribue à surmonter en enchaînant les productions (c’est aussi, cela peut être non anodin, un sujet qui, dans un monde où le cinéma français se dit à la reconquête de son public, marche).
Si le film laisse plutôt froid, l’on peut se demander si cela est dû au fait que, comme le dit Milan Kundera, la répétition émousse la gravité – ce qu’il appelle donc „l’insoutenable légèreté“ –du réel, où tout n’a lieu qu’une seule fois. Dans cette perspective, la culture aurait à jouer un rôle quasiment thérapeutique, répétant à l’infini un vécu traumatique collectif afin que le travail du deuil puisse se faire, multipliant les angles d’approche afin d’en donner à lire un récit cohérent.
Plus probablement, la faute au peu d’empathie qu’on éprouve est aussi due à un film qui déploie les différentes étapes du deuil en les suivant un peu trop mécaniquement, adaptant le livre d’Antoine Leiris (Pierre Deladonchamps) qui essaie de surmonter la mort de son épouse et qu’un post sur Facebook rendra célèbre d’un jour à l’autre. Dans ce post, il s’adresse aux terroristes, leur disant qu’il fera tout pour continuer à vivre heureux, suivant en cela l’adage du poète George Herbert, dont le groupe R.E.M. a fait le titre d’une chanson: „Living Well is the Best Revenge“.
Si c’est plutôt bien joué et que la réalisation parvient à faire ressentir cette perte de tout repère de son personnage qui, s’enfonçant dans le deuil, laisse sa vie quotidienne se déliter, on a l’impression que le film de Kilian Riedhof force les traits, utilisant le gamin Melvil pour des séquences qui ne lésinent pas sur le pathos.
Gêne aussi le rôle de l’écriture: en début de film, Antoine est un écrivain en panne d’inspiration. Après son vécu, son court post le portera aux nuées, le film suggérant erronément qu’il faut du vécu traumatique pour produire de la bonne littérature, et, inversement, que la littérature sert surtout à panser des plaies.
„The Invitation“ de Jessica M. Thompson
Que faire quand on a trop de budget et rien à dire? On réalise ou bien un film de superhéros, ou alors un film de bolides, ou encore un décalque d’Harry Potter, ou enfin un film d’horreur. „The Invitation“ se veut une réécriture du „Dracula“ de Bram Stoker en version „woke“, expression assez ironique puisque rien ni personne dans ce long-métrage n’est éveillé.
Evie (Nathalie Emmanuel), une jeune afro-africaine qui a perdu ses deux parents, trouve, grâce à un test ADN et une appli permettant de contacter les membres de famille ainsi dégotés, un cousin, qui est si enthousiasmé par ces retrouvailles inespérées qu’il l’invite à un mariage en Angleterre.
William De Ville (Thomas Doherty), le seigneur de la demeure, sosie de Robert Pattinson, est charmant au point que la jeune Evie, pourtant intelligente et méfiante vis-à-vis des hommes séduisants, surtout quand il sont blancs, tombe sous son charme, son sens commun lui faisant dès lors défaut – car on sait tous que tout crush rend à la fois aveugle et stupide. Elle découvre cependant bien vite que quelque chose cloche, dans cette grande demeure.
Alors qu’on avait déjà déploré, dans le récent „Smile“, la misogynie souvent inhérente aux films d’horreur, celui-ci parvenait au moins à remplir son cahier de charges au sens où il réussissait à faire peur. Ici, le film met une bonne heure à essayer en vain de ce faire, jusqu’à ce que, vers la fin, l’action démarre enfin, avec la classique tentative de fuite qui échoue et un final en forme de vendetta qui se veut inspirée par Robert Rodriguez et Quentin Tarantino mais s’avère tout sauf inspiré.
Au-delà de confirmer encore une fois que le féminisme de pacotille et le souci de mettre en avant un casting qui prône la diversité afin d’être plus oscarisable ne sont, pour Hollywood, rien d’autres que des selling points, „The Invitation“ est tellement dispensable que sa pellicule pourrait se réduire, comme ses vampires, en poussière pendant sa projection sans que personne ne s’en rende compte.
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