„Novembre“ de Cédric Jimenez, dont le précédent „Bac Nord“ avait créé la polémique – d’aucuns reprochaient au réalisateur d’être une sorte de Zemmour du cinéma – pour finir par être récupéré par l’extrême-droite, raconte la traque des terroristes et, surtout, de leur coordinateur Abdelhamid Abaaoud après les attentats du Bataclan. Suivant une brigade de policiers dirigés par un Jean Dujardin en flic viril et patriarcal, le film se focalise tout entier sur la chronologie des faits, au point d’oublier (ou de feindre d’oublier) que ces policiers sont aussi des hommes et des femmes qui ont une vie privée et qui peuvent éprouver des sentiments.
Dans son esthétique de série télévisuelle certes efficace, Jimenez suit l’enquête des premières minutes, où l’on voit un Jérémy Renier déboussolé par un nombre alarmant de téléphones qui sonnent alors qu’il est seul au commissariat, à ses derniers soubresauts, où l’assaut d’un appartement criblé de balles est filmé dans la réalité de sa violence – plus de 1.500 balles policières auraient été tirées alors que la riposte terroriste se limitait à une dizaine de tirs. Cherchant à montrer le désespoir de l’appareil étatique face à une guerre menée dans l’ombre, Jimenez parvient surtout, en filmant cet apogée de tirs et de violence, à condenser le manque de subtilité de son propre long-métrage.
Le mot d’ordre de „Novembre étant l’efficacité“ – policière, cinématographique –, Jimenez étouffe son film en le serrant dans un étau narratif asphyxiant, avec Inès Moreau (Anaïs Demoustier) comme seul personnage à être un tant soit peu crédible, prise qu’elle est dans un dilemme moral: ce sera elle qui entrera en contact avec Sonia (Lyna Khoudri), dont une amie est liée à Abaaoud, pour la convaincre de devenir une indic pour la police, l’exposant ainsi à un danger mortel.
Le problème est que Jimenez, outre le fait de rester enfoncé dans des clichés de genre en montrant une femme qui fait des gaffes parce qu’elle est trop sensible et un homme viril, efficace et compétent, s’arrête au moment où ce dilemme est abordé, comme si le réalisateur rechignait à faire plus qu’effleurer une sensibilité dont son film aurait pourtant grandement eu besoin.
Des partis pris douteux
Avec la coproduction luxembourgeoise „Rebel“, on bascule du côté des bourreaux, le film s’évertuant, un peu comme „Les adieux à la nuit“ d’André Téchiné ou „Terres arides“ de Ian De Toffoli, à montrer et à essayer de comprendre la radicalisation des jeunes.
Parti en mission humanitaire en Syrie après avoir eu des soucis avec la police pour une sombre histoire de trafic de drogues, Kamal (Aboubakr Bensaihi) se fait rapidement enrôler de force par un EI aussi menaçant qu’omniprésent. Travaillant comme caméraman pour l’EI, il espère ne pas être obligé de tuer – pourtant, au début du film, son frère Nassim et sa mère seront exposés à des images le montrant en train d’exécuter des mécréants. Par le biais d’analepses, le film reconstituera le parcours de Kamal en Syrie afin de faire voir l’engrenage dans lequel il est tombé, l’innocentant ainsi aux yeux de sa famille et du spectateur.
Adil El Arbi et Bilall Fallah, qui s’étaient fait remarquer à Hollywood avec le troisième volet de „Bad Boys“, essaient de contrer la déferlante d’images violentes avec des trouvailles formelles qui, hélas, ne fonctionnent pas toujours: outre les chants orientaux qui structurent l’action avec des paroles pseudo-poétiques dignes d’un fortune cookie, il y a deux clips de rap qui viennent interrompre puis clôturer le film.
Si le clip conclusif passe encore, le premier esthétise ce qui est de fait une scène de viol et l’on a du mal à comprendre pourquoi la violence que s’infligent les hommes entre eux est filmée crûment alors que celle que des hommes infligent à une femme est esthétisée, comme si on avait voulu rendre sa représentation moins grave, moins insupportable. Enfin, la dernière partie du film, où Nassim et la mère se retrouvent tous deux en Syrie, est bien trop précipitée, cette accélération de l’action témoignant à la fois d’une certaine impatience et d’un manque de sensibilité, le film perdant en crédibilité ce qu’il gagne en rythme.
Troisième long-métrage d’Ana Lily Amirpour, „Mona Lisa and the Blood Moon“ suit les péripéties d’une jeune femme qui s’échappe d’un hôpital psychiatrique et qui dispose de pouvoirs spéciaux: elle peut s’emparer des esprits des autres et les forcer à exécuter ses ordres – comme se tirer une balle dans le genou ou retirer des centaines de dollars à un distributeur et les rendre à l’inquiétante Mona Lisa (Jeon Jong-seo).
Poursuivie par la police, Mona Lisa rencontrera la stripteaseuse Bonnie (Kate Hudson) qui profitera de ses pouvoirs surnaturels pour se protéger de ses clients puis pour arnaquer des inconnus. Comme elle logera chez Bonnie, elle y rencontrera son fils Charlie (Evan Whitten), qui rêve de partir de son domicile et d’une mère qu’il n’apprécie guère.
Si le film cherche à brosser le portrait d’une certaine Amérique de la marge, le scénario a du mal à convaincre – il y a une chasse à l’homme un peu ridicule, où le flic, encore blessé, poursuit Mona Lisa et Bonnie qui pourtant ne réussissent pas à le semer; on ne saisit pas pourquoi la police met autant de temps à retrouver les deux criminelles; la fin est beaucoup trop prévisible – et les personnages manquent de profondeur, de sorte qu’on a du mal à comprendre la colère du fils, Amirpour sacrifiant son scénario (bâclé) et ses personnages (bidimensionnels) sur l’autel d’une esthétique léchée qui, si elle fonctionne formellement, ne réussit pas à cacher que son film est bien creux.
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