Si, en Europe, l’élection de Trump a laissé la plupart des dirigeants politiques, Bruxelles compris, bouche bée, tant ils juraient sur Hillary Clinton,
au moins un leader a sauté de joie dans le monde, après le 8 novembre: Vladimir Poutine. Lui, mis sur le ban de la communauté politique internationale, après l’annexion de la Crimée et son attitude jugée agressive face à la pro-européenne Ukraine. Lui honni par l’Occident pour son appui ouvert à Bachar al-Assad.
Jusqu’à il y a quelques jours encore, croulant sous les sanctions économiques, le chef du Kremlin regardait d’un œil inquiet l’OTAN jouer des muscles à sa porte. Une pression, mise sur lui par les Etats-Unis et l’Union européenne, ressemblant fort aux tensions de la Guerre froide.
Avec Trump, si ce dernier fera ce qu’il a dit, et tout semble indiquer que ce sera le cas, cette géopolitique-là sera chamboulée de fond en comble dans les semaines et mois à venir. Signe qu’il en sera probablement ainsi, ce coup de téléphone entre Trump et Poutine lundi dernier, où le nouveau président américain, alors qu’il n’est pas encore installé à la Maison Blanche, a annoncé la couleur.
Ce qu’il veut, c’est normaliser les relations avec la Russie. Quitte à sacrifier la Crimée. Quitte aussi à remettre en selle Bachar al-Assad. Se dessine ainsi la nouvelle règle que semblent s’imposer les deux présidents: dialoguer sur un pied d’égalité sans interférer dans les affaires de l’autre. Cela les arrange tous les deux. Ça fait grincer des dents le reste de la planète, Européens en tête.
En Syrie, cela signifie qu’il n’y a qu’un seul ennemi. Daech et, éventuellement, les autres groupes djihadistes, Al-Nosra surtout. C’est un tournant décisif. Si vraiment la coalition mise sur pieds par les Etats-Unis abondait dans les opérations militaires, dans le sens de celle de la Russie et de ses alliés, ce serait la première fois que Russes et Américains se battent vraiment côte à côte. Rendant obsolète l’idée même qui préside à l’OTAN.
Les pays européens limitrophes de la Russie – la Pologne en tête – apprécieront. Toute l’Union européenne appréciera. Elle qui, sans boussole géopolitique depuis longtemps, s’est pendant et après la Guerre froide laissé remorquer par „l’ami américain“. Elle qui, après le „baiser sur la bouche“ que ne tarderont pas à échanger Trump et Poutine, ne servira plus à grand-chose sur l’échiquier mondial.
Reste à savoir quel marchandage aura – au-delà de la volonté de désengager les Etats-Unis du trop-plein de ses actions militaires trop coûteuses de par le monde – guidé Trump vers ce dégel des relations russo-américaines. Pour y répondre, il faut peut-être diriger le regard sur l’autre dirigeant politique ayant jubilé à l’annonce de la défaite de Hillary Clinton, à savoir Benjamin Netanyahu. Dans le conflit israélo-palestinien, en effet, Trump lui a promis un soutien inconditionnel. Une carte blanche en quelque sorte.
Est-ce sur cette balance-là que sera pesé le nouveau marchandage entre Moscou et Washington? Dans le genre, toi, Poutine, tu oublies la Palestine, et moi, Trump, j’oublie la Crimée et Bachar al-Assad?
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