Un Donald Trump exhibant à tout bout de champ, pour n’importe quelle broutille, ses signatures sur des actes présidentiels, ça fait rire, mais au moins, ce n’est pas dangereux. C’est que, pendant les 100 premiers jours, il faut donner l’impression que ça bouge et qu’à la Maison Blanche on ne reste pas les bras croisés. Le croira qui veut.
Mais lorsque ce même Trump se met à arpenter le monde où il n’est pas seul à vouloir épater la galerie, il faut commencer à tirer des sonnettes d’alarme. Surtout quand il va jeter de l’huile sur le feu, là où l’incendie a déjà fait et fait encore rage.
Au Moyen-Orient, par exemple. A Washington tout le monde sait que l’Arabie saoudite est un ami peu recommandable, à qui on ne peut certes pas ne pas serrer la main, ne serait-ce que parce qu’elle fait la pluie et le beau temps pétrolier. Mais livrer pour plus de cent milliards d’armement à cette monarchie absolue qui compte, du point de vue de l’islamisme, parmi les plus intolérantes et qui est embourbée dans une guerre au Yémen, après avoir écrasé le Printemps arabe au Bahreïn, relève de l’inconscience stratégique.
Surtout qu’au même moment, les Iraniens s’efforcent à plus d’ouverture et ne méritent pas d’être jetés dans le même sac, ou pire, que le terrorisme qui émane de Daech et qui, en bonne partie doit, du moins à ses débuts, tout comme Al-Qaïda d’ailleurs, son salut au soutien saoudien. A-t-on déjà oublié que les kamikazes qui ont écrasé les avions contre les tours de Manhattan, en 2001, provenaient, tout comme Ben Laden, en grande partie du royaume wahhabite?
Surtout aussi qu’en Syrie, le coup de main américain aux Saoudiens risque de semer la pagaille. Cela à un moment où l’Etat islamique est enfin en difficulté, justement parce que tout le monde, ou presque, s’accorde enfin à dire que d’abord il faut en finir avec Daech avant de régler les autres problèmes.
Torpiller ce consensus-là en en désignant l’Iran comme la menace numéro un dans la région, c’est une autre paire de manche que les gesticulations devant une caméra pour exhorter les entreprises américaines à acheter américain. En Syrie il y va d’un front de guerre où, si la situation venait à déraper, non seulement toute la région s’embraserait, mais bien au-delà.
Dans l’entourage de Trump on a du mal à justifier l’injustifiable, mais on fait le dos rond. Et chaque fois que le président américain fait une déclaration internationale, on retient son souffle. Ça a été le cas en Israël, mais aussi à Bruxelles au mini-sommet de l’OTAN ou à Taormina lors de la rencontre du G7. Partout on essaie d’arrondir les angles après le passage de l’hôte de la Maison Blanche.
Or, que ce soit dans le conflit israélo-palestinien ou la défense transatlantique, il s’agit chaque fois de questions qui n’impliquent pas la seule Amérique. Il en va de même pour l’accord international sur le climat. On comprend alors mal pourquoi les dirigeants européens, pour ne citer qu’eux, ne rappellent pas à l’ordre cet allié encombrant qui, cerise sur le gâteau, en va jusqu’à monnayer les alliances avec le Vieux continent.
L’heure n’est-elle pas venue, à Paris, Berlin, Rome, et pourquoi pas à Londres, de se démarquer d’un pyromane semant une pagaille planétaire? Ne faudrait-il alors pas saisir l’isolement mondial dans lequel Trump plonge les Etats-Unis pour s’émanciper enfin de cette tutelle encombrante qui date d’un temps révolu?
Et, ce faisant, redessiner une géostratégie européenne indépendante des humeurs d’un mégalomane marchant à coups de pas d’éléphant sur la porcelaine cassée du monde?
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