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Il y a cinquante ans naissait „Mai 1968“

Il y a cinquante ans naissait „Mai 1968“

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De notre correspondant Bernard Brigouleix, Paris

Il y a exactement 50 ans, le 3 mai 1968, commençaient ce que l’on allait appeler les „événements de mai 1968“, singulier mélange de révolte radicale étudiante, de grèves plus classiquement ouvrières, et de vaste contestation de la société – outre, bien sûr, celle du pouvoir politique en place, alors celui du général de Gaulle. Cette „révolution“ allait finalement déboucher au contraire sur un fort choc en retour électoral en faveur de la droite, mais elle n’en a pas moins fait évoluer profondément les esprits.

Le 15 mars de cette année-là, un grand journaliste aujourd’hui disparu, Pierre Viansson-Ponté, publie dans Le Monde un article que ses adversaires – il en compte un certain nombre – n’auront ensuite de cesse de moquer, alors que ses fidèles, nombreux aussi, en loueront au contraire le caractère prémonitoire. Son titre? „La France s’ennuie.“ Il commence ainsi: „Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. Les Français s’ennuient. Ils ne participent ni de près ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde.“ Pourtant, note PVP, comme on l’appelait familièrement, contrairement à la France, ailleurs „les étudiants manifestent, bougent, se battent en Espagne, en Italie, en Belgique, en Algérie, au Japon, en Amérique, en Egypte, en Allemagne, en Pologne même“. Mais décidément, à Paris, „la jeunesse s’ennuie“.

Guère plus de six semaines plus tard, la capitale puis d’autres grandes villes de l’Hexagone entrent en convulsion pour un mois resté dans toutes les mémoires. Du moins de ceux qui ont vécu „les événements“, comme on finira par dire simplement, c’est-à-dire ces jeunes gens de l’époque, qui sont aujourd’hui des grands-parents septuagénaires ou davantage, à qui l’on fait raconter „leur“ Mai 68 comme eux-mêmes pouvaient interroger leurs propres aïeux sur les tranchées de la Première Guerre mondiale …

Ces deux types de souvenirs n’ayant évidemment, sur le fond, rien à voir: même dans ces moments sombres, qui n’ont pas manqué même si la mémoire tend à les effacer au profit de ses séquences plus allègres, novatrices ou fraternelles, Mai 1968 n’a aucunement été une guerre, même civile: ce fut, dira Malraux, „une révolution sans haine“. Un chiffre à cet égard en dit long: malgré de nombreuses nuits d’émeutes, d’incendies, de barricades, d’innombrables tirs de pavés d’un côté et de grenades lacrymogènes ou de coups de matraque de l’autre, et des milliers de blessés au total (à peu près équitablement répartis entre contestataires et force de l’ordre), ces événements n’ont connu que deux morts: un manifestant poignardé dans des circonstances jamais élucidées, mais sans lien avéré avec la politique, et le commissaire de police René Lacroix, écrasé le 24 mai à Lyon par un camion que des émeutiers avaient lancé sur les policiers, accélérateur bloqué.

Les étudiants

Les prétendus „ disparus“ que les tracts étudiants mentionnaient par centaines ont tous été retrouvés – dans des hôpitaux parfois, certes – par le même journal Le Monde, au fur et à mesure des événements. Puis sont arrivées les élections … et les grandes vacances, avant une rentrée plutôt sage. Reste que cette poussée insurrectionnelle continue, un demi-siècle plus tard, de fasciner les historiographes contemporains. Lesquels en distinguent généralement trois phases successives.

La première a été incontestablement et presque exclusivement étudiante, de l’occupation de la Sorbonne, le 3 mai, jusqu’à la nuit d’insurrection du 10 au 11 mai, où la police doit reprendre une par une des dizaines de barricades, en particulier dans une grande artère du Quartier latin, la rue Gay-Lussac. Les manifestations sont de plus en plus violentes, leur répression aussi, qui suscite à son tour de nouvelles occupations de facultés et de grandes écoles, voire de lycées.

Et cela d’autant plus que les mouvements étudiants commencent à recevoir des renforts plus ouvertement politiques de la part de petits groupes d’extrême gauche, même si ces derniers, tout comme les communistes orthodoxes, sont très divisés dans leur analyse de ce qui leur semble au début – tout particulièrement chez les „M-L“, autrement dit les „marxistes-léniniste“ qui se réclament du maoïsme – une insurrection terriblement petite-bourgeoise et fort peu prolétarienne.

Il n’empêche: de grands intellectuels, y compris parmi les figures prestigieuses de l’Université d’alors – contre lesquelles, d’une certaine façon, se révoltent ces étudiants en colère contre „le système“ dont ils constituent l’élite – rallient la cause des protestataires et viennent témoigner contre les demandes d’exclusion des facultés, ou d’incarcération, après des centaines d’interpellations et de mises en garde à vue. On a alors le sentiment que le mouvement, tout en recourant très abondamment à la violence de rue, reste profondément intellectuel. Slogans et affiches de l’époque témoignent d’ailleurs d’un certain esprit, libertaire certes, mais aussi fidèle à la culture classique française.

Grève générale

Le 13 mai est lancé, avec beaucoup de succès, une grève générale qui permet aux syndicats de se raccrocher à un mouvement dont l’ampleur devient chaque jour plus évidente et qui commence à faire dire aux salariés: après tout, pourquoi pas nous? Cette date est considérée comme le point d’inflexion entre les débuts étudiants et la suite plus syndicale des „événements e mai“. La France est alors en pleine prospérité gaullienne, mais le niveau des salaires ne s’est guère ressenti du rétablissement opéré depuis dix ans.
La grève ne reste pas générale, constamment et partout; mais là où elle se manifeste, la reprise du travail reste très ponctuelle et aléatoire, et il devient très vite évident que le pouvoir ne pourra faire l’économie d’une grande table-ronde où, indépendamment de la révolte étudiante mais dans sa foulée, l’explosion des revendication sociale devra recevoir une réponse négociée.

Cette négociation est complexe, d’autant plus que le général de Gaulle, revenu d’un voyage en Roumanie (paradoxalement triomphal au moment où, à Paris, des foules défilent pour demander sa démission aux cris de „Dix ans, ça suffit !“), ne „sent“ manifestement plus son „cher et vieux pays“. Pompidou, alors premier ministre et lui-même rentré précipitamment d’Afghanistan et qui a habilement fait rouvrir la Sorbonne fermée jusqu’alors par le ministre de l’Intérieur, a les coudées franches. Mais il a face à lui des dirigeants syndicaux résolus à faire avancer, fût-ce à la faveur de troubles qu’ils n’ont pas lancés, la cause des salariés.

Les Accords de Grenelle

Le chef du gouvernement a aussi à ses côtés pour négocier, il est vrai, deux collaborateurs dont on reparlera: un conseiller aux affaires sociales qui s’appelle Edouard Balladur et un secrétaire d’Etat du nom de Jacques Chirac … Le pouvoir tente de limiter les concession, mais doit finalement lâcher beaucoup de lest: le 27 mai sont signés les Accords de Grenelle (du nom de la rue parisienne qui abrite le ministère où ont eu lieu les pourparlers), lesquels aboutissent à une augmentation de 35 pour cent du salaire minimum interprofessionnel garanti et de 10 pour cent en moyenne des salaires réels. Ils prévoient aussi la création de la section syndicale d’entreprise.

Va alors commencer la troisième et dernière phase des événements de Mai 68, laquelle durera jusqu’à … fin juin. La politique revient en force. Les Français commencent à se montrer plus que las des violences, destructions et déprédations engendrées par les manifestations étudiantes et les occupations de facultés. Les Accords de Grenelle, même si certains tentent de se lancer dans une sorte de surenchère „basiste“, satisfont au moins provisoirement la grande majorité des grévistes. Pour le pouvoir s’ouvre donc une opportunité de reprendre les choses en main.

La reprise en main

De Gaulle avait d’alors lancé, le 24 mai, l’idée d’un référendum sur la participation dans l’entreprise, idée qui a manifestement fait chou blanc („j’ai misé à côté de la plaque“, reconnaîtra-t-il un peu plus tard). Mais le 30 mai, dans un bref discours seulement diffusé à la radio, après un mystérieux aller-retour éclair à Baden-Baden pour y rencontrer le général Massu, il annonce une série de décisions – une par phrase, durant la première minute: il „ne se retirera pas“, garde le premier ministre Georges Pompidou „dont la valeur, la capacité, la solidité méritent l’hommage de tous“, et surtout il dissout l’Assemblée nationale pour redonner la parole aux électeurs.

S’ensuit une manifestation gaulliste géante entre la place de la Concorde et l’Arc de Triomphe – un million de personnes, assureront ses organisateurs, et une forêt immense de drapeaux tricolores. Le matin-même, l’éditorialiste de France-Soir avait titré: „De Gaulle est seul“; son article du lendemain s’intitulera „Mort d’une révolution“ … De fait, la campagne des législatives se solde par un raz-de-marée gaulliste à l’Assemblée nationale, d’autant plus que la gauche paie sévèrement les hésitations communistes (le secrétaire général du PCF, Georges Marchais, n’avait pas hésité à traiter le plus populaire des leaders étudiants, Daniel Cohn-Bendit, de „juif allemand“) et les ambitions présidentielles très prématurément affichées par François Mitterrand en la circonstance.

Pourtant, Mai 68 a changé en profondeur les mentalités, même à droite, et a induit une formidable modernisation de la société française, bien avant que, quelque treize ans plus tard, la gauche revienne au pouvoir après une très longue absence. Il y a clairement eu, dans la classe politique et dans l’université bien sûr, mais aussi dans les entreprises, dans l’administration, dans le monde associatif, un „avant“ et un „après“. Certes, les „soixante-huitards“, comme on s’est mis à les appeler, ont vieilli et se sont, dans leur grande majorité, beaucoup assagis: combien de virulents maoïstes ou trotskistes de l’époque ne sont-ils pas devenus de paisibles sénateurs socialistes, élus aujourd’hui macronistes … ou dirigeants d’entreprise?

Mais aucun de ceux qui les ont vécus n’ont oublié ces moments-là, pleins de bruit et de fureur, de slogans pas toujours très inspirés et de cocktails Molotov pas toujours vraiment justifiés, mais qui étaient tout de même des jours – et plus encore des nuits – de juvénile espérance.

Prozak
4. Mai 2018 - 1.28

Substanziell gesinn ...

Student
4. Mai 2018 - 1.26

Indeepndance!? ; )

Scholnier
3. Mai 2018 - 16.26

@Schneider: Rescapé de la génération 68, croyez moi Monsieur, je suis bien au courant de juger du développement politique de l'après 68, notamment le fait que les révoltés de 68 prennaient peu à peu place dans les fauteuils de direction des grandes sociétés, des partis politiques.Se sont mes frères d'armes de 68 qui traçaient les grandes lignes des problèmes actuels , notamment la globalisation, le néolibéralisme. Les révolutionnaires d'antan ont changés de visage.

Peter Mutschke
3. Mai 2018 - 14.59

Les problemes de 1968 sonst bien comparables avec ceux d'aujourhui.Mais beaucoup de gens n'ont pas le courage d'aller
jusquau but.Il ne suffit pas de crier ho ho hochi minh.Il faut aussi vivre son idee.

C Schneider
3. Mai 2018 - 14.06

Le mouvement 68 avait pour but de résoudre les problèmes de 68 et non les nôtres d‘aujourd‘hui. Le fait de donner la faute à 68 pour les problémes actuels, tels que globalisation ou nationalisme et populisme et environnement démontre bien notre propre incapacité.

Scholnier
3. Mai 2018 - 8.31

"Sois électeur et tais toi". Au fait , à part des moeurs , 68 n'a rien changé.Au contraire une politique neo-liberaliste s'est installée.Le réarmement militaire , la politique colonialiste n'ont guère changés de visage. Nos pseudos démocraties sont gérées par des marionettes du système capitaliste , qui laisse croire le peuple de vivre en liberté . Le mouvement 68 a échoué.