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Lettre ouverte aux ministres de la Santé et de la Sécurité sociale

Lettre ouverte aux ministres de la Santé et de la Sécurité sociale

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Jean-Jacques Schonckert sur le remboursement, respectivement la tarification, des actes médicaux des médecins et des autres professions de santé relevant de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide.

Concerne: Le remboursement, respectivement la tarification, des actes médicaux des médecins et des autres professions de santé relevant de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide.

Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,

Mäi Wëllen, Mäi Wee – association pour le droit de mourir dans la dignité Lëtzebuerg est indépendante de toute étiquette politique ou confessionnelle et s’engage résolument dans la lutte pour une fin de vie en dignité.

Nous suivons avec intérêt les travaux sur le projet de loi numéro 7056 sur le «Plan hospitalier». A l’article 1er le projet de loi initial déposé le 7 septembre 2016 disposait que: «Tout établissement hospitalier veille au respect des dispositions de loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide et de loi du 16 mars 2009 relative aux soins palliatifs, à la directive anticipée et à l’accompagnement en fin de vie au sein de ses structures hospitalières.»

Dans son avis du 23 décembre 2016, le Conseil d’Etat «estime qu’il tombe dans les attributions des établissements hospitaliers de permettre la dispense d’actes médicaux relevant de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide et propose de compléter cet alinéa (Article 1er, alinéa 3) in fine par la phrase suivante: ‹Ils permettent la prestation d’actes médicaux relevant de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide.»

Aussi, «le Conseil d’Etat estime que la disposition prévoyant que ‹tout établissement hospitalier veille au respect des dispositions de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide et de la loi du 16 mars 2009 relative aux soins palliatifs, à la directive anticipée et à l’accompagnement en fin de vie au sein de ses structures hospitalières› est superflue. Il est évident que tout établissement hospitalier doit respecter les dispositions légales qui le concernent, et il n’y a dès lors pas lieu de citer certaines lois plutôt que d’autres. En effet, l’établissement hospitalier ne devrait-il pas veiller de la même façon au respect des dispositions comme celles de la loi du 24 juillet 2014 relative aux droits et obligations du patient ou de la loi du 10 décembre 2009 relative à l’hospitalisation sans leur consentement de personnes atteintes de troubles mentaux ou encore de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse? Le Conseil d’Etat insiste à voir supprimé l’alinéa en question, et renvoie à cet égard à sa proposition de texte faite à l’endroit de l’alinéa 3.»

Il ressort du procès-verbal de la réunion de la Commission de la santé du 31 janvier 2017 que «le représentant du ministère explique qu’à l’état actuel, les actes médicaux précités (relevant de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide) ne figurent pas dans la nomenclature des actes et services de la CNS. Cette phrase créerait ainsi une base légale qui permettrait à la CNS d’ajouter ces actes dans la nomenclature. (…) le représentant du ministère donne à considérer que ce ne sont pas uniquement les médecins qui sont impliqués dans l’exécution de ces actes, mais également d’autres professionnels de santé. Par conséquent, le représentant du ministère propose de se rallier en principe à la suggestion de texte du Conseil d’Etat, tout en lui conférant, par voie d’amendement, la teneur suivante: ‹Ils permettent les prestations d’actes médicaux et autres professions de santé relevant de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide.'»

Plusieurs membres de la commission estiment qu’il n’est pas approprié de faire figurer une telle référence dans le cadre du présent projet de loi, si la seule raison d’être de cette référence est l’absence actuelle d’une nomenclature pour ces actes. Il s’agirait d’une redondance. Par conséquent, il est proposé de supprimer cet ajout proposé par le Conseil d’Etat. Le représentant du ministère relève à cet égard que le Conseil d’Etat a justement proposé de supprimer la disposition prévoyant que «tout établissement hospitalier veille au respect des dispositions de loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide et de loi du 16 mars 2009 relative aux soins palliatifs, à la directive anticipée et à l’accompagnement en fin de vie au sein de ses structures hospitalières», alors qu’elle est superflue. Il précise encore que le nouvel ajout permettrait de créer une base légale justement en vue d’une future nomenclature. Un membre du groupe politique CSV se demande par conséquent s’il ne serait pas plus approprié d’adapter directement la loi du 16 mars 2009 précitée. Il est finalement retenu d’y revenir lors de la prochaine réunion.“
La Commission de la santé décida finalement le 7 février 2017 de supprimer toute référence à la loi de 2009, «alors que les autres actes ne sont pas non plus énumérés dans le cadre du projet de loi».

Critique du Conseil d’Etat

Dans l’exposé des motifs de sa lettre d’amendement la Commission de la santé précise: «Soins palliatifs: la commission, après avoir considéré le quatrième rapport de la Commission nationale de contrôle et d’évaluation de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide, considère que l’accompagnement des patients en fin de vie doit faire partie de la formation spécifique en soins palliatifs suivie par le personnel médical et soignant d’un service de soins palliatifs, et que les droits des personnes et des patients, en matière d’euthanasie et d’assistance au suicide se doit d’être respecté dans ces services.»

Finalement, suite aux amendements, on retrouve les dispositions qui intéressent le droit de mourir dans la dignité uniquement dans une Annexe 2 au projet de loi intitulée «définitions des services hospitaliers» et qui porte sur les «soins palliatifs»:
«Soins palliatifs: Un service destiné à des patients souffrant d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale et dispensant des soins actifs, continus et coordonnés, pratiqués par une équipe pluridisciplinaire dans le respect de la personne soignée, visant à couvrir l’ensemble des besoins physiques, psychiques et spirituels de la personne soignée et de son entourage et comportant le traitement de la douleur et de la souffrance psychique.

Le personnel médical et soignant du service atteste d’une formation spécifique en soins palliatifs et en accompagnement de patients en fin de vie, conformément aux dispositions prises sur base de l’article 1er, alinéa 4 de la loi du 16 mars 2009 relative aux soins palliatifs, à la directive anticipée et à l’accompagnement en fin de vie.

Le service a recours aux soins de kinésithérapie, au soutien psychologique et à l’assistance sociale, et dispose de liens fonctionnels étroits avec des services médicaux et chirurgicaux hospitaliers, ainsi qu’avec les prestataires d’aide et de soins extrahospitaliers, qui précisent les critères et les modalités de transfert des patients. Le service garantit le respect de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide, ainsi que la loi du 24 juillet 2014 relative aux droits et obligations du patient.»

Or les personnes qui ont recours à leur droit au suicide assisté conformément à la loi ne font pas nécessairement l’objet de soins palliatifs et ne sont pas non plus forcément hospitalisés dans un tel service.

En outre, dans son avis complémentaire du 26 septembre 2017 le Conseil d’Etat est encore critique en ces termes: «Le Conseil d’Etat s’interroge sur la plus-value de la disposition précisant que le service de soins palliatifs ‹garantit le respect de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide, ainsi que la loi du 24 juillet 2014 relative aux droits et obligations du patient›. Est-ce que le respect des lois ne doit pas intéresser les autres services, ou est-ce que les auteurs estiment que les services de soins palliatifs au Luxembourg soient particulièrement exposés au non-respect des dispositions légales en vigueur et qu’une nouvelle disposition légale pourra y pallier?»

Au vu de ce qui précède, notre association souhaite être informée par Madame la ministre de la Santé et à Monsieur le ministre de la Sécurité sociale sur les questions suivantes:

1. L’idée de faire figurer une référence au droit à mourir dans la dignité, dans les conditions de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide, dans la loi de planification hospitalière est-elle définitivement abandonnée?

2. Si tel est le cas, ne s’agissant ni d’un «traitement», ni «de soins préventifs ou palliatifs» n’y a-t-il pas le risque que désormais l’euthanasie, respectivement du suicide assisté ne pourra plus être pratiqué dans un «hôpital» au sens de la définition proposée à l’article 1er dans le projet de loi en sa version actuelle?

3. Le gouvernement a-t-il encore la ferme volonté politique de créer une base légale pour permettre le remboursement, respectivement la tarification, des actes médicaux des médecins et des autres professions de santé relevant de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide peu importe le lieu où ils sont accomplis?

4. Dans l’affirmative, est-il envisagé de donner cette base légale en complétant la loi de 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide? Si non, de quelle façon?

Veuillez agréer, Madame la ministre, Monsieur le ministre, l’expression de notre très haute considération.

Pour le Conseil d’administration de «Mäi Wëllen, Mäi Wee»,
Jean-Jacques Schonckert
Président