Cela aurait pu rester l’histoire d’une (vraisemblable) bavure policière, suivie d’une enquête chargée d’en déterminer la réalité, les modalités et les conséquences, en amont d’un procès. Avec, pour éviter que le principal responsable supposé des actes incriminés puisse éventuellement tenter de supprimer des preuves ou de suborner des témoins, une incarcération provisoire de ce dernier; sans que cela préfigure, au moins en théorie, le jugement final dont il fera l’objet.
Mais c’est devenu un redoutable symbole, au moins depuis que le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, qui avait été dépêché à Marseille pour calmer les esprits, a au contraire paru jeter de l’huile sur le feu et déclarant, dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien: „Avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail.“ Feignant d’oublier qu’en France (ce qui vaut d’ailleurs à Paris de fréquents reproches des instances européennes) la détention provisoire s’applique de manière très fréquente aux personnes mises en cause, notamment sur la voie publique.
Ce soutien apporté à la base par sa plus haute hiérarchie, qui évoque la célèbre formule de Ledru-Rollin, une des vedettes politiques de la IIe République: „Il faut bien que je les suive, puisque je suis leur chef!“, a galvanisé les policiers de tous grades, à Marseille d’abord, mais aussi, bientôt, dans l’ensemble du Midi méditerranéen, puis dans de nombreux autres commissariats de l’Hexagone. Cependant que l’exécutif gardait un silence prudent, se bornant à rappeler, comme l’avait fait le président Macron dans son entretien télévisé de lundi, que „nul n’est au-dessus des lois“. La première ministre, Elisabeth Borne, a estimé de son côté que la justice „doit pouvoir faire son travail sereinement“; mais M. Veaux, le DGPN, semblait devoir échapper à toute sanction administrative.
La gauche dénonce l’apathie du pouvoir
De son côté, le Conseil supérieur de la magistrature fulmine contre cette remise en cause de l’autorité judiciaire. Et la Nupes, à la notable exception du Parti communiste, condamne tant cette „dérive policière“ que l’apathie du gouvernement dans cette affaire. Apathie qui reflète à l’évidence un très grand embarras devant les problématiques états d’âme d’une police qui, il est vrai, a été terriblement sollicitée ces dernières années, des Gilets jaunes aux récentes émeutes en passant par la gestion des mesures imposées par le Covid puis les manifestations contre la réforme des retraites.
Et même si les policiers se mettent actuellement en congé-maladie par milliers, et ne cachent plus leur exaspération, leurs épreuves ne sont pas près de se terminer, avec la prochaine Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques de Paris. On comprend donc que ni le chef de l’Etat, ni son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ne soient très pressés d’affronter ceux qui, sur le terrain, devront continuer à assurer vaille que vaille la sécurité publique.
Le problème étant que cette nouvelle crise risque de renforcer dans l’opinion le sentiment – exagéré sans doute, mais répandu – que décidément, en France, la puissance publique ne fonctionne plus.
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können