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FranceLa tribune offerte à un rappeur antisémite trouble la gauche

France / La tribune offerte à un rappeur antisémite trouble la gauche
Certains évoquent, de la part des Verts, une sorte de „suicide collectif“ en offrant une telle tribune à un personnage aussi sulfureux Photo: AFP/Lou Benoist

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L’université d’été d’Europe-Écologie Les Verts (EELV) a été marquée, jeudi soir, par une prise de parole dont la perspective faisait scandale depuis plusieurs jours, y compris à gauche: celle du rappeur Médine.

Le rappeur Médine est l’auteur de nombreuses déclarations antisémites, et propagandiste d’un islamisme virulent. Il avait notamment demandé que l’on „crucifie les laïcards“, autrement dit ceux qui, en France, soutiennent la séparation des religions et de l’Etat. Jusqu’au bout, la gauche modérée avait voulu croire que la direction d’EELV se ressaisirait, et annulerait l’invitation ainsi faite. Certains, qui connaissent et déplorent les fréquentations du rappeur – le négationniste Dieudonné, le militant raciste et antisémite franco-béninois Kémi Séba, le plus controversé Tarik Ramadan – allant même jusqu’à évoquer, de la part des Verts, une sorte de „suicide collectif“ en offrant ainsi une telle tribune à un personnage aussi sulfureux, si radicalement opposé à ce qui a fait partie de tout temps de l’engagement de la gauche.

Mais cette direction, la nouvelle secrétaire nationale Marine Tondelier en tête n’en a pas démordu, se raccrochant aux vagues excuses qu’elle avait réussi à soutirer au rappeur. Notamment à propos d’un tweet antisémite particulièrement odieux où il se moquait de la comédienne et essayiste Rachel Khan, dont le grand-père a réussi à survivre à l’enfer nazi d’Auschwitz, en la traitant de „resKhanpée“. Cela dans la meilleure tradition lepéniste: on se souvient de son piètre jeu de mots, en 1988, sur „Durafour crématoire“, du nom d’un ministre de Mitterrand …

Les réactions sont très nombreuses dans les médias, mais aussi dans la classe politique. Le maire du Havre, ville où avait lieu la rencontre, l’ancien premier ministre de droite Edouard Philippe, qui avait prévu d’adresser un message de „bienvenue républicaine“ aux Verts, s’est précipitamment décommandé. Et surtout, plusieurs importants élus EELV ont refusé de se rendre à l’université d’été de leur parti, comme les maires de Strasbourg, Jeanne Barseghian, et de Bordeaux, Pierre Hurmic; de même pour l’eurodéputée Karima Delli.

La France Insoumise aussi …

Mais c’est sans doute d’une députée EELV de Paris, membre d’une commission interne au parti dédiée à la lutte contre l’antisémitisme, Eva Sas, qu’est venue la critique la plus sévère. „Nous, écologistes, allons mettre des années à nous remettre de cette affaire. Sur l’antisémitisme, on ne peut pas se permettre d’être ambigus. Tout le travail que nous menons en interne est désormais occulté.“ L’élue déplore aussi le boulevard ainsi ouvert à tous ceux qui, à droite, vont trouver là un aliment de choix à leur propagande hostile aux écologistes.

De fait, la raison de cette soudaine et stupéfiante collusion entre les Verts et une pensée que l’on situerait plutôt à l’extrême droite fait l’objet de bien des supputations. La plus répandue étant que la direction d’EELV aura cherché à s’attirer un public plus varié socialement que celui de la moyenne bourgeoisie urbaine parmi laquelle elle recrute principalement. L’attirer à la fois par le rap, et par la flatterie à l’égard de milieux musulmans qui sont évidemment plus nombreux dans les banlieues modestes que dans les beaux quartiers. Médine n’a d’ailleurs pas manqué, au cours de son intervention, de décrire la laïcité comme „bien souvent antireligieuse“ et dirigée „contre la communauté musulmane“.

Cela dit, la nouvelle carrière de tribun de la gauche du rappeur ne devait s’arrêter là, puisque, au minimum, il était aussi programmé pour l’université d’été de La France Insoumise. Mais là, la surprise est moins grande: elle risque surtout, pour Jean-Luc Mélenchon, de renforcer l’accusation d’„islamo-gauchisme“ lancée depuis des années par ses adversaires, du fait d’un certain nombre de ses prises de position et de sa participation à certaines manifestations. Dans Le Monde daté de ce samedi, l’éminent historien Sébastien Ledoux estime en tout cas que „l’affaire Médine illustre la dérive constante d’une certaine gauche face à l’antisémitisme en France“. Jugement sévère, mais qu’il n’est manifestement pas le seul à éprouver.

Cela dit, au-delà de cette „affaire Médine“, qui pourrait bien se révéler une mauvaise opération pour les Verts, voire, plus injustement, pour l’ensemble de la Nupes, les quatre composantes de cette dernière – LFI, PCF, Verts, PS – abordent la rentrée politique dans un climat de profonde division, qui augure mal des prochains scrutins. A commencer par les élections sénatoriales du 24 septembre, et surtout les européennes du 9 juin 2024. Pour ces dernières tout particulièrement, en effet, chaque formation souhaite constituer sa propre liste, et le fait qu’il n’y ait qu’un seul tour exclut tout désistement.

Il est vrai que les positions des socialistes sur l’Europe, et dans une certaine mesure celles des Verts, sont radicalement différentes de celles des mélenchonistes et des communistes. Mais les divergences sont loin d’être seulement européennes … Et sur beaucoup de sujets, l’ambiance au sein de la gauche française, au sortir de la torpeur estivale, contraste décidément avec celle qui prévalait l’an dernier à pareille époque, dans la foulée de la création de la Nupes.