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La guerre des hypocrites

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Ankara a bien l’intention de poursuivre son opération militaire au nord de la Syrie – malgré les critiques internationales. L’ambassadeur de Turquieau Luxembourg, Mehmet Haluk Ilicak, critique les positions hypocrites des Etats-Unis, de l’UE tandisqu’il peine à légitimer la lutte contre le «terrorisme» des YPG kurdes alors que la Turquie, faisant aussi preuve d’hypocrisie, supporte l’Armée libre syrienne qui est de plus en plus sous la coupe de djihadistes criminels. Une interview.

Tageblatt: Jean Asselborn pense que selon les circonstances actuelles et avec le président Erdogan au pouvoir l’adhésion de la Turquie à l’UE est impossible. Que cela vous inspire-t-il?

Haluk Ilicak: L’adhésion de la Turquie à l’UE était dès le début bloquée par des pays membres. La Turquie n’était donc pas en mesure de prouver sa capacité de se réformer, d’aligner ses lois, ses décrets et ses régulations avec ceux de l’UE. Nous avons commencé les négociations d’adhésion et le premier jour plus de 16 chapitres étaient bloqués par des pays membres pour des raisons politiques, y compris la France, l’Allemagne, la Grèce et les Chypriotes grecs.

L’adhésion à l’UE n’est donc plus une priorité?

Non, nous voulons toujours être un membre de l’UE. Mais nous ne voulons pas que l’UE nous traite différemment des autres candidats d’adhésion.

La situation actuelle en Turquie ne facilite pas une égalité de traitement.

Il faut considérer l’arrière-plan de nos relations. Prenez la tentative de coup d’Etat de 2016. Est-ce que la Turquie a reçu la solidarité de l’UE contre les putschistes?

Nous en avons parlé lors de notre dernière interview …

L’essentiel est que l’UE a été prise en otage par quelques petits gouvernements – je n’y compte pas l’Allemagne – et elle a isolé la Turquie avec cette politique.

Mais cela n’est pas une excuse pour les fautes de votre gouvernement.

Je ne cherche pas d’excuses, je parle de réalités. L’UE a perdu toute l’influence sur la Turquie.

L’UE a seulement répondu à vos purges et à vos attaques sur l’Etat de droit.

Je vous donne un exemple. L’Allemagne a licencié après la réunification trois fois plus de travailleurs de l’Etat qu’en Turquie.

C’était un autre contexte qui n’est pas comparable.

Pourquoi? Est-ce que vous avez parlé à ces gens? Leur seule faute était qu’ils étaient des fonctionnaires d’un autre Etat.

La réunification était chère: la logique était typiquement allemande, voire surtout économique et dans un deuxième temps politique.

Je n’accepte pas l’argumentation contre la Turquie tandis que vous trouvez aussi des exemples dans l’UE. Vous essayez de trouver des contextes pour expliquer la situation en Allemagne. Essayez la même chose pour la Turquie.

Etre licencié est une chose mais se retrouver en prison en est une autre. L’offensive turque contre les Kurdes des YPG à Afrin est au moins aussi ambiguë. Vous les considérez comme terroristes, vos alliés américains les défendent.

Nous ne le disons pas. C’est le ministre de la Défense américain qui dit cela.

Non, c’est l’ancien ministre de la Défense, Ashton Carter, qui disait qu’il y avait une proximité entre le PKK et les YPG. L’actuel secrétaire à la Défense, James Mattis, ne le dit pas.

Evidemment, cela change. Quand un ministre de la Défense change, tout change?

 

Est-ce que vos alliés américains de l’OTAN sont des hypocrites, parce qu’ils supportent, selon vous, des «terroristes»?

Nous sommes vraiment déçus de la position américaine à l’égard des YPG. Pour pouvoir combattre efficacement le terrorisme international, il ne faut pas faire des distinctions entre des organisations terroristes. Il ne faut pas dire que cette organisation est bonne et l’autre est mauvaise.

Vous êtes le seul à classifier les YPG comme organisation terroriste. Votre allié américain ne le fait pas.

Malgré la proposition de la Turquie d’utiliser l’armée turque, une armée alliée de l’OTAN et de la coalition internationale contre l’Etat islamique (EI), pour la libération de Raqqa, les Américains l’ont refusée et utilisé les terroristes des YPG. Est-ce que c’est éthique d’utiliser une organisation terroriste comme mercenaires pour lutter contre une autre terroriste?

Vous êtes le seul à les classifier comme terroriste, mais c’est en effet hypocrite. Mais est-ce que votre démarche est correcte ou «éthique»? Sans résolution du Conseil de sécurité? Sans l’accord de l’OTAN? Vous faites la même chose.

La Turquie a utilisé l’article 51 de la charte des Nations Unies, qui couvre la légitime défense, pour légitimer l’opération «Rameau d’olivier».

Votre pays n’a pas été envahi.

Depuis le 1er janvier, 20 jours avant le début de cette opération, les terroristes des YPG ont lancé des missiles d’Afrin et tué plus de dix civils dans la ville de Kilis. Et il y a d’autres cas. C’est donc une agression directe. Notre position est mille fois plus légitime que celle des Etats-Unis.

Vous risquez donc la confrontation militaire avec un Etat membre de l’OTAN?

Non, peut-être les Etats-Unis la risquent. Quand ils ont commencé à utiliser les terroristes YPG comme mercenaires pour sauver les vies des soldats américains, nous sommes convenus que les YPG ne passent pas l’ouest de l’Euphrate. Tandis qu’à Manbij (ville du nord de la Syrie, qui est sous le contrôle des YPG, n.d.l.r.) ils sont passés. Si les Etats-Unis tiennent leurs promesses, il n’y aura pas de conflits entre la Turquie et les Etats-Unis.

Plusieurs centaines de soldats américains sont déployés à Manbij. Je répète ma question: est-ce que vous risquez une confrontation militaire avec les Etats-Unis?

Je ne crois pas. Je pense que les Etats-Unis vont honorer leur engagement dans la dernière minute et se retirer avec les YPG à l’est de l’Euphrate. Il faut qu’ils honorent leurs promesses pour éviter un conflit. C’est tout.

Même la Russie et les Etats-Unis ont évité ce type d’escalade en Syrie.

Nous ne voulons pas de conflits, ni avec les Etats-Unis, alliés de l’OTAN, ni avec la Russie, ni avec l’Irak, ni avec d’autres pays de la région. Nous voulons que notre allié honore ses promesses.

Il ne semble pas que ce soit le cas. Ils ne reconnaissent pas les YPG comme terroristes.

Est-ce que vous pouvez vous imaginer que les Américains vont reconnaître les YPG comme organisation terroriste et puis faire une coalition avec cette organisation terroriste armée pour lutter contre Daech? C’est impossible. C’est tout à fait normal, cela va de soi. C’est pour des raisons pratiques que les Etats-Unis s’abstiennent pour le moment de les reconnaître comme terroristes. Les Américains ont, contrairement à Monsieur Erdogan et la Turquie, annoncé publiquement qu’ils veulent et vont rester en Syrie, tandis que nous ne voulons pas rester en Syrie.

Les Etats-Unis sont donc, selon vous, des facilitateurs passifs de terrorisme?

Non, je dis que les Etats-Unis, pour sauver la vie des soldats américains, utilisent une organisation terroriste comme mercenaires pour lutter contre une autre organisation terroriste.

Les YPG sont donc, selon vous, au moins des «terroristes» sous la protection des Etats-Unis et sous l’égide de la coalition internationale contre l’EI?

Je n’ai pas dit cela. Pour moi ce n’est pas éthique d’utiliser une organisation terroriste contre une autre organisation terroriste.

Mais c’est la conclusion de votre réflexion: les Etats-Unis sont, selon vous, des facilitateurs de terrorisme.

Ce ne sont pas mes mots.

Est-ce que la discussion des livraisons d’armes de l’Allemagne à la Turquie est aussi, selon vous, hypocrite?

C’est un sujet lancé en Allemagne par quelques députés qui veulent se faire remarquer. Les chars allemands qu’ils ont vendus en Turquie viennent d’un membre de l’OTAN. C’est très légitime de les utiliser contre une agression terroriste de cette région vers la Turquie pour protéger la sécurité nationale et les frontières de la Turquie.

Le ministre des Affaires étrangères turques, Mevlüt Cavusoglu, dénonce aussi l’hypocrisie de la France qui critique indirectement l’opération «Rameau d’olivier».

Je m’abstiens d’utiliser le terme hypocrisie. Mais je veux dire que la position de nos alliés n’est pas conforme au concept d’alliance. Tous nos alliés savent bien que la Turquie, depuis une quarantaine d’années, combat le PKK. Et tous nos alliés savent très bien qu’il existe des liens étroits entre le PKK et les YPG.

Donc toute la population à Afrin est, selon vous, terroriste?

Non, avant la guerre civile en Syrie à peu près 60 pour cent de la population d’Afrin était kurde et 40 pour cent arabe et turcomane. Après le début de la guerre, fin 2012, début 2013, YPG est venu de l’extérieur de cette région. Ce ne sont pas les kurdes de cette région qui ont créé YPG. Les YPG qui dominent maintenant l’administration de cette région ont forcé les Turcomans et les Arabes à fuir leurs maisons. Et même les Kurdes de cette région ne sont pas d’accord avec eux.

Il est connu que les YPG commettent aussi des crimes de guerre. Mais Rojava, le Kurdistan syrien, est selon le parti politique kurde syrien PYD (YPG est la branche armée du PYD) une région autonome dans le nord de la Syrie basée sur un système fédéral démocratique.

Le mot démocratique ne va pas avec une organisation terroriste. Excusez-moi.

C’est trop facile. Votre appréciation manque de nuances.

On ne peut pas utiliser les deux mots en même temps.

Vous utilisez le terme «terroriste» de manière arbitraire.

Je fais la distinction entre les YPG et le peuple kurde. Pour moi, les YPG ne représentent pas le peuple kurde. Une grande partie du peuple kurde est contre les YPG.

Et la Turquie sera leur grand libérateur …

Oui, nous allons les libérer. Vous allez le voir. Nous allons libérer la région d’Afrin, comme nous l’avons fait lors de l’opération «Bouclier de l’Euphrate», et puis Manbij. Les gens qui ont été obligés de partir de ces régions, vont retourner.

Ces «libérations» militaires que vous envisagez n’ont pas été dotées de succès si vous regardez les efforts de votre allié américain en Irak: cette tuerie a créé encore plus de terrorisme, un Etat sans bonne gouvernance, répandu la haine et laissé un vide politique …

Dès le début, les causes des Américains pour mener une guerre contre l’Irak ont été fausses et falsifiées. C’est facile de voir les fautes que les Etats-Unis commettent en Afghanistan, en Irak et maintenant en Syrie. Je ne défends pas ce que les Etats-Unis ont fait dans la région. Ils ont leur propre agenda, leur propre position. Mais cet agenda heurte maintenant les pays de la région et surtout les intérêts légitimes d’un allié.

Mais vous risquez la même chose, cela ne s’arrêtera pas à vos frontières nationales.

Nous ne risquons pas la même chose. Nous n’allons pas dans cette région, ayant l’arrière-pensée de créer des Etats qui sont proches aux Etats-Unis ou à Israël mais nous voulons seulement établir la paix et la stabilité dans cette zone pour que la population locale, qui était obligée de fuir de cette région, puisse retourner.

Si votre seul but est de combattre le terrorisme et d’instaurer la stabilité dans la région, pourquoi est-ce que vous coopérez toujours avec l’Armée syrienne libre? Elle était à l’époque la branche modérée des rebelles syriens mais se retrouve aujourd’hui à l’agonie après la montée en puissance des groupes djihadistes. Vous coopérez aussi avec des terroristes.

Non … ces gens de l’Armée syrienne libre …

… sont des terroristes.

En Syrie, on ne peut pas très bien distinguer les groupes.

Mais vous le faites en ce qui concerne les Kurdes et vos alliés.

On ne peut pas distinguer proprement l’affiliation de chaque personne à un groupe. Mais l’Armée libre syrienne est un groupe national. Il n’y a pas d’autres ressortissants que des Syriens.

Mais vous avez le gouvernement syrien à Damas qui est au pouvoir. Est-ce que vous ne le reconnaissez pas?

Oui, nous faisons … nous avons fait l’opération avec des Syriens, surtout pour l’opération «Bouclier de l’Euphrate» … mais après nous ne demandions jamais de former un gouvernement appartenant à ce groupe. C’est le peuple syrien qui va décider ce qu’il veut faire.

Comment le peuple syrien peut-il prendre son avenir en main quand vous armez des terroristes sur le territoire syrien pour faire avancer votre propre agenda?

Mais nous ne livrons pas des armes lourdes.

Vous livrez quand même des armes à des groupes qui sont affiliés à Al-Qaïda.

Mais quel Al-Qaïda et tout cela … écoutez, ce sont des petits groupuscules d’Al-Qaïda ou du Front al-Nosra (rebaptisé en 2016 Front Fatah al-Cham, affilié à Al-Qaïda de 2013 à 2016 et aujourd’hui intégré dans Hayat Tahrir al-Cham, n.d.l.r.). Mais la formation est nationale.

Vous acceptez donc la présence de ces éléments terroristes au sein de votre allié en Syrie?

Je n’en sais rien. Vous pouvez retrouver ce type de gens dans les groupes en Syrie. Ce sont des gens qui luttent avec la Turquie pour éliminer l’oppression par les YPG.

Dhiraj Sabharwal, rédacteur en chef du Tageblatt, en discussion avec l’ambassadeur de Turquie au Luxembourg, Mehmet Haluk Ilicak

 

Scholnier
5. Februar 2018 - 18.16

Espérons que le Tageblatt nous offre en contrepartie un interview avec les opposans kurdes , afin d'entendre " déi aner Klack". Hypocrites c'est d'interdire la liberté de presse, la liberté d'opinion, d'interner des opposants, des militants des droits de l'homme,.......