Cela s’est passé dernièrement à la fin d’une table ronde à RTL, qui réunissait diverses personnes. Sujet: le statut de la langue luxembourgeoise. Excellente émission ce jour-là, avec la participation d’un représentant de l’ADR, vice-président du parti, excusez du peu, co-auteur avec le président du même parti d’un livre au titre luxembourgeois „Mir gi Lëtzebuerg net op“, décrivant apparemment ce qu’ils appellent le naufrage de la nation luxembourgeoise (ou le naufrage de l’ADR?) avec un vibrant plaidoyer pour imposer la langue luxembourgeoise à tout être humain (les animaux ne sont donc pas encore concernés) qui met le pied sur le territoire national pour y vivre ou pour y travailler. Eric Zemmour, le tristement célèbre candidat nationaliste d’extrême droite aux présidentielles, chantre de la „France aux Français“, condamné pour racisme avéré et autres délits d’opinion, misogyne et idole des deux auteurs cités plus haut, aurait apprécié. Idem Marine Le Pen. Sans parler de l’auteur français Michel Houellebecq, phare de la pensée réactionnaire française, fervent supporter du soi-disant grand remplacement, c.-à-d. du spectre du remplacement des Blancs par les Noirs, des catholiques par les musulmans, donc un islamophobe en chef, de la perte de l’identité des Français menacés par les musulmans, l’appel au „suprémacisme blanc“, la seule chance des Blancs de se prémunir des hordes qui envahissent la France, voire l’Europe. Clap de fin.
La langue comme mur ou comme ticket d’entrée?
Voilà donc deux énergumènes au passeport luxembourgeois et aux épouses qui ne l’étaient pas, qui veulent plonger notre pays dans les ténèbres en imposant la langue luxembourgeoise à toute personne qui ose venir travailler ou habiter au Luxembourg, qui aimeraient (re)construire une forteresse autour du Luxembourg pour empêcher tout intrus potentiel ne maîtrisant pas notre langue, de poser le pied sur notre paradis terrestre.
Certes, il existe dans tout paysage politique un espace pour le nationalisme, le chauvinisme, le dédain de l’autre, aux relents racistes, surtout si cet autre n’est pas (encore?) luxembourgeois. Après la fumisterie des 5/6, plus d’actualité entretemps, exploité jusqu’à la dernière goutte, il ne restait plus qu’un créneau libre pour se positionner sur le spectre politique luxembourgeois et continuer une activité politique, exister quoi, certes au ras des pâquerettes, un espace à la droite extrême qu’il fallait donc occuper. Les 5/6 ont donc été remplacés par des positions identitaires les plus diverses. Le paysage politique luxembourgeois avait horreur du vide à la droite extrême qui ne demandait qu’à être comblé.
Voilà qui est fait depuis que l’ADR, à la recherche d’un programme lui permettant de continuer à exister et à survivre, à la Chambre ou à RTL, a décidé de s’y engouffrer. L’ancien et premier président du mouvement 5/6, venu des milieux de la droite conservatrice et paysanne, pas raciste, catholique pratiquant, populiste certes, doit s’arracher les quelques cheveux qui lui restent en constatant tous les jours la dérive de plus en plus droitière de „son“ bébé.
L’espace qui s’offrait à ce parti était donc du pain béni pour continuer à exister. Encore fallait-il un leitmotiv, une rengaine, une antienne, un thème plus preneur. Il est vrai qu’un programme ouvertement raciste ou anti-étrangers est difficilement accepté au Luxembourg, la réalité économique et le besoin de main d’œuvre étrangère pour la faire tourner y sont pour quelque chose, mieux vaut donc insinuer, sous-entendre, le faire indirectement, attaquer à fleurets mouchetés, noyer ses ressentiments dans une langue plus lisse, plus diplomatique. Et voilà que, suite au tristement célèbre référendum de 2015, pour durer et pour se régénérer, l’ADR a fait les poubelles et a réussi (ou ne s’est pas gêné) au mercato qui suivait cette consultation populaire, de faire signer comme nouveaux membres plusieurs fonctionnaires et universitaires, frustrés, de la Fonction publique. Cela est doublement intéressant vu que pendant plusieurs décennies l’ADN de l’ADR consistait à vouloir attirer surtout les électeurs du secteur privé ou tout simplement populaires, tout en attisant en permanence toutes formes de ressentiments contre la Fonction publique et ses „nantis“. Rien de mieux en politique que de désigner un bouc émissaire, ou une catégorie de personnes, responsables de tous les maux.
Une fois la grande réforme des retraites effectuée, „que faire?“ était la question que les responsables de cet agglomérat politique se sont posée. Il fallait procéder rapidement à un aggiornamento pour continuer à durer, car la soupe était bonne.
On a d’abord recyclé un des animateurs de la campagne du non au référendum précité, un fonctionnaire de l’Etat, en quête de notoriété, habitué entretemps aux projecteurs de la télé, un jeune qui était déjà vieux à vingt ans, un vrai bonimenteur. Et puis on a récupéré un ancien diplomate, président de l’Association des hommes battus au Luxembourg (sic), un vrai frustré, beau parleur, qui a la tchatche, le bagou volubile, qui préfère répondre aux questions qu’il pose lui-même et qui, comme la plupart des diplomates, sait parler des heures et des heures sans rien dire. Pour compléter le trio, on a recyclé un avocat affairiste en perte de repères, à la dérive, au GPS perturbé ou hors fonctionnement, frustré de ses échecs politiques répétitifs dans d’autres partis, à la recherche permanente de gloire, fût-elle éphémère, et de liquide, fût-ce du black, le Picsou de notre paysage politique, champion de l’opportunisme politique, entretemps condamné par la justice.
Aux anciens, les fondateurs du parti, on a indiqué gentiment la porte de sortie.
Un vrai hold up!
Il manquait quand même un élément fédérateur à cette équipe de branquignols et, suite à un rêve non accompli, quelqu’un leur a soufflé l’idée de faire de la défense de la langue luxembourgeoise leur nouveau totem, leur véritable croisade. Au vestiaire les défenseurs émérites de la langue luxembourgeoise qui, pendant des années, se sont essoufflés à redonner un nouveau souffle à notre langue, avec leurs méthodes à l’ancienne, certes, avec un engagement un peu scout, mais tellement pur et idéaliste, et, surtout, efficace. En un tour de main, les nouveaux mousquetaires, pleins d’arrière-pensées, en ont fait une arme politique, laissant les anciens, cités plus haut, au bord de la route. Pour une fois les papys n’ont pas fait de la résistance (cf. le bouquin presque éponyme)! Avec cette dynamite politique, on peut faire un joli cocktail explosif, nonobstant qu’on ne s’est jamais intéressé, ni de près ni de loin, au créneau de la langue luxembourgeoise qui, finalement, promettait tout simplement, sur le plan politique, d’être porteur rapidement. A cela on a ajouté, pour capter des votes, les déçus de la construction européenne en jonglant et en gesticulant avec le concept d’une Europe des nations, concept qui sonne bien à l’oreille, mais dont on attend toujours une définition claire et précise que même Marine Le Pen a été incapable de fournir jusqu’à présent. Un contenant sans aucun contenu. „Een eidelt Faass“.
La langue luxembourgeoise, rien que la langue luxembourgeoise, toujours la langue luxembourgeoise, voilà la rengaine, la bouée de sauvetage trouvée. Très bien. 1-0. Balle au centre!
Les masques sont tombés!
Tout allait si bien dans le meilleur des mondes pour nos mousquetaires, mais voilà que deux péripéties récentes viennent de jeter une ombre sur leurs agissements. Il y eut d’abord l’intervention du vice-président de l’ADR à la table ronde de RTL, évoquée au début de ce papier, et le commentaire ad hoc d’un historien luxembourgeois, mon ancien adversaire au foot il y a longtemps (clin d’œil!), publié par la suite à la radio 100,7. Tout de go, son éminence de l’ADR a affirmé à la télé que la langue luxembourgeoise et le Luxembourg auraient plus de 1.500 ans d’existence. L’historien, à juste titre, était scandalisé. Ignorance, mauvaise volonté, lapsus, contre-vérité, tricherie, les compliments pleuvaient. En tout cas faute grave, inexactitude historique, fake news. Comment un agitateur politique qui met la défense de la langue luxembourgeoise au fronton de son parti, qui s’en revendique jour et nuit, ignore-t-il, qu’il y a 1.500 ans, il n’existait ni une langue luxembourgeoise ni un pays appelé Luxembourg? Il s’agit non seulement d’une faute grave, mais d’un crime politique, d’une falsification de l’histoire, à partir du moment où cette langue est le vecteur essentiel de la démarche politique de ce parti. Et ce ne fut pas un militant lambda à qui on aurait pu pardonner, mais un cadre éminent du parti qui s’est ainsi mis à nu. Pas beau à voir!
On aurait pu ajouter d’autres incongruités débitées par cet énergumène, notamment ses déclarations nulles et fausses au sujet du statut de la langue française au Luxembourg, mais ce sera pour une autre fois. Sans parler de son idée d’utiliser la langue anglaise pour alphabétiser tous les petits écoliers au Luxembourg.
1-1. Balle au centre.
La parole est au bouffon …
Mais il y a plus. Occupons-nous plutôt de la cerise sur le gâteau, véritable bouffonnerie, qui a confirmé beaucoup de choses malsaines et mis sur la table la véritable motivation de ces mousquetaires. La péripétie est un peu passée entre les gouttes, mais elle est savoureuse et mérite d’être racontée. Allons-y!
A la fin de l’émission, l’animatrice de RTL, un peu tard, beaucoup de téléspectateurs avaient déjà rejoint leur plumard, mais pleine de finesse et de lucidité, porte le sujet sur la publication, co-éditée par le président de l’ADR et par son vice-président présent sur le plateau, évoquée plus haut et intitulée „Mir gi Lëtzebuerg net op!“.
Même si l’émission était arrivée pratiquement à son terme, en fait elle aurait dû commencer ici. La question est la suivante: pourquoi des personnes qui livrent une guerre acharnée et intégriste pour la défense de la langue luxembourgeoise, qui prônent directement ou indirectement, explicitement ou implicitement, la thèse du grand remplacement, qui aiment surfer sur toute vague ou vaguelette nationaliste, pourquoi ces soi-disant auteurs, dans un livre, au titre luxembourgeois, donc avec un contenant luxembourgeois, utilisent-ils, au niveau du contenu du livre, la langue allemande? Oui, vous avez bien lu, sinon relisez! On est vraiment dans le foutage de gueule intégral. On se moque, on s’en bat les couilles, on se fout du public et des lecteurs, réels ou potentiels, sans parler des électeurs. Incontestablement il s’agit de la blague politique de l’année et ça mérite incontestablement l’Oscar de la plus grande bouffonnerie!
Ce simple fait aurait dû suffire ou bien à sortir un carton rouge, ou bien à lancer enfin le véritable débat de l’émission avec l’intitulé qui suit. „La langue luxembourgeoise: outil, jouet ou arme politique?“
En luxembourgeois il existe une belle expression, un peu vulgaire, certes: „Veraaasch mech net!“ Voilà le sentiment que beaucoup de téléspectateurs ont dû éprouver à ce moment-là.
Prêcher de l’eau et boire du vin, vous connaissez certainement.
Le simple fait évoqué et mis à nu par la journaliste, nous enseigne et nous renseigne plus que tous les programmes et discours de l’ADR réunis.
Dans ce parti on se fout royalement de la langue luxembourgeoise, cette dernière est simplement un faire-valoir, un cache-sexe, une arme politique majeure comme une autre, qui fait croire ou miroiter une chose alors qu’en vérité une autre chose est visée. Cela ressemble au cheval de Troie dans l’Odyssée, chère à Homère.
Cela s’appelle tromperie sur la marchandise, passible d’une peine d’emprisonnement et d’une forte amende. Cela s’appelle également bluff, imposture, supercherie, double langage, bouffonnerie.
Détestable! Beurk!
1-2. Fin du match.
CQFD!
@marionmj,
" hätt eis Sprooch guer kee Wert méi." Oder sou.... Egal. Bravo Här Kollwelter. ADR ---Reding,Kartheiser,Keup. Mon dieu.
wat fir en Haass op eng Partei . Et muss een nit mat hinnen a villem nit d'accord sin wat se ausdrécken. Awer ouni sie géif eis Sprooch guer kee Wert méi hun.
„Veraaasch mech net!“ ce qui se traduit en allemand par " Verarsch mich nicht." Reconnaissons nous une ressemblance? Prenez n'importe quelle autre phrase "luxembourgeoise" et vous trouverez le même résultat. " D'ADR ass eng Partei di kee Mënsch brauch" p.exple. Alors langue ou dialecte allemand/français? Ne nous prenons pas trop au sérieux Mr Kartheiser.
Schreiwt mol Lëtzebuergesch, ze Lëtzebuerg, an lëtz. Zeitung, fir normal Lëtzebuerger, w.e.g.! Moi pas comprendre...