L’initiative vient d’un petit groupe de vingt députés, baptisé „Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires“ (LIOT), rassemblement de sensibilités fort différentes, mais qui ont en commun de se situer dans l’opposition, ce qu’il avait déjà clairement manifesté en présentant l’une des deux motions de censure infructueuses de mars dernier. Son projet est, cette fois-ci encore, radical, puisque sa proposition de loi – qui devrait normalement être débattue le 8 juin prochain – consiste à annuler purement et simplement la loi adoptée voici deux mois par le biais, constitutionnellement correct mais très contesté, du recours au 49-3.
Le calcul des élus de LIOT est que ce recours, avec son caractère de „tout ou rien“, n’a pas permis aux adversaires de la réforme de se prononcer réellement sur le texte. Et surtout sur sa disposition la plus controversée: le report de l’âge normal de la retraite de 62 à 64 ans. Donc, un vote clair et simple sur leur proposition, abolissant purement et simplement la réforme (qui n’a pas encore eu le temps d’entrer en application) permettrait de revenir sur un scrutin qu’ils jugent biaisé par la procédure choisie par l’exécutif en jouant sur le souci de ne pas ouvrir une crise gouvernementale majeure, et de faire passer à la trappe une réforme dont ils ne veulent pas.
Naturellement, le gouvernement et sa majorité parlementaire relative sont très hostiles à un texte qui, s’il était voté, ruinerait leur projet si laborieusement adopté dans un climat socialement et politiquement très tendu. Et serait, accessoirement, à peu près aussi dévastateur pour la Macronie qu’une motion de censure. Un argument juridique incontestablement fort a été trouvé pour rendre la proposition des députés LIOT irrecevable. L’article 40 de la Constitution stipule en effet que „les propositions et amendements formulés par les membres du parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.“
L’article 40
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, s’en est saisi pour condamner la proposition du groupe LIOT comme „inconstitutionnelle, car elle ne propose rien de moins que d’alourdir la dette publique de 15 milliards d’euros par an“ en supprimant les ressources attendues de la réforme des retraites. Mais c’est d’abord à l’Assemblée nationale elle-même de juger de la recevabilité de cette proposition. À commencer par sa présidente, Yaël Braun-Pivet, qui l’estime elle aussi inconstitutionnelle, et par le président de la Commission des finances, le député mélenchoniste Eric Coquerel (ce poste devient traditionnellement à un élu de l’opposition), qui, lui, a „décidé de la rendre recevable.“
On en est là, sur fond de menace de dépôt d’une nouvelle motion de censure si le texte n’est pas débattu. S’il était malgré tout adopté, il ne passerait certainement pas au Sénat, et le gouvernement pourrait de toute façon saisir le Conseil constitutionnel. Mais il se serait bien passé de cette nouvelle épreuve, qui pourrait bien lui donner une nouvelle fois le mauvais rôle: celui de refuser un débat au Palais-Bourbon.
Zu Demaart
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