L’académicien français Jean d’Ormesson que j’admire vient de publier un délicieux petit ouvrage chez Gallimard, intitulé „Guide des égarés“. Dans un „Mode d’emploi“ préliminaire il commence par „Le titre de ce manuel de savoir-vivre à l’usage de ceux qui s’interrogent sur les mystères du monde, …“ et termine par „Les pages qui suivent constituent un essai de réponse à la question: Qu’est-ce que je fais là?“ Suivent vingt-neuf petits articles sur des sujets aussi divers que „L’étonnement“ … „La science“ … „L’eau“ … „La mort“ … „L’air“ … „La matière“ … „L’amour“ … „Dieu“.
Il y postule l’existence passée d’une explosion primordiale (big bang) dans un néant infini et éternel, créant „notre“ univers, unique, périssable, mortel car retournant un jour, lointain pour nous, au néant initial. Jean d’Ormesson est croyant/agnostique, je suis incroyant et cette différence me fait penser différemment que lui. Je me permets de développer brièvement mon idée ci-après.
L’homme, après avoir découvert que la terre n’était pas plate mais ronde, en boule, a longtemps cru qu’elle était le centre de l’univers.
Des scientifiques ont plus tard découvert que notre univers avait été généré par une explosion primordiale appelée par dérision „big bang“ par un contestataire anglophone. Nous en sommes, nous les humains avec notre invraisemblable vanité, encore maintenant, à croire qu’il n’y eut qu’une seule explosion primordiale dans le néant complet, qui est maintenant „ notre“ univers. Il y aurait cet „UNIvers“ limité avec, au-delà, du néant infini et éternel!
Un nombre sans fin
Pourtant une certaine logique devrait nous suggérer, car même de grands scientifiques en supposent la possibilité, que ce néant, bien évidemment infini et éternel, devrait être totalement occupé par un nombre sans fin d’univers, sortis peut-être tous … ou non … d’une explosion primordiale.
Ces explosions se produisant dans l’infini depuis l’éternité seraient donc à un nombre dont nous ne possédons pas de mot pour le nommer. De même pour les univers en gestation ou déjà formés ou aussi pour les univers en phase d’existence terminale! C’est d’ailleurs ainsi que le mot „MULTIvers“ a été créé. Pourquoi n’y aurait-il qu’un seul univers dans l’infini, le „nôtre“, celui de l’homme?
Ignorance vaniteuse, à l’instar de celle qui voulait que la Terre fut le centre du monde?
Il n’y aurait donc pas Création mais seulement mouvement, mutation, gravitation, forces matérielles. S’il n’y avait pas de mouvement et de gravitation, il n’y aurait pas de temps, puisque rien ne bougerait … tout serait figé depuis toujours et pour toujours. Cela n’est guère possible et il faut en conclure qu’alors il n’y aurait rien, même pas le néant si l’on peut dire, puisque le mot néant ne peut désigner que quelque chose en opposition a quelque chose d’existant.
Comme l’écrivait la grande Marguerite Yourcenar „… ce néant qui existe en n’existant pas“. Le mouvement, c’est le temps. Sans le mouvement, pas de temps, pas de matière … rien!
D’après cette intuition qui n’est bien évidemment pas du tout scientifique, ou du moins pas encore, une idée de Créateur est superflue. Il est bien évidemment toujours possible de décider qu’il existe tout de même un Esprit ordonnateur suprême, en dehors de ce monde de matière éparpillée, infini et éternel, et qui règle tout ce mouvement selon sa volonté. Dans cette éternité espace-temps, comme il n’y a plus d’échelle de grandeur, la taille de l’homme, de la Terre, de notre univers semblant infime (le mot est „faible“), n’a plus aucune importance, aucune valeur, les mots désignant les tailles de toutes choses n’ayant plus cours … une „énormité“ dans laquelle notre vanité se dilue!
Cette monodivinité spirituelle
Serait-il peut-être déjà vain de se rattacher encore aujourd’hui à cette monodivinité spirituelle, personnelle et hors du monde, adorée sous des noms divers par une grande majorité de l’humanité?
Mais cette divinité créée par des hommes largement ignorants, il y a seulement quelques millénaires deviendrait dès lors archaïque si elle ne l’est déjà.
Pour tous ceux qui auraient encore le besoin de se rattacher spirituellement à quelque chose au-delà d’eux-mêmes, avec des rites et des cérémonies spectaculaires, il pourrait y avoir la „divinité Mouvement“ non spirituelle mais également non matérielle, le Mouvement dont l’existence est bien réelle puisque nous en avons les effets matériels constamment sous les yeux.
Hélas, cela pourrait créer de nouvelles sectes avec éventuellement, comme d’habitude, des clergés cupides d’influence, de domination, de pouvoir et d’argent.
Espérons que l’humanité croîtra, non seulement en nombre d’individus, ce qui est, actuellement, le plus pressant danger qui pèse sur elle, mais en intelligence et en clairvoyance.
L’humanité depuis son début, il y a des milliers de siècles, a constamment crû en nombre mais aussi en clairvoyance.
Espérons que cette dernière trouvera le moyen de la mener au cours des siècles futurs vers des concepts à révérer, basés sur la réalité et le respect du monde et des êtres, et l’éloignera de ces concepts basés sur de l’imaginaire auxquels l’homme s’est tenu depuis qu’il est homme. Concepts imaginaires qui l’ont fortement soutenu dans sa marche vers l’état d’homme, parsemant toutefois sa route de millions de morts et de beaucoup de douleur.
Charles Munchen
Bravo Mr. Munchen,
bien de vous lire de temps à autre. La croissance en intelligence pour remédier à la croissance en nombre,
c'est là, en effet, un voeu peu catholique mais pour autant plus réel et urgent.
Bravo.
Jak