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Faux semblants

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Des boucs et peu d’émissaires

Erdogan déraille et avec lui ses ministres suiveurs. Le pouvoir grise ceux qui y goûtent et leur fait perdre en premier le bon sens.

Si le président turc s’acharne, s’il devient peu à peu un dictateur sans limites, c’est qu’il a peur. Conscient de ne plus vraiment contrôler la situation, conscient qu’en dépit des brimades, des emprisonnements sommaires, des vrais faux putschs et attentats, le désamour de son peuple va croissant. Il n’a pas obtenu aux dernières élections la majorité toute! Et il ne l’aura pas aux réélections prévues et dont la date demeure incertaine, ladite sécurité ambiante servant de prétexte. Le référendum ne sera jouable que si la diaspora turque le soutient. D’où ces allers-retours de ses ministres pour des meetings de matraquage en Europe.

Une situation dramatique, rendue possible par la faiblesse des Européens et des Américains. Lâcheté en Syrie d’abord où la France n’a pas été suivie aux débuts du drame, lâcheté en se servant d’Erdogan pour bombarder en faisant semblant d’ignorer que la Russie fait le vrai travail contre Daech et que le président turc profite pour massacrer une fois encore les populations kurdes de Syrie.

Certes, la Turquie redoute plus que tout la création d’un Etat kurde. Elle y perdrait l’Anatolie, son berceau, et une part considérable de sa population. Mieux vaut donc des Kurdes répartis sur quatre Etats (Turquie, Irak, Iran et Syrie). Un Etat kurde de 35 millions d’habitants, voilà qui changerait complètement la donne géostratégique et dès lors géoéconomique (champs de pétrole …).

L’honnêteté exige de dire qu’Erdogan est le seul à préserver l’Europe de l’arrivée de 3 millions de réfugiés supplémentaires et l’UE, quant à elle, règle sa facture au compte-gouttes.

Il n’empêche que cela ne l’autorise en rien de faire du chantage en menaçant d’annuler l’accord à défaut de chèque en blanc pour sa politique. Obama n’a rien vu venir et Cameron l’a évidemment suivi. Preuve s’il en fallait que l’OTAN est un tuyau vétuste, voire dangereux. Cela au moins, Trump l’a compris.

Il est vrai que l’UE pourrait être infiniment plus cohérente, plus exigeante, plus proactive à l’égard d’un Erdogan qui se rêve à la tête d’un nouvel empire ottoman (ce qui, précisons-le, n’est aucunement le souhait de la majorité du peuple turc), si cette Europe se souvenait de ses valeurs profondes. Au premier chef celle des Droits de tous les Hommes à la protection contre la guerre, la répression, la famine.

Oui, l’immigration a des conséquences.
Oui, elle a des contraintes.
Oui, il n’est pas à exclure que l’une ou l’autre pourriture fasse partie du lot des arrivants.

Mais l’humanisme, notre seule dignité, a un prix.

Seulement voilà, les démocraties européennes, voire occidentales sont fatiguées, usées et dès lors démunies face aux despotismes et aux dictateurs. Le temps est davantage aux jérémiades qu’à la volonté de rupture totale avec des modèles et des modes de pensée dépassés.

Trop nombreux sont ceux pour qui la bien-pensance est devenue une source de revenu, une psychorigidité de façade et une source d’aveuglement qui fait d’eux les casseurs d’une Europe ayant besoin d’allant et non pas de désincitation, par exemple du travail.

Mais comment se battre quand on est affaibli, comment être crédible, comment être considéré pour sa cohérence?
Quand une heure supplémentaire devient le nombril du monde alors que 11 millions de Syriens sont déplacés, peut-on éviter la décadence de l’Occident? Et croire qu’un tel Occident stopperait „l’Oriental“ Erdogan ou d’autres?
La réponse est non. Sans la moindre hésitation.