L’année 2021 sera décisive à bien des égards, pour de nombreux citoyens, entrepreneurs, indépendants, salariés, étudiants, responsables politiques … Des décisions difficiles et complexes, et donc courageuses, sont de mises quant à la vie en société que ce soit aux niveaux de la santé, l’éducation, l’économie, les finances publiques, la culture, le sport, la gouvernance publique, et j’en passe.
Le thème central à la base du processus décisionnel en 2021 concerne sans doute la vaccination généralisée, le seul moyen pour vaincre la pandémie et pour retourner, espérons-le, à une vie économique et sociale davantage „normale“. Or, la stratégie de vaccination permettra-t-elle réellement d’assurer un retour vers le „new normal“ et la reprise de l’économie? Rappelons que l’activité économique n’est rien d’autre qu’une agrégation d’interactions de confiance et sans contraintes entre des milliers de personnes: plus ces interactions sont contraignantes et „distantes“, plus est-il difficile de les concevoir sereinement.
Quel scénario de reprise?
Beaucoup de lettres de l’alphabet sont utilisées pour parler des possibles scénarios de reprise de l’économie, plus ou moins optimistes: V, c’est-à-dire un choc brutal, mais une reprise de la même ampleur; W, pour caractériser des chocs multiples; L, pour un choc suivi d’une longue période de basse conjoncture, etc. L’imagination étant sans limite, certains économistes illustrent la reprise avec un „logo Nike“, c’est-à-dire qu’après avoir plongé, l’activité redémarrera progressivement, permettant au PIB de retrouver son niveau d’avant-crise après deux à trois ans maximum. Mais avec les confinements et mesures de restrictions d’activité qui se succèdent, c’est une „évolution en K“ qui décrit parfaitement la situation actuelle et les perspectives à moyen terme, marquées par une évolution très inégale entre les différents secteurs, mais également au sein même de ces derniers.
En attendant une immunité plus vaste de la population à travers une vaccination généralisée, qui prendra davantage de temps qu’initialement espéré, il est fort probable que les prochains mois seront encore marqués par des nouveaux confinements, déconfinements et re-confinements, soit par une évolution volatile, en dents de scie, de la vie économique et sociale, en fonction de l’évolution du nombre d’infections et du taux d’occupation des structures hospitalières.
Accompagner les secteurs fragilisés à travers la crise jusqu’à la fin de la pandémie
Si Schumpeter nous parlait de „destruction créatrice“, c’est-à-dire de la disparation d’entreprises (voire de branches entières) au profit de la création de nouvelles comme d’un mouvement naturel et profitable pour l’économie et la société dans son ensemble, ce n’est pas une approche souhaitée et souhaitable dans ce cas précis de crise économique émanant d’une crise sanitaire globale. Car certaines (jeunes) entreprises (innovantes), en bonne santé et en pleine phase de croissance et de développement avant 2020 sont touchées de plein fouet. Laisser disparaître cette substance économique – avec l’emploi, la capacité d’investissement, d’innovation et de contribution aux recettes fiscales et de sécurité sociale qui vont avec – ne ferait que ralentir la reprise et l’amputer de dynamique. Schumpeter avait prévu une disparation „naturelle“ d’entreprises et de branches, mais non pas un virus qui s’attaque à des assises parfaitement saines et encore „up to date“. Sachant que la croissance qui manque à l’appel sur les deux ans 2020 et 2021 – estimée autour de 5% – ne pourra pas être rattrapée en quelques mois, il convient de mettre toutes les chances du côté du potentiel de croissance, en conservant un tissu économique attractif, compétitif et diversifié.
Il faut donc mettre en œuvre des aides supplémentaires aux entreprises les plus touchées, jusqu’à la fin de la pandémie.
Résilience, productivité et confiance: les autres maîtres mots de 2021
Au final, le coût global pour la société de l’arsenal d’aides aux entreprises et aux salariés (pour ce qui est du chômage partiel) est largement inférieur au coût sociétal que la disparition de larges pans de notre économie et des emplois et recettes fiscales afférents engendrerait. Des finances publiques plus saines que dans la plupart des autres Etats membres de la zone euro permettent au Grand-Duché de déployer lors de cette crise une politique budgétaire anti-cyclique, marquée par une approche volontariste en matière de dépenses d’investissements publiques et d’allocations d’aides aux entreprises et aux ménages. Toujours est-il que l’impact de la crise sur les finances publiques est considérable.
Cette politique keynésienne peut contribuer à créer les conditions de base d’un environnement résilient, compétitif et „pro-business“ soutenant les entreprises à retrouver leur potentiel de croissance pré-crise et permettant à l’économie de réussir une relance durable.
Quel aura été l’impact de la crise sur la productivité? Si nous pouvons parler d’un saut technologique rapide et marqué au niveau de l’organisation du travail via la digitalisation et le développement du télétravail, le lien entre ce dernier et la productivité reste incertain. Il est difficile d’affirmer que le télétravail aura un impact positif dans ce domaine, au vu surtout des effets négatifs découlant des barrières prolongées aux contacts sociaux, aux relations humaines, à la créativité, etc. Par ailleurs, d’autres facteurs sont davantage inquiétants quant à l’évolution de la productivité: sous-formation des salariés durant la période covid, impact de la formation à distance sur les élèves, étudiants et universitaires, hausse des inégalités, risque d’un sous-investissement chronique des entreprises, retards quant au déploiement de nouvelles innovations technologiques, etc. La productivité risque donc être le prochain „patient“ de nos économies.
Les stratégies de vaccination: de nombreuses décisions à prendre rapidement
Si les problèmes d’approvisionnement de vaccins au niveau européen semblent en passe de se régler tout (trop?) doucement, reste la question de l’obligation de vaccination, qui existe par exemple pour pouvoir voyager dans certains pays (par ex. vaccin contre la fièvre jaune dans certains pays africains, …). Ici, plusieurs écoles semblent s’affronter: obligation de disposer d’un passeport de vaccination à jour, obligation d’être vacciné pour bénéficier de certains accès, prestations, services, vaccination facultative fondée sur l’espoir que le taux d’immunisation de la population sera atteint rapidement, etc. Le Luxembourg, comme de nombreux autres pays européens, semble se ranger dans cette dernière catégorie.
Au niveau micro-économique, de nombreuses questions se posent en matière de droit du travail, d’organisation du travail, d’établissement de nouveaux plans d’affaires, d’ajustements de stratégies de marketing, etc. Quelles solutions les entreprises souhaitent-elles adopter par rapport à leurs clients, à leurs salariés, à leurs fournisseurs et autres stakeholders? Les compagnies aériennes, les entreprises des secteurs horeca et de l’événementiel, les agents de voyage etc. pourront ou voudront-ils réserver certains services ou prestations aux clients vaccinés? Des entrepreneurs et indépendants d’autres secteurs seront-ils amenés à lancer de nouveaux concepts et business plans, privilégiant les personnes vaccinées ou privilégiant justement une solution flexible, adaptée à chaque cas de figure?
Ces questions sont délicates d’un point de vue éthique, humain et sociétal, mais également d’un point de vue économique, avec des considérations sous-jacentes de rentabilité, de marketing et de stratégie commerciale, susceptibles d’engendrer des discussions polarisantes et des débats animés, sur les réseaux sociaux et ailleurs. Elles nécessitent des décisions bien réfléchies, courageuses et rapides.
Des analyses factuelles et scientifiques, et des considérations équilibrées et pondérées, prenant en compte les aspects de santé tant humaine qu’économique doivent guider les prises de décisions des responsables. Les décisions doivent être expliquées de manière pédagogique et claire aux citoyens, à travers des processus de communication et de sensibilisation cohérents et transparents.
L’année 2021 sera donc décisive à plus d’un titre, mais également l’année des décisions, parfois difficiles des décideurs économiques et politiques. Il faut espérer que les débats conduisant à ces décisions puissent être menés sereinement, sans polarisations et sans polémique excessives.
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