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De Calais à Verdun ce n’est pas loin

De Calais à Verdun  ce n’est pas loin
(Alain Rischard/editpress)

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Echauffourées riches d’enseignements à Calais, l’autre jour. „Libé“ en parle avec un détachement qui met en évidence toute la violence mentale des Pegida à l’encontre des migrants: „Ils veulent mettre des mosquées partout, je ne suis pas raciste mais on est un pays catholique, nous en chômage technique, eux les caddies pleins de tout, on...

Pourquoi maîtrisons-nous si peu ces instincts qui incitent à la destruction psychique ou physique de l’autre? Pourquoi, toujours et encore, à travers les siècles et les générations, cette fureur de dominer, de contraindre, de faire mal?

La violence revête tant d’aspects qu’elle peut tromper sur sa nature véritable. Elle pourrit la vie en couple, en famille, à l’école, au travail, à la campagne et à la ville, partout où il y a dénigrement, insulte, menace, reproche, déni, exploitation, dévalorisation, fausse plaisanterie, méchanceté, chantage, „Beschass“; il y a une infinité de variantes, subtiles ou grossières. Le résultat est toujours le même: blessures, dépressions, anxiétés, vies gâchées.

Dans la société postindustrielle et potentiellement si riche, il devrait être possible d’éliminer, ou du moins fortement réduire, la violence économique que subissent, en fait, les catégories défavorisées, comme les pauvres, les chômeurs, les bas-salaires. Or, comment ne pas constater que la politique supra-nationale („Bruxelles“!) empêche les Etats de façon systématique à remplir leur devoir de solidarité? Les diktats financiers et budgétaires qui entraînent des baisses de transferts sociaux ne sont-ils pas une forme particulièrement perfide de violence sociétale?

La violence sociale à l’européenne est d’autant plus détestable qu’elle découle en droite ligne de l’idéologie néolibérale, dont on a pourtant pu observer les méfaits en Amérique du Sud et aux Etats-Unis, leur pays d’origine. Au lieu d’encadrer les activités économiques et financières de manière à préserver l’intérêt général, les dirigeants politiques ont choisi de servir d’abord l’intérêt des grandes entreprises, aux activités globales, créées pour générer le maximum possible de profits. L’une des conséquences les plus perverses de ce choix est le sacrifice d’un tiers au moins de la jeunesse européenne, sans emploi, sans réelles perspectives.

On feint de chercher les raisons qui poussent tant d’Européens dans les filets de l’extrême-droite. Les bien-pensants conservateurs, libéraux et social-démocrates savent pourtant que les nationalismes contemporains se nourrissent de la violence sociale subie par tous ceux qui ne profitent pas des bienfaits réels ou imaginaires du système, et ils sont de plus en plus nombreux. Les nationalismes français, allemand, britannique, etc. (il faudrait en nommer 28!) vont, n’en doutons pas, finir par faire éclater l’Europe si péniblement construite sur les ruines laissées par la guerre.

Cette perspective n’effraiera pas les grands brasseurs d’affaires. Ils sont toujours gagnants, eux, comme devrait nous le rappeler le centenaire de la plus terrible bataille jamais conduite, celle de Verdun. Commencée le 21 février 1916, elle se termina le 19 décembre de la même année, après avoir fait plus de 700.000 morts „pour rien“ , sans le moindre gain territorial pour l’un ou l’autre des antagonistes.

Ces 700.000 victimes de la violence militaire étaient, en dernière analyse, aussi des victimes de la violence sociale de l’Empire et de la République poussée par des appétits industriels, financiers et colonisateurs insatiables. Qu’on y prenne garde, tant qu’il est encore temps: à force de produire des Calais, on risque d’obtenir du Verdun. Le chemin entre les cris de haine et les coups de canon est court.