Dans son article intitulé „Le Löschenhaus et l’histoire du vandalisme“, publié dans le Tageblatt du 8 juin 2019, Denis Scuto se sert du sort qui a été réservé à cette ancienne villa de l’abbaye d’Echternach pour illustrer le vandalisme dont le patrimoine culturel luxembourgeois a si souvent été la victime et qui n’a pas cessé de menacer des sites et des monuments historiques dignes de la protection des communes et de l’État.
Dans le contexte des efforts qui ont été faits dans le temps pour conserver et restaurer le Löschenhaus, l’auteur mentionne aussi mon nom. En effet, en tant que président de la section d’Echternach du LSAP j’ai été à l’origine d’une lettre au collège échevinal dans laquelle le conseiller Marcel Schlechter s’inquiétait en août 1973 de la destinée du Löschenhaus dans le cadre du projet de l’aménagement du futur centre récréatif et recommandait la restauration de la villa. J’ai publié le texte de cette lettre dans mon article „Haus ohne Zukunft“, un plaidoyer en faveur du Löschenhaus publié par le Tageblatt en janvier 1974, à un moment où l’opinion publique ne se souciait encore guère du sort de la bâtisse.
En janvier 1975, le ministre des affaires culturelles Robert Krieps informait la commune qu’il envisageait de classer la maison Löschen parmi les monuments nationaux et il priait le conseil communal (dominé par l’alliance DP-CSV de l’époque) de donner son accord au classement. La réaction au niveau de la ville d’Echternach a été nulle.
À l’époque, je n’étais pas encore membre du conseil communal. J’ai été élu lors des élections communales d’octobre 1975, et lors des négociations entre le LSAP et le DP largement majoritaire, j’ai insisté qu’il fallait trouver une solution pour sauvegarder le Löschenhaus. Un premier résultat en a été que le conseil communal sortant a décidé le 21 novembre 1975 de créer une commission ad hoc: la commission de sauvegarde de la maison „Löschen“. Exigeant une décision immédiate en faveur de la sauvegarde de la bâtisse, une pure manœuvre politicienne destinée à mettre à l’épreuve le DP et le LSAP dans leur volonté de collaborer, les représentants du CSV s’étaient abstenus lors du vote. Les membres de la commission ont été nommés officiellement par le collège échevinal sortant le 22 décembre 1975. Il s’agissait de Georges Arnold (DP), président, Fernand Boden (CSV) et Jos Massard (LSAP) (membres effectifs) et de Georges Calteux, Willy Decker, Théo Leydenbach et Sepp Simon (membres cooptés). La première réunion officielle de la commission eut lieu le 8 janvier 1976. En tant qu’échevin chargé des affaires culturelles, j’y assumais désormais un rôle prédominant, bien épaulé par Georges Calteux.
En ce qui concerne le Löschenhaus, l’accord de coalition entre le DP et le LSAP signé en décembre 1975 prévoyait ce qui suit: „Die Gemeinde wird, im Rahmen des finanziell Tragbaren und der durch entsprechende Expertisen gelieferten Sicherheit, versuchen, das Löschenhaus […] an Ort und Stelle zu erhalten.“ Selon le devis de l’architecte, la restauration de la maison Löschen devait coûter de l’ordre de 35 millions de francs. La commune et le ministère des Affaires culturelles devaient y contribuer respectivement avec la somme de dix millions de francs.
À la commission de sauvegarde de dénicher des investisseurs privés pour les quinze millions manquants! Le rapport de la commission a été remis le 31 mars 1976. D’après lui, les conditions techniques et financières pour restaurer le Löschenhaus étaient remplies.
Au vu de ce rapport, le collège échevinal (Schaffner, Massard, Delleré) soumit au conseil communal dans sa séance du 30 juillet 1976 le texte suivant: „Le conseil communal propose de sauvegarder et de restaurer, éventuellement par étapes, la maison ,Loeschen‘. Le financement en devra être assuré conjointement par la commune, l’État et un apport en capital privé.“ Plusieurs conseillers demandaient de remplacer „le conseil propose“ par „le conseil décide“, une modification du texte qui fut acceptée malgré l’opposition du bourgmestre.
Lors du vote final, le nouveau texte fut voté avec sept voix pour (Massard, Delleré, Arnold et les membres de l’opposition) et quatre voix contre (Schaffner, Elsen, Thinnes ainsi que le conseiller et député socialiste Marcel Schlechter qui auparavant avait déjà affiché son opposition à une sauvegarde de la bâtisse, une approche entre-temps partagée par la majorité du comité de la section locale du LSAP). Le bourgmestre Robert Schaffner, quant à lui, perçut le vote de ses échevins comme un coup de couteau dans le dos.
La partie n’était donc pas encore gagnée! Au fil des mois, des problèmes techniques inattendus et surtout des problèmes de financement ont surgi. Et puis, le soutien politique au niveau national commençait à s’effriter, du moins en ce qui concerne le projet initial d’une restauration sur place, certains membres du gouvernement préconisant désormais une reconstruction à l’identique de la maison en dehors de la zone prochainement inondée.
Donc un déplacement horizontal au lieu du déplacement vertical de deux mètres de tous les niveaux (portes, fenêtres, planchers, plafonds et toiture) de la maison menacée par la montée des eaux du lac.
Cette alternative pour laquelle des moyens financiers supplémentaires étaient promis, fut soumise au conseil communal de la ville d’Echternach le 21 décembre 1976 et fut acceptée majoritairement, le projet initial s’étant révélé impossible à réaliser. Les deux échevins votaient pour la nouvelle proposition, cette sorte de mini Abou-Simbel qui leur apparut à l’époque comme le moindre mal et qui finalement n’était qu’un leurre!
Dans l’article cité en entrée, Denis Scuto écrit dans ce contexte: „en décembre 1976, deux échevins retournent leur veste: un échevin DP à qui on promet le poste de bourgmestre comme successeur de Schaffner et un échevin LSAP à qui on promet un poste de conseiller d’État“. Contrairement à moi, Gab Delleré décédé en décembre 2010 ne peut plus se défendre. Moi par contre, je peux garantir que l’affirmation qu’on m’aurait proposé un poste de conseiller d’État est dépourvue de tout fondement.
Un „fake news“ glissé dans un article que le Luxemburger Wort a publié la veille du vote de décembre 1976 où on pouvait lire entre autres: „In der Ferne scheint Herrn Massard ein wohldotierter Staatsratsposten zu winken; dazu bedarf er allerdings der Hilfe der DP.“
À l’origine de cette histoire de conseil d’État se trouve un fait réel qui n’était un secret pour personne. En automne 1976 un poste de conseiller d’État était vacant, et ce poste était réservé au LSAP. C’était au conseil général du parti de désigner le candidat que le parti entendait proposer pour une nomination comme membre du conseil d’État.
Un candidat qui jouissait de l’appui de la circonscription Centre et des préférences des plus hautes sphères du parti, s’était manifesté très tôt. Le comité de la circonscription Est a décidé de nommer à son tour un candidat pour qu’il y ait au moins un vote. Il proposait comme candidat son président; c’était moi à l’époque. La circonscription Sud désigna elle aussi un candidat. La réunion du conseil général du LSAP eut lieu le 29 octobre 1976.
Les trois candidats en lice étaient Georges Thorn, Arthur Goffinet et moi. Après trois tours de vote, ce fut Georges Thorn qui l’emporta. Il fut nommé conseiller d’État par le Grand-Duc le 15 décembre 1976. Donc, pour moi la question du conseil d’État ne se posait plus depuis fin octobre 1976. On se demande alors comment elle eût pu influencer mon vote du 21 décembre 1976. L’affabulation de l’auteur du Wort, s’inscrivant parfaitement dans l’atmosphère délétère créée par l’affaire Löschenhaus, relevait de l’amalgame politique de la pire espèce.
J’ai fait le point dans une tribune libre publiée le 5 janvier 1977 dans le Tageblatt: „In Echternach wurde das ebenso dumme wie infame Gerücht verbreitet, dem LSAP-Schöffen sei von DP-Seite ein Posten im Staatsrat versprochen worden, falls er für den Abbruch des Löschenhauses stimme. Einige Journalisten scheuten sich nicht, dieses Gerede zu übernehmen, trotzdem sie genau wissen, daß über eine solche Kandidatur einzig und allein der LSAP-Generalrat, der aus 66 Mitgliedern besteht, entscheiden kann.“
Que la légende de l’échevin socialiste, qui aurait tourné sa veste parce que „on“ lui aurait promu un poste au conseil d’État, soit présentée comme une vérité historique dans un article publié par un historien chevronné, généralement critique vis-à-vis de ses sources, m’a surpris. D’où ma présente mise au point concernant un détail d’un dossier complexe dont l’issue, en ce qui me concerne, a été et reste toujours douloureuse.
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