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Dans la nature des choses

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Si le but ultime de la vie humaine est „l’atteinte du bonheur et la diminution de la souffrance“ (Epicure, Lucrèce), l’un des moyens pour y parvenir en société est la Révolution. Elle porte mille visages et prend autant de formes; elle peut être spontanée ou orchestrée.

L’auteur de ces lignes a vécu 68: pas de carnages, peu de sang même, mais quel choc pour les mentalités sclérosées, quel vent de liberté(s) levé par les émeutes naïves des étudiants parisiens! – Non, n’ouvrons pas la discussion sur les „bilans“ sociétaux, économiques, culturels de l’événement. Les sociologues et les historiens n’ont pas encore terminé l’autopsie, mais au témoin, au participant, il apparaît clairement que c’était dans la nature des choses. Nulle personne, pas même (ou surtout) de Gaulle, n’aurait pu l’empêcher, cela couvait depuis longtemps, depuis que l’absence de bonheur et la présence de la souffrance dans le monde et sur le pas de porte étaient visibles, incontournables.

Toute révolution se fait pour plus d’égalité (devant la loi), plus de liberté (pour être soi) et plus de fraternité (entre les gens). Ces trois objectifs cardinaux, proclamés par la Révolution française, résument à eux seuls les rêves de l’être humain quand il se veut bon. Tous les révolutionnaires de tous les temps, même les plus sanguinaires, aspiraient à la bonté et à la justice. Comment tant de révolutions ont-elles pu produire, à la fin des comptes, des systèmes politiques ouverts aux abus des puissants et des nantis?

Presque tous les Etats modernes sont nés d’une ou de plusieurs révolutions. Les USA, l’ancienne URSS, l’Italie, la France, la Chine et l’Inde, la Corée du Nord, toute l’Amérique latine, toute l’Afrique, tout l’est européen. – Le Luxembourg, lui, fait partie des rares pays indépendants qui n’ont jamais connu la guerre civile, les barricades, l’immense douleur semée par les combats et leurs cousins, les règlements de comptes.

Chez nous, la révolution est discrète, rampante. Elle n’a pas la prétention de renverser le „système“ économico-politique (dont les Luxembourgeois s’accommodent fort bien) mais de changer la donne dans le domaine sociétal. Jusqu’aux années 70 du siècle dernier, le Grand-Duché archi-conservateur restait à la traîne pour la modernisation des lois qui se réfèrent à l’éthique et la morale, le catholicisme romain pesant comme une chape de plomb sur la vie courante. Le processus d’émancipation et d’affranchissement a pris de la vitesse non pas avec, mais après 68: retard oublié, et sans importance aujourd’hui.

Aujourd’hui, la révolution luxembourgeoise à faire et à réussir est de comprendre l’arrivée des „étrangers“ (qui sont des Européens à 90%) comme une chance extraordinaire. En effet, sans les nombreux apports professionnels et culturels des immigrés et des frontaliers, apports qui renforcent et qui dynamisent le pays, ce dernier chuterait au rang d’une quelconque province périphérique de la grande Allemagne, deviendrait un Gau sans en porter le nom, vibrerait avec le foot, la bière, les chants et les prières du puissant voisin.

L’intégration de l’autre, le partage avec lui de la nouvelle identité nationale, celle qui naîtra comme naissent les choses dans la nature, sera la plus belle des révolutions contemporaines en Europe. N’en doutons pas!

Alvin Sold
12. Oktober 2017 - 22.21

Jusqu'en 1918, le Luxembourg "indépendant" était intégré économiquement à l'Allemagne, via union douanière (Zollverein). Puis, dès 1919, la Belgique le considérait comme une province récupérée, via union union économique et monétaire. C'est au sein de l'Union européenne qu'il jouit maintenant d'une certaine autonomie, mais cette-dernière s'estomperait vite si l'économie nationale et les finances publiques étaient mal gérées. Il s'ensuit que que "nous" sommes condamnés à une double croissance, celle du PIB, et celle démographique. Les historiens du 22ième siècle diront à leurs lecteurs comment les Luxembourgeois devenus minorité numérique se seront intégrés, en l'influençant grandement,, dans une vaste population essentiellement européenne.

Marius
12. Oktober 2017 - 20.09

Au 21 siècle, au temps de la globalisation mondiale et la gestion continuée de la crise économique néolibéral, j’estime pour ma part, que l’on peut très bien vivre au microcosme luxembourgeois, cosmopolite et multilingue. Le taux de la population non-luxembourgeoise se chiffre au-delà des 50 pourcents, tendance à la hausse, en plus des 200.000 résidents, sans passeport luxembourgeois, et des 180.000 frontaliers. Tous ces gens détiennent une part essentielle au niveau de vie actuel. La nationalité de nos concitoyens ne doit pas jouer un rôle significatif dans tout cela, car un jour ils seront tous des Luxembourgeois. Monsieur Sold précise bien dans son article d’opinion que le Luxembourg chuterait au rang d’une province allemande, appelons-le, un « Bundesland Luxemburg ». Ce ne serait sans aucun doute au gout de la majorité et je lui donne tout à fait raison pour son opinion pragmatique. Nul ne se doute du fait, que nous avons tous une chance extraordinaire de faire survivre le « petit Grand-Duché » encore pour une durée indéterminée, si nos grands voisins se montrent bienveillant à notre encontre et si notre situation économique reste stable.

Thierry
12. Oktober 2017 - 17.51

J'aime bien le commentaire de Marius. S'il pouvait seulement me dire "ce que nous sommes" pour que je sache ce que je dois faire, moi, pour que "nous" le restions ...

Lucidissima
12. Oktober 2017 - 13.31

L'intégration est un processus lent, qui veut que tous les concernés bougent. Mär Lëtzebuerger och.

Jeannot
12. Oktober 2017 - 12.55

Bien écrit. Mais je doute que les Luxembourgeois soient prêts à faire cette révolution-là. Ils von plutôt essayer de mettre la marche arrière.

Marius
12. Oktober 2017 - 12.25

C’est vrai, depuis la nuit des temps, les humains de tout bord ont tenté de trouver des réponses à leurs aspirations. On peut facilement imaginer que chez beaucoup d’individus, la déception a dû être au rendez-vous. Le bonheur est-il un état empirique soumis aux changements imprévisibles, ou bien seulement un état agréable de l’esprit et du corps? Une notion difficile à déterminer, n’est-ce pas. Je me rallie plus tôt à la formule de Socrate qui pensa qu’une vie sans plaisir ne valait pas la peine d’être vécu. Au petit Grand-Duché il existe de nombreuses occasions de se faire plaisir, il suffit tout simplement de ne pas manquer les meilleures occasions et surtout se familiariser avec la notion du savoir-vivre français.
En Europe et partout dans le monde, on a vu dans un passé récents des révolutions aussi bien de gauche que de droite. Une de celles-ci m’est restée particulièrement ancré dans la mémoire, celle qu’on a appelé le printemps arabe. Cette fois-ci, elle n’était pas dirigée par le prolétariat, mais bien par la religion de l’Islam. Donc un dépassement d’une ligne rouge et un pas dans la mauvaise direction, je pense, sans en vouloir dire d’avantage de cette tragédie.
C’est un très bon signe, que dans la société luxembourgeoise actuelle, on trouve des gens de différentes idéologies et de différentes origines, dont la plus part n’ont pas le gout de faire la révolution et encore moins de faire la guerre. Tous ceux que viennent bien intentionnés, sont les bienvenus. En ne peut que souhaiter que le moto du 19e siècle, nous voulons rester ce que nous sommes, reste fermement ancré dans le subconscient des générations futures de ce pays, sans vouloir être médisant sur nos grands et puissants voisins.

Serenissima, en Escher Jong
12. Oktober 2017 - 9.48

Monsieur Sold, 10% d'accord avec vous.
Note identité nationale gagne en incluant les nouveaux venus; à supposer qu'ils veulent s'intégrer. est-ce le cas?
Qui vivra verra......